vendredi 27 janvier 2017

Die Berolinas "Espresso"

Nous n'avions jamais évoqué jusqu'ici un disque de la République Démocratique d'Allemagne (la fameuse RDA ou DDR en anglais). Initions donc le mouvement avec le très bon morceau de Die Berolinas Espresso.

Le nom du groupe est une référence au nom néo-latin (néo car ne datant évidemment pas de l'Antiquité) de la ville ainsi que sa figure allégorique qui fut représentée pendant une certaine période à travers une statut sur l'Alexanderplatz. Sur la formation en elle même nous savons peu de chose: ils n'ont sorti que ce morceau sur un simple (partagé avec un autre chanteur peu mémorable) pour le label d'état Amiga ainsi qu'un second morceau (assez médiocre malheureusement) uniquement édité sur une compilation (Dämmerung)... Espresso est écrite par le bassiste Bernd Emich qui fut aussi membre du groupe de rock instrumental Die Sputniks à ne évidemment pas confondre avec le groupe suédois The Spotnicks. C'est un excellent morceau funky et groovy avec un très bon hammond et une basse puissante, véloce. Dans deux ans nous fêterons la chute du mur de Berlin, il est bon de rappeler qu'à l'Est aussi il y avait de l'excellente musique dans la plupart des pays (Tchécoslovaquie, Hongrie, Pologne,...) même si elle fut, il faut le reconnaître, plus difficile à défendre que de ce coté-ci de l'Europe du fait d'autorités pas toujours férues de rock, une expression souvent vue comme étant un vecteur du capitalisme, pas non plus entièrement faux. 

mercredi 25 janvier 2017

Jean Karakos: Celluloïd

L'expérience BYG fut loin de conclure les envies de labels de Jean Karakos...Le plus important d'entre eux étant certainement Celluloïd.


TAPIOCA
Tapioca fut une aventure de courte durée entre 1976 et 1978. Karakos s'associa avec le financier Hugues Balley. Ils éditèrent le premier 45 tours de Téléphone (discogs) et rachetèrent le catalogue de Pôle (Besombes & Rizet, Henri Roger...) un des meilleurs labels expérimentaux électroniques français des années 70 fondé et géré par Paul Putti et sa femme. Il semblerait que Karakos utilisait les tampons (qui servent à presser les disques) de Pôle ce qui affecterait la qualité des pressages Tapioca....Le label compte également des sorties de groupes liés à la galaxie BYG tels que Gong ou Daevid Allen en solo ainsi qu'à l'underground français de la première moitié des 70s (un disque d'inédits de Magma).



Les Tontons M'écoutent
Label temporaire de Karakos n'éditant que 4 disques entre 1978 et 1979. Des rééditions de Magma ou Gong... À noter que le cat number (LTM) apparaît sur certaines références Celluloïd.



CELLULOÏD
Le label naquit officiellement en 1979 même si certaines sorties semblent précéder cette date (des licences de disques de reggae ). Jean Karakos s'associa avec Gilbert Castro, qui fonda également le distributeur Mélodie spécialisé en musique africaine et antillaise et bien sûr Jean-François Bizot. Bizot, décédé il y a dix ans, fut une des figures les plus importantes de l'underground français. Un esprit libre dont la pensée infuse encore de nombreux médias. En 1970, il racheta Actuel (fondé par Claude Delcloo, partenaire de Karakos et Young dans l'épopée BYG après le départ de Boruso) auquel il impulsa une vision plus ouverte et professionnelle (moins proche du fanzine politique des débuts). En 1975 le titre fut sabordé avant de renaître de 1979 à 1994. Il fonda en parallèle le groupe de presse Nova Press et vous l'aurez deviné: Radio Nova à l'heure de la libéralisation des ondes FM en 1981 par ce cher tonton. 


À ces débuts, le label fonctionna selon les bonnes vieilles méthodes déjà éprouvées du temps de BYG: beaucoup de licence. Celluloïd édita ainsi le classique Warm Leatherette de The Normal, des disques de Cabaret Voltaire, Throbbing Gristle, Young Marble Giant, Soft Cell,  etc. Bien que l'on note ainsi un changement de génération de groupes, les formations issues de l'activisme de la fin des années soixante continuèrent de figurer (un peu plus sporadiquement) au catalogue: Henry Cow (groupe Canterbury), Magma, Gong ou encore Etron Fou Leloublan... Le label s'intéressa aussi dès ses débuts à la musique du monde et plus particulièrement au Reggae, une attitude qui coïncide bien avec les centres d'intérêt de Bizet mais aussi ceux de Karakos (comme en témoigne son intérêt pour les musiques cubaines avant la création de BYG).



Deux scènes, à la fois très liées et différentes, firent beaucoup pour la renommée et l'histoire de Celluloïd à partir de 1979. Celluloïd prit en licence de nombreuses sorties de Zé (label fondé par Michael Zilkha et le français Michel Estaban précédemment de la boutique Harry Cover) donnant à la scène new-yorkaise une importante visibilité en France: Suicide, James Chance, Was Not Was, Material... De l'autre, le label de Karakos, Bizet et Castro défendit les groupes français dont les noms figurent aujourd'hui parmi les plus appréciés: Jacno, Mathématiques Modernes, Modern Guy, Nini Raviolette, Artefact... Soit une certaine idée de l'époque, entre disco déviante et jeunes gens modernes. Une union entre la dance music et les circonvolutions punk voir expérimentales...

En 1982, Karakos déménagea à New York, impulsant une nouvelle orientation au label en plus d'un intérêt maintenu pour le rock français (45T des Coronados en 1983, des sorties de la LSD...). Là bas, en compagnie de Bill Laswell de Material (dont le nom croisa aussi celui de Gomelsky: petit milieu !), Celluloïd produisit de nombreux disques de hip-hop parmi lesquels ceux de Beside, Futura 2000 ou Fab Five Freddy. Ce même Bill Laswell participa par ailleurs au fameux Rockit d'Herbie Hancock en compagnie des scratchs Grand Mixer DST également auteurs de quelques maxis sur le label français. Celluloïd fut également très important dans le développement de la world music en France comme en témoigne les nombreuses incursions du label dans le genre: Touré Kounda, Manu Di Bango, Salif Keita.


En 1988, Karakos quitta le navire, l'année suivante, il fit l'un de ses plus fameux coups: La Lambada et oui ! En 1994 il fonda Distance un label de (deep) house au catalogue relevé dans lequel figurèrent: Kings of Tomorrow, Romanthony (chanteur d'un des meilleurs morceaux des Daft Punk entre chose), Kevin Yost, Shazz, DJ Deep, Louis Vega (moitié des MaW), Playin' 4 The City. D'ailleurs concluons ce tour d'horizon sur un de mes morceaux de house favoris, le fantastique Finally des Kings of Tomorrow sorti en 2001 sur Distance (et pris en licence par MoS).

Pour aller plus loin: les entretiens de la BNF de Karakos qui reviennent sur l'ensemble de la carrière.

 

mardi 24 janvier 2017

Jean Karakos: BYG

Hier nous apprenions le décès de Jean Karakos, fondateur de deux des plus grands labels indépendants français à n'avoir jamais existé: BYG et Celluloïd. Je ne pense pas être la personne la plus apte à faire une biographie digne de ce nom à ce personnage hors norme de la pop française, à ce titre je vous recommande les textes de Rock Made In France et Libération permettant d'entrevoir la la vie fascinante de cette figure iconoclaste. À défaut de savoir comment appréhender la personne dans son essence, il m’apparaissait important de revenir sur certaines de ses grandes aventures qui façonnèrent la pop française que j'aime et défend ici et ailleurs. D'une certaine manière, comme pour Pierre Barouh (Saravah), le paysage underground français ne serait pas exactement le même sans des gens comme Jean Karakos... le mainstream non plus d'ailleurs !

BYG
Le label fut créé en 1967, selon la légende le nom reprend les initiaux de ses trois fondateurs à savoir Fernand Boruso, Jean Luc Young et Jean Georgakarakos. Le premier fut précédemment collaborateur de... Saravah (le monde est petit), il partit en 1969.
Jean Luc Young initia au moins deux labels avant BYG en plus de travailler à la distribution chez Barclay. Le premier, les Disques Young ne comporte qu'une seule sortie: le classique french beat El Camel des Falcons. Il créa également Disc Young, structure qui licencia deux productions anglo-saxonnes de Pentagle et The Mohawks. Deux réalisations faites en compagnie d'un autre label.... Joc créé par ... Karakos. Ce dernier monta tout d'abord l'éphémère Star Success dont selon toute vraisemblance il doit exister une dizaine de références oscillant entre musique cubaine et twist (Billy Watch, Eddy Burns, Gilbert Brun,  Pepe Luiz), puis Joc, label orienté vers les licences de disques de blues et folk (Pete Seeger, Woody Guthrie, Lightin' Hopkins etc.).


BYG, à ses origines, continua cette politique de licence notamment dans les premières années de son existence. Le label réédita en effet des disques de jazz (séries The Jazz Collection, Jazz Masters ou encore The Archive of Jazz) tandis qu'en parallèle il prenait chez des labels anglais ou américains des nouveautés de groupes aussi diverses que Sly and the Family Stone ou les plus obscurs Jasmin-T... BYG développa aussi son propre catalogue autour de différents axes. La venue de Claude Delcloo (qui remplaça Boruso) impulsa une orientation free jazz notamment via la collection Actuel, du nom du magazine fondé par le même Delcloo. L'identité visuelle de la série a marqué toute une génération: un layout blanc, une photo ou un dessin bordé de gris, le A stylisé en haut à droite, le titre à coté à gauche...L'ensemble constitue presque un who's who du jazz avantgardiste: Don Cherry, Art Ensemble of Chicago (qui résidait à l'époque à Paris), Sun Ra ou encore Archie Shepp pour citer les noms les plus connus. Autre élément moteur du catalogue: le rock underground français. Gong, la formation mythique de Daevid Allen, y publia entre autre son premier LP Magick Brother en 1969 (produit par les trois larrons) de même que la formation progressive Alice , les excellents Alan Jack Civilisation , Cœur Magique et Âme Son


En plus d'avoir parfois utilisé ses studios, BYG partagea certains artistes avec Saravah notamment Areski et Fontaine qui firent des albums pour les deux labels. Les deux structures, bien que sur des versants légèrement différents (rock d'une part, chanson de l'autre) sont peut-être parmi les plus symboliques de l'effervescence de l'époque, moins underground que Futura, plus large dans leur approche, ils catalysèrent ainsi une partie de l'énergie musicale générée par la France post-soixante huitarde (quand tout était encore possible et que Mai 68 n'était pas vu comme une injure...). BYG fut ainsi un jalon important pour la scène underground française et internationale entre 1968 et 1974. Si parfois les disques édités semblent à la limite de la légalité (notamment ceux de la série Faces and Places que je soupçonne d'avoir été alimenté par Gomelksy), le catalogue brille par sa variété, sa fraîcheur, son originalité et ses prises de risques. Il est incontestablement l'un de ceux qui a le mieux défendu le rock français à une certaine époque.

À partir de 1974, Jean-Luc Young et Karakos empruntèrent des voix différentes qui se croisèrent cependant à l'occasion. Nous allons revenir dans une seconde partie (si j'ai le courage de m'y atteler !) sur Celluloïd et d'autres labels de Jean Karakos mais mentionnons pour être complet ce que fit son collègue Young. Il monta le label de rééditions Charly notamment de certains groupes du catalogue BYG parmi lesquels Gong. Ce label est aujourd'hui particulièrement actif (par exemple sur le catalogue du 13th Floor Elevator) et connu quelques beaux succès, tel que Jungle Rock de Hank Mizell en 1976, un morceau initialement édité une vingtaine d'année plus tôt propulsé dans les charts anglais par la grâce d'une réédition...

En complément:
Un article très complet et intéressant sur BYG.
Un article sur le festival d'Amougies (directement lié à l'aventure BYG).
Un sujet sur les indicatifs de Radio Campus où j'évoque le parcours de Gomelsky dont la vie croisa souvent celle de BYG (il était manageur de Gong).

PS: j'ai illustré l'article de vidéos de disques sur ma wantlist :) . Pour l'anecdote: derrière le morceau floating se cache Vangelis, de son coté François Wertheimer pourrait bien être derrière le très étonnant album de Dominique Webb...

lundi 23 janvier 2017

Aguaviva "Cantaré"

Voici un disque que je croisais souvent mais j'évitais tout autant. Pochette peu engageante, un look laissant présager d'une pop générique... Une fois quelqu'un (un excellent disquaire) a eu l'idée de me le faire écouter, ce fut une bonne idée ! Comme quoi il ne faut pas toujours se fier aux pochettes.

