mardi 23 février 2016

Heaven 17: TB or not TB

Dans le dernier Trax, deux pages étaient consacrées à la mythique Roland TB303, l'un des instruments électroniques les plus fondateurs de la house et techno au même titre que les TR808/909. Produite entre 1982 et 1983 cette bassline à destination des guitaristes pour répéter (et produite en même temps que la TR606) fut un énorme échec commercial... Le son irréaliste, le séquenceur très particulier furent probablement les principales raisons de ce sabordage économique pour la marque culte japonaise. Pourtant, l'instrument après avoir fait le bonheur des soldeurs, se retrouva entre les mains de quelques mecs géniaux et désargentés de Chicago (Phuture: Herbert J, Spanky et bien sûr DJ Pierre) qui inventèrent l'Acid House ! Ce séquenceur mal-fichu (et ses capitales fonctions "slide" et "accent"), ce son résonant absolument démoniaque (merci le filtre très particulier de la bécane: un passe-bas avec une pente de 18 dB) furent alors les guides d'une résurrection spirituelle et psychédélique...

Si "Acid Tracks" est le morceau fondateur de l'Acid House ("I've lost control" de Sleezy D peut lui contester le titre!), beaucoup d'amateurs considèrent que "Ten Ragas To A Disco Beat" de Charanjit Singh comme peut-être l'exemple le plus probant de proto-acid house. Publié en 1982 selon la plupart des sources (discogs indique néanmoins 1983 ce qui aurait son importance comme on va le voir), c'est en tout cas une écoute intrigante  à défaut d'être si excitante que ça (désolé mais ça reste très kitsch non?). En tout cas, si la TB303 n'a pas marqué au départ la musique pop comme le Jupiter 8 ou la LinnDrum (qui étaient littéralement partout) je relève malgré tout quelques usages dans des tubes de l'époque, deux de 1982 me semblent particulièrement notables: "Rip it Up" d'Orange Juice et "Let me go" d'Heaven 17. J'aurais tendance qu'ils précèdent au niveau sortie "Ten Ragas" mais ils sont en revanche plus pop et classique dans leur usage du petit synthé de Roland (et donc techniquement moins proto-acid house !). Les écossais d'Orange Juice dégaine ainsi un de leurs plus grands singles avec une basse absolument fantastique programmée sur la petite boite argenté qui évoque curieusement "Chameleon" d'Herbie Hancock (qui n'a pas été programmé sur une TB303 évidemment). Autre usage dans un tube pop, les britanniques d'Heaven 17 et leur classique "let me go". Ce groupe fondé par deux ex-Human League (Martyn Ware et Craig Marsh) et Glenn Gregory au chant utilise ainsi la TB303 comme un gimmick tout au long du morceau, son usage s'apparente alors d'avantage à une séquence électronique comme pourrait en proposer Kraftwerk (une de leurs grandes influences même si ici déjà plus diluées que dans leurs premiers disques). Cet élément acide et presque menaçant tranche avec une production électronique soyeuse (pas si éloignée que ça d'ABC) et une composition qui une fois joué au piano pourrait tout à fait prétendre être un classique soul. Heaven 17 ont ainsi su trouver un équilibre entre pop et expérimentation en enregistrant ce classique absolu de la synth-pop. Enfin terminons ce petit texte sur les usages pop de la TB303 dans les années précédents la house en mentionnant l'incroyable "program for light"  de Section 25 (un groupe de Factory Records) de 1984: ce morceau sans être tout à fait de la techno (ou de la house) en prend dangereusement le chemin: instrumental, abstrait, mental et vrillé. Moins cité que "looking for the hilltop (megamix)" il est pourtant plus élégant et fin. N'hésitez pas à citer d'autres morceaux utilisant une TB303 dans ces années là (82-85) !

Aucun commentaire: