Qui aurait cru qu'une compilation sortie chez Elektra en 1972 aurait encore un tel impact 40 ans plus tard, au point d'amener des jeunes (nés il y a une vingtaine d'année, c'est à dire bien après la sortie de ce disque) à prendre des guitares, former des groupes, organiser des concerts ou sortir des disques. Pas sûr que son créateur Lenny Kaye * aidé de Jac Holzman (patron du label) y ont songé sur le moment, eux qui ont cherché à mettre ce bon morceau sur chaque album et mettre ensemble les chansons [qu'il aimait]**.
1972: Ziggy Stardust de Bowie, le premier Roxy Music, Close to the Edge de Yes, Thick as Brick de Jethro Tull, Harvest de Neil Young ou encore Exile on Main St des Stones... ET la Nuggets, un OVNI qui derrière la couverture très psychédélique signée Abe Gurvin cache une salve de 27 morceaux sixties répartis sur deux 33 tours. Ces chansons ont parfois été des demi-tubes (six d'entre elles ont été dans le Top 20 singles américain) mais quand sort la compilation elles étaient oubliées de tous ou presque (pas de Greg Shaw, Sid Griffin ou Robin Wills), loin des yeux loin du cœur... Il faut dire que Lenny et Jac ne se sont pas facilités la tâche en sélectionnant des groupes one-hit-wonder et parfois même no-hit-wonder, ces dizaines et dizaines de formations qui ont parfois touché la lumière du bout des doigts mais sont très vites repartis dans l'obscurité quand les Who ou les Doors trustaient le haut de l'affiche des festivals .
Si l'idée de compiler des groupes inconnus et déjà séparés n'était pas totalement nouvelle en 1972 *3, elle restait exceptionnelle. Le marché des rééditions était alors à ses balbutiements *4, à l'inverse d'aujourd'hui où le passé prend peu à peu le pas sur le présent.
1972 donc, une année zéro , ou un, deux, trois... mais on est au début du truc, et il est presque inconcevable commercialement d'envisager une compilation de vieux morceaux de garage *5 en pleine vague Glam, Hard Rock et autres Prog, un anachronisme. La Nuggets va jouer un rôle essentiel dans la définition du concept de garage même si aujourd'hui on peut toujours s'interroger sur la façon la plus pertinente de décrire cet objet de passion *6. La magie de cette compilation se trouve là dedans, elle a contribué à expliciter le liens entre ces groupes et leur donner un sens en tant qu'ensemble et non plus unités perdues dans un grand ensemble bordélique.
La compilation a en partie involontairement créé le garage, elle est dans les faits bien plus variée que cela. On y trouve de la pop baroque (le superbe my world fell down de Sagittarius ou sit down i think i love you des Mojo Men), des morceaux psychédéliques (I had too much too dream last night des géniaux Electric Prunes ou open my eyes des Nazz de Todd Rundgren), de la pop sous influence Beatles (l'excellente lies des Knickerbockers), peu ou prou du folk-rock (hey Joe des Leaves ou invitation to cry des Magicians) ou encore le Frat-Rock des Premiers (Farmer John, seul morceau de 1964 sur le LP).
Malgré cette diversité la Nuggets va devenir la compilation de référence du garage-rock, le modèle à dépasser, compléter, améliorer... Entre la morgue des Standells (dirty water), la fuzz assassine de psychotic reaction (Count Five), l'orgue hanté de liar liar (Castaways), l'idiotie assumée *7 des Barbarians, la trance des Seeds et l'esprit flingué de you're gonna miss me (13th Floor Elevator) toute l'essence du garage-rock s'y trouve. On est emballé par cette sélection de 27 titres absolument dingues, attrapé pour ne jamais redescendre. La compilation capte l'imaginaire de ceux qui l'écoutent, et ces derniers en font leurs saintes écritures. La beauté de la chose c'est que les concepteurs ne l'avaient pas prévu, ils voulaient juste réunir des morceaux cool ensemble, mais à travers leur inconscient et l'imaginaire des auditeurs en a émergé cette chose qu'est le garage-rock. Le caractère non-volontaire de cette création est en partie une explication de la réussite de la Nuggets: tout cela s'est fait naturellement.
En 27 morceaux la Nuggets saisit l'esprit des années 60 et rend grâce à des groupes injustement oubliés, elle donne à ceux qui s'y aventurent, une autre lecture de la décennie. En contestant la version officielle de l'histoire (écrite par les vainqueurs) elle donne envie de prendre les armes et de faire sa propre musique et écrire sa propre histoire.
1972 donc, une année zéro , ou un, deux, trois... mais on est au début du truc, et il est presque inconcevable commercialement d'envisager une compilation de vieux morceaux de garage *5 en pleine vague Glam, Hard Rock et autres Prog, un anachronisme. La Nuggets va jouer un rôle essentiel dans la définition du concept de garage même si aujourd'hui on peut toujours s'interroger sur la façon la plus pertinente de décrire cet objet de passion *6. La magie de cette compilation se trouve là dedans, elle a contribué à expliciter le liens entre ces groupes et leur donner un sens en tant qu'ensemble et non plus unités perdues dans un grand ensemble bordélique.
La compilation a en partie involontairement créé le garage, elle est dans les faits bien plus variée que cela. On y trouve de la pop baroque (le superbe my world fell down de Sagittarius ou sit down i think i love you des Mojo Men), des morceaux psychédéliques (I had too much too dream last night des géniaux Electric Prunes ou open my eyes des Nazz de Todd Rundgren), de la pop sous influence Beatles (l'excellente lies des Knickerbockers), peu ou prou du folk-rock (hey Joe des Leaves ou invitation to cry des Magicians) ou encore le Frat-Rock des Premiers (Farmer John, seul morceau de 1964 sur le LP).
Malgré cette diversité la Nuggets va devenir la compilation de référence du garage-rock, le modèle à dépasser, compléter, améliorer... Entre la morgue des Standells (dirty water), la fuzz assassine de psychotic reaction (Count Five), l'orgue hanté de liar liar (Castaways), l'idiotie assumée *7 des Barbarians, la trance des Seeds et l'esprit flingué de you're gonna miss me (13th Floor Elevator) toute l'essence du garage-rock s'y trouve. On est emballé par cette sélection de 27 titres absolument dingues, attrapé pour ne jamais redescendre. La compilation capte l'imaginaire de ceux qui l'écoutent, et ces derniers en font leurs saintes écritures. La beauté de la chose c'est que les concepteurs ne l'avaient pas prévu, ils voulaient juste réunir des morceaux cool ensemble, mais à travers leur inconscient et l'imaginaire des auditeurs en a émergé cette chose qu'est le garage-rock. Le caractère non-volontaire de cette création est en partie une explication de la réussite de la Nuggets: tout cela s'est fait naturellement.
En face B "Hello it's me" l 'original
d'un des grands tubes de Todd Rundgren en solo
En 27 morceaux la Nuggets saisit l'esprit des années 60 et rend grâce à des groupes injustement oubliés, elle donne à ceux qui s'y aventurent, une autre lecture de la décennie. En contestant la version officielle de l'histoire (écrite par les vainqueurs) elle donne envie de prendre les armes et de faire sa propre musique et écrire sa propre histoire.
Le Tracklisting original
(source)
Face 1
The Electric Prunes: "I Had Too Much to Dream (Last Night)" (Annette Tucker, Nancie Mantz) – 3:02 (#11)
The Standells: "Dirty Water" (Ed Cobb) – 2:50 (#11)
The Strangeloves: "Night Time" (Bob Feldman, Jerry Goldstein, Richard Gottehrer)– 2:35 (#30)
The Knickerbockers: "Lies" (Beau Charles, Buddy Randell) – 2:46 (#20)
The Vagrants: "Respect" (Otis Redding) – 2:17
Mouse: "A Public Execution" (Knox Henderson, Ronnie Weiss) – 3:02
The Blues Project: "No Time Like the Right Time" (Al Kooper) – 2:49 (#96)
Face 2
The Shadows of Knight: "Oh Yeah" (Ellas McDaniel) – 2:51 (#39)
The Seeds: "Pushin' Too Hard" (Richard Marsh) – 2:39 (#36)
The Barbarians: "Moulty" (Barbara Baer, Douglas Morris, Eliot Greenberg, Robert Schwartz) – 2:37 (#90)
The Remains: "Don't Look Back" (William McCord) – 2:45
The Magicians: "An Invitation to Cry" (Alan Gordon, James Woods) – 2:59
The Castaways: "Liar, Liar" (Dennis Craswell, Jim Donna) – 1:56 (#12)
13th Floor Elevators: "You're Gonna Miss Me" (Roky Erickson) – 2:31 (#55)
Face 3
Face 3
Count Five: "Psychotic Reaction" (Craig Atkinson, John Byrne, John Michalski, Kenn Ellner, Roy Chaney) – 3:09 (#5)
The Leaves: "Hey Joe" (Billy Roberts) – 2:53 (#31)
Michael and the Messengers: "Romeo & Juliet" (Bob Hamilton, Fred Gorman) – 2:02 (#129)
The Cryan' Shames: "Sugar and Spice" (Fred Nightingale) – 2:33 (#49)
The Amboy Dukes: "Baby Please Don't Go" (Big Joe Williams) – 5:41 (#106)
Blues Magoos: "Tobacco Road" (John D. Loudermilk) – 4:44
Face 4
The Chocolate Watch Band: "Let's Talk About Girls" (Manny Freiser) – 2:45
Face 4
The Chocolate Watch Band: "Let's Talk About Girls" (Manny Freiser) – 2:45
The Mojo Men: "Sit Down, I Think I Love You" (Stephen Stills) – 2:25 (#36)
The Third Rail: "Run, Run, Run" (Arthur Resnick, Joey Levine, Kris Resnick) – 1:57 (#53)
Sagittarius: "My World Fell Down" (Geoff Stephens, John Shakespeare) – 3:52 (#70)
Nazz: "Open My Eyes" (Todd Rundgren) – 2:47 (#112)
The Premiers: "Farmer John" (Dewey Terry, Don Harris) – 2:29 (#19)
The Magic Mushrooms: "It's-a-Happening" (David Rice, Sonny Casella) – 2:47 (#93)
achat : réédition vinyle / réédition cd de la version originale de 1972
achat : réédition vinyle / réédition cd de la version originale de 1972
* Lenny Kaye a été par la suite guitariste de Patti Smith, il a aussi produit des disques, par exemple Stutter de James
** the one good cut on every album (Holzman) I just put together the songs that I liked (Kaye) j'ai trouvé les citations dans l'excellente revue The Big Takeover
*3 Ivan Terrible/ Born Bad m'a ainsi parlé des compilations Moldies du DJ de Pittsburgh Mad Mike (aucun lien avec le producteur de techno) réalisées au milieu des années 60. Plus d'informations ici.
*4 Par exemple Preflyte des Byrds initialement paru en 1969 est souvent considéré comme un des premiers LP à vocation d'"archive".
*5 à l'époque Lenny Kaye utilise le terme de "punk" dans les notes de pochettes, une des premières utilisations recensées du nom dans la musique.
*6 j'ai moi même tenté d'en donner une description dans cet article
*7 ce n'est pas dit péjorativement, c'est un compliment