Aguaviva est un groupe de pop qui tire vers le rock progressif, le folk et la musique espagnole. Le groupe a la particularité d'avoir eu de nombreux changements de membres au cours de son existence, le cœur de la formation étant José Antonio Muños et Manolo Diaz. Ce dernier, en plus d'écrire la plupart des compositions du groupe, n'est pas un inconnu: ancien membre du groupe beat Los Sonor, il a écrit quelques classiques de la pop sixties espagnole comme La Moto une chanson interprétée par Los Bravos mais aussi Los Pasos. Il travailla d'ailleurs assez régulièrement avec ces deux formations (y compris en participant à la production de Los Bravos) ainsi que ponctuellement avec Los Canarios, ou Los Pop Tops...Aguaviva est en quelque sorte son bébé, il fonde le groupe à la fin des années soixante en compagnie de José Antonio Muños dont le rôle dévoile la principale spécificité du groupe: il interprète des textes plus qu'il ne les chante. En effet, Aguaviva adapte de nombreux poètes espagnols en musique, la plupart d'entre eux ayant une connotation politique, une manière pour le groupe de contester la dictature. On compte ainsi par exemple Rafael Alberti dont l'exil se prolongea de 1939 (fin de la guerre civile) jusqu'à 1977 (en 1975 Franco décède, il est remplacé par Juan Carlos 1er qui va assurer une transition démocratique du pays) adapté sur la face A de ce simple Poetas Andaluces. Cependant, j'ai une préférence pour la face B écrite par le seul Diaz: Cantaré. Basse au médiateur, rythmique funky, guitares acoustiques légèrement nuageuses, chœurs féminin à la Mamas & Papas, construction alambiquée typique de l'époque, la chanson est une jolie démonstration du savoir faire espagnole de la fin de décennie soixante et du début de la suivante. Si Aguaviva a du mal à décoller dans son propre pays au début, l'attrait pour leur musique à l'étranger (notamment en France et leur participation au fameux festival de chanson de Sanremo) leur permet de finalement acquérir un statut de classique de l'autre coté des Pyrénées.  


jeudi 19 janvier 2017

The Honeybus "I can't let Maggie go"

Il y a un mois j'évoquais en votre présence mon amour pour les années soixante, ce vieil ami que j'aime à retrouver pour parler de mes déceptions amoureuses ou tout simplement du sens de la vie... Les glorieuses sixties sont toujours rassurantes et flatteuses. Les arrangements ne vous trahissent jamais: ils sont (presque) toujours de bon goût. Certes les mélodies ne sont pas toujours mémorables mais quand la musique est bonne les producteurs savaient comment en faire du pur miel pour les oreilles !

Prenons The Honeybus un des nombreux groupes pop de la capital londonienne se formant en 1967. En 1968, Pete Dello, un des membres du groupe, pond I Can't Let Maggie Go, sublime chanson pop aux arrangements baroques délicats comme de la dentelle. Un petit tube (8ème des charts anglais pendant deux mois) que le groupe ne parviendra pas à égaler. La chanson condense adroitement l'époque, elle est aimable et psychédélique, douce mais pas mièvre, gardant un peu de son mystère. On pense ainsi forcément à Wallace Collection (Daydream sortie un an plus tard) mais surtout à The Move (Blackberry Way, Flowers in the Rain) et peut être encore plus les Kinks dans cette intonation si britannique. I can't let Maggie Go , petit joyau d'une époque qui en comporte tant, mérite cependant toute votre attention, peut-être parviendra-t-elle, à rendre votre vie agréable quelques instants ?


mardi 17 janvier 2017

Captain Groovy & Crazy Elephant : dark part of my mind

Aujourd'hui nous nous intéressons à une double curiosité bubblegum... Deux disques de deux artistes différents, pourtant leur face B se suivent et se ressemblent étrangement !

Captain Groovy and his Bubblegum Army et Crazy Elephant sont en effet deux projets issus de la galaxie Super K Productions de Jerry Kasenetz et Jeffrey Katz. À la fin des années soixante, cette écurie envahit les charts du monde entier de disques bubblegum pop, genre qu'ils contribuent largement à créer... À l'inverse des Beatles, groupe authentique que Brian Epstein tenta de policer, les groupes bubblegum furent la majorité du temps des formations fictives dont les chansons étaient jouées par des musiciens de studio et écrites par des songwritters professionnels. À ce jeu là, Katz et Kasenetz furent certainement les plus doués, la liste des tubes qu'ils composèrent donnent à ce titre le vertige. Yummy Yummy des Ohio Express est peut être le plus connu, mais mentionnons aussi d'autres formations tout aussi factice telles que 1910 Fruitgum Company ou le Kasenetz-Katz singing Orchestral Circus. Le duo s'occupa également de quelques groupes garage bien connus des amateurs de Nuggets comme The Music Explosion ou The Shadows of Knight. 


