Discogs est un précieux allier pour découvrir de la musique. Bien sûr il ne s'agit pas de l'usage le plus courant que nous en faisons tous, nous y répertorions nos disques en espérant secrètement détenir un vinyle rare et cher, nous fantasmons sur beaucoup d'autres et enfin de temps en temps nous achetons ou dégraissons notre collection. Pourtant, c'est un outil formidable (à prononcer avec l'accent de 'Jack Lang) d'exploration de la musique. Si youtube favorise la sérendipité, le site discographique permet au contraire des recherches particulièrement précises: sa base de données est très puissante pour croiser des critères. Une de mes techniques favorites depuis quelques mois, comblant idéalement mon envie de retourner à mes amours pour les oldies de pays ne chantant pas en anglais, consiste à regarder tous les disques d'un genre donné sur une période donnée et pour un pays donné. Me voilà ainsi à fouiller les recoins du site à la recherche de disques beat hongrois sixties ! Et vous pouvez également le faire désormais.
Je porte en un intérêt dévorant depuis quelques mois pour les disques sixties issus des régimes socialistes européens (ex-Yougoslavie, Pologne et donc Hongrie). Cette soudaine passion a quelques raisons objectives au delà de la curiosité brute et de l'exotisme que peuvent représenter ces pays quand il est question de rock. Une des principales est certainement que les disques sont trouvables et accessibles financièrement: l'inverse des pays scandinaves où les disques beat se monnaient régulièrement en trois chiffres, une pure folie... Il est aussi question de l'attrait de sortir de ma zone de confort tout en gardant un pied dedans: j'explore une musique que je connais dans des langues que je ne maîtrise aucunement: je me sens en danger en retrouvant néanmoins certains codes. Enfin et tout simplement, malgré les conditions difficiles d'enregistrement et de publication de la musique dans les pays communistes: il y a de super disques, surtout dans les pays plus libéraux ayant d'avantage toléré que les jeunes écoutent, fassent voir enregistrent du rock.
La Hongrie peut ainsi se targuer d'une certaine richesse en la matière dans les années 60, du moins avant que l'URSS ne décide de sonner la fin de la récréation considérant cette musique comme une dépravation bourgeoise de l'occident à absolument combattre... Au fond le régime n'avait pas tord, le soft power et la culture ont énormément contribué au rayonnement de l'occident, les Beatles furent un bien meilleur émissaire du capitalisme libéral que ne le fut l'OTAN...Cette politique très restrictive vis à vis du rock eu dans certains cas des conséquences intéressantes: les groupes firent d'avantage appel au folklore local souvent sous la pression des autorités, une logique qui finalement suit ce qui se passe à la même époque (plus ou moins) ailleurs, par exemple en France avec Malicorne ou Alan Stivell. Bien employé par certains groupes cette contrainte amène de l'originalité. Je ne pourrais pas définir précisément l'essence du rock hongrois des années 60 mais il me semble après mes premières recherches que cette langue est très musical et apporte un charme indéniable (wiki pour en savoir plus). Les groupes évoluent ainsi souvent dans un psychédélisme emprunt d'une jolie couleur locale presque orientale. En Hongrie comme en Pologne ou en Tchécoslovaquie (et à l'inverse de la Roumanie ou la Bulgarie par exemple) la qualité des enregistrement est proche des standards de l'époque de l'autre coté du rideau de fer. Les principales formations (zenekar pour orchestre, együttes pour ensemble) dans l'époque qui nous intéressent furent Metrò, Omega et enfin celle que nous allons évoqué aujourd'hui Illés.
Le nom du groupe est au départ lié à ses membres, de la famille Illés. La formation évoluant régulièrement jusqu'à 1965, il sera d'avantage question d'y associer le prophète Élie, d'ailleurs le logo du groupe y fait référence: il représente un char (stylisé en notes de musique) tiré par deux chevaux. Le groupe est ainsi actif du milieu des années 60 jusqu'à 1973, les raisons de la séparation ne sont pas claires mais pourraient être politiques. Les deux guitaristes composent aussi généralement, c'est en tout cas le cas du single que vous allez pouvoir écouter, écrits par Levente Szörenyi et Jànos Bròdy. Sorti en 1968 ce simple démontre le savoir faire du groupe en matière de pop psychédélique, les harmonies sont excellentes et les arrangements intéressants. Le riff "Holdfény 69" semble inspiré de "Respect" sans en être un pastiche. La face B "Alig Volt Zöld", tout aussi réussie, évoque quant à elle "Hole in my Shoe" de Traffic par son usage de la flute. Un 45 tours charmant qui devrait, je l'espère, séduire les amateurs de popsike.
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