La musique bubblegum était destinée aux pré-adolescents, par conséquent elle devait être lisse, accrocheuse, rythmée et répétitive. Indirectement elle fut le terreau fertile du concept de Boys Band, comme en témoignèrent les Monkees (que l'on peut partiellement associer au genre) et plus tard des formations comme les Bay City Rollers. Malgré la dimension particulièrement simple des morceaux, on trouve d'excellents tubes bubblegum, pour ma part j'adore sugar sugar des Archies, The Rapper des Jaggerz ou encore quick joe small du Kasenetz-Katz singing orchestral circus que je vous mentionnais précédemment. Plus intéressant encore pour nous peut-être, les faces B (et certaines faces A) sont parfois carrément garage voir psychédéliques ! L'une des meilleures dans le genre est certainement Try It des Ohio Express, un classique garage également joué par les anglais de The Attack. Le groupe a d'ailleurs pas mal d'autres morceaux de bonne facture à découvrir (par exemple Beg Borrow & Steal et son superbe solo de 12 cordes)... Vous vous en doutez Crazy Elephant et Captain Groovy and his Bubblegum Army nous intéresse précisément pour cela, les deux disques ont une face B terrible... qui a la particularité d'être le même morceau coupé en deux.

La première partie de Dark Part of My Mind se trouve sur le simple de Captain Groovy:


La seconde sur le simple de Crazy Elephant: 


Ironie: les deux parties ne sont pas signées des mêmes compositeurs ! Ainsi impossible de trouver de quelconques informations sur les auteurs supposées de la fin de la chanson... La première étant signée de suspects habituels de la sphère bubblegum. La question reste donc en suspens: qui a commis cet incroyable morceau psychédélique ? La guitare est sauvage, le son fuzz énorme et irréel, les textes ont l'air d'être un chanté par un mec complètement drogué, les musiciens sont en roue libre et se laissent aller à un jam acide mais heavy des plus jouissifs. Autre blague du destin: le 45T de Crazy Elephant est très facilement disponible, celui de Captain Groovy beaucoup moins. Pour compliquer les choses ce dernier a été aussi édité dans certains pays avec une autre face B ... Ainsi seule la France et certains pressages américains profitent de ce morceau délirant. Ceci dit les autres bénéficient d'une face B assez cool aussi: Bubble Gum March est en effet un très bon morceau instrumental hard rock...aussi disponible sur un 45T de Kasenetz-Katz Circus. De l'art de recycler les faces B. Tout cela est intéressant mais ne répond évidemment pas à la grande question: comment les pré-adolescents qui ont entendu ce disque ont réagi ?

Remercions néanmoins le génie d'un youtubeur d'avoir collé les DEUX versions à la suite:  



vendredi 6 janvier 2017

Olivier Bloch-Lainé "Des Mots"


Olivier Bloch-Lainé commence sa carrière à la fin des années soixante auprès de chanteurs transgressifs comme Mouloudji ou Brigitte Fontaine. Il écrit une grande partie de Brigitte Fontaine est folle en 1968, même si tout le monde retient plutôt les arrangements de Jean-Claude Vannier. Il publie un 45 tours arrangé par François De Roubaix sur le label de Mouloudji, sans doute dans les mêmes moments, mais je ne l’ai pas entendu.


Le disque qui m’intéresse ici parait en 1976, alors qu’Olivier a déjà pas mal bourlingué pour d’autres artistes notables, ou du moins pas inintéressants (Pierre Vassiliu, Michel Zacha, Pierre Barouh…). Il est distribué par CBS qui, décidemment, se permettait quelques largesses avec des artistes peu conventionnels qui avaient toutes les promesses de faire un bide (qui se souvient de Lone ou Patrick Beauvarlet ?). Pour être plus précis, il est publié sur Marginal, un sous-label, ou plutôt une collection de chez CBS, qui se décrit comme suit : « la collection Marginal a été créée pour faire connaître différents courants de musiques et de chansons situés "en marge" d'une expression traditionnelle. » Cette ambitieuse série franco-québécoise, qui a perduré à peine une année le temps de huit longs-jeux, propose également un album solo de Claude Engel, le jazz-fusion de West African Cosmos ou encore le troisième disque de Gilbert Montagné (eh oui !).

Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à nos dromadaires. Des mots présente un étrange métissage de variété, de pop, et… de jazz fusion (ne partez pas en courant !). Comme à l’accoutumée pour ce type d’album, le personnel se compose de fins limiers/requins de studios : Claud Engel et Jean-Pierre aux guitares (rien que ça !), Jean Shulteis à la batterie, Georges Rodi aux claviers, etc. Même Gilbert Montagné participe à quelques chœurs (eh oui !). La voix suave d’Olivier s’incorpore à merveille à la délicatesse des compositions (Mercredi). Les arrangements son alambiqués, mais fort heureusement jamais boursouflés, si bien que l’album conserve une grande cohérence, presque comme un concept-album (je me demande même s’il n’a pas été pensé comme tel). D’une certaine manière, la quiétude qui s’en dégage évoque les disques de Daevid Allen de la même période (Good Morning et Now Is The Happiest Time Of Your Life).


Enfin, il faut noter cette pochette très réussie de Folon – un dessin représentant  quatre dromadaires dans le désert sous un soleil aux tons pastels (en référence aux paroles du premier titre qui donne son nom à l’album). Cet écrin poétique correspond tout à fait à la tonalité de cet album plein de douceur, idéal pour réchauffer les cœurs en plein hiver. Il n’a jamais été réédité.

mardi 3 janvier 2017

Bernard Ilous "Ilous"



Bernard Ilous ne sera pas un illustre inconnu pour les lecteurs fidèles de ce blog. Il y a quelques mois, Alexandre évoquait déjà son aventure musicale avec Patrice Decuyper – fugace collaboration qui donna notamment naissance à un album magistral en 1972. Suite à la dissolution du duo, Bernard Ilous récidive en 1974 avec un disque solo. De toute sa carrière de musicien de l’ombre (il écrit et enregistre pour de nombreuses vedettes de la variété, googlez pour voir), celui-ici demeure fort malheureusement le seul signé sous son seul nom. Tout comme le Ilous & Decuyper, il parait chez la remarquable maison d’édition phonographique Flamophone. Avant de toucher deux ou trois mots sur l’album, il me semble judicieux d’évoquer le label (qui mériterait un article à lui seul tant son histoire peu banale s’émaille de pépites).


Flamophone est fondé à la toute fin des années soixante par Claude Puterflam, chanteur du SystèmeCrapoutchik, une formation pop exemplaire qui n’obtint malheureusement jamais le succès mérité. Maison modeste mais sincère, le principal fait d’arme de Flamophone réside dans la création d’une ambitieuse hybridation de la variété française et de la pop anglo-saxonne. Par cela, j’entends une musique francophone – forcément – et possiblement grand public, traduisant à sa manière l’univers psychédélique ou progressif de nos voisins d’Outre-Manche (au-delà du style vestimentaire, là où bloquait la plupart des idoles franchouillardes des seventies).  Dans un monde juste, ses productions soignées et au goût sûr auraient dû servir de mètre étalon dans le paysage musical hexagonal… Bien entendu, son catalogue n’est pas exempt de quelques belles branquignoleries, les 45 tours solo de Claude Puterflam en tête (mais également Confidence Pour Confidence de Jean Schultheis !). Celles-ci permirent, sans doute, de faire perdurer la société durant les années de vache maigre. Chez Flamophone, se croisent des têtes bien connues dans le monde des requins de studios (dans le sens noble du terme) : Bernard Ilous donc, mais également Jean-Pierre Alercen, Bernard Lubat, Christian Padovan… Pour ne citer que quelques noms qui concernent l’objet de ce papier. Pas des manches, en somme.

En 1974 donc, Bernard Ilous offre un exemple brillant des merveilles qui pouvaient aboutir du travail de Flamophone. Si le songwriting évoque à certains moments Michel Polnareff (Chanson chagrin) ou Michel Berger (Les yeux ouverts), la première qualité de l’album réside dans sa force introspective. Bernard Ilous nous fait pénétrer dans son univers embrumé, parfois inquiétant mais jamais pour longtemps. Sa pop douce et aérienne (voire gentiment cosmique, sans être pompeuse) plonge l’auditeur attentif dans un étrange sentiment de sérénité, de torpeur presque. La seconde qualité du disque se trouve dans les arrangements audacieux, presque « expérimentaux » par moments (toutes proportions gardées). Ce travail d’orfèvre s’illustre en particulier sur l’instrumental du disque (Rondeau). Il n’obtint qu’un succès commercial très limité et n’a, à ce jour, contrairement à l’album avec Decuyper, jamais connu de réédition. Bernard Ilous publia également une poignée de 45 tours durant la première moitié des années soixante-dix, mais je ne les connais pas.