L'histoire est bien connue: dans les années 70 l'axe Cologne - Düsseldorf définit le Krautrock dessinant ainsi (en partie) les contours des années 80 (post-punk, synth-pop etc.). Neu!, Kraftwerk ou Can sont autant de sésames pour ouvrir le cœur des amateurs éclairés (voir un peu chiants): un subtile équilibre entre folie expérimental et puissance d'un rock primal et urgent. Pourtant, Can aurait pu se faire radier de cette confrérie en commettant l'irréparable: du disco !
"I want more", le single de la disco(rde) paraît en 1976. Can est alors un groupe accompli mais sur le déclin, en effet la formation a atteinte son zénith artistique au début de la décennie avec la triplette "Tago Mago" (1971) "Ege Bamyasi" (1972) et "Future Days" (1973). Ces trois albums sont réalisés par le line-up classique du groupe: le japonais Damo Suzuki au chant (il apparaît déjà partiellement sur Soundtracks) avec le bassiste d'origine polonaise Holger Czukay, Irmin Schmidt aux claviers, Michael Karoli à guitare et enfin le fantastique Jaki Liebezeit à batterie. Si l'intérêt des albums suivants (après le départ de Damo donc) fait débat "I want more" provoque de véritables dissensions dans le cortège des fans du groupe. Un groupe expérimental et brillant peut-il faire de la disco aussi simple et accrocheuse ? Chacun se fera son opinion, pour ma part j'adore "I want More" qui combine les traits les plus évidents du genre (une rythmique binaire, une basse rebondissante) en y amenant malgré tout un petit truc frais et étrange. C'est un SUPER single (et le plus gros succès commercial du groupe ironiquement) et une des meilleures tentatives disco par un groupe rock avec "Last Train to London" de ELO (blog) dans un registre très différent...
Qui aurait eu l'idée d'imaginer que Lima et le Pérou puisse être un tel foyer du rock dans les années 60-70? Et pourtant au delà de la Cumbia (et sa variante locale la Chicha) très populaire là bas, de jeunes gens ont branché les guitares électriques et écouter les Stones ou plus tard Hendrix... Le groupe le plus connu aujourd'hui est bien sûr Los Saicos et leur classique "Demolicion" (youtube) un croisement génial entre les Trashmen et Bo Diddley qui évoque furieusement les Cramps 15 ans avant. Ces dernières années, la chanson s'est imposée dans les classiques du garage-rock, à n'en pas douter si la Nuggets "monde" était éditée aujourd'hui il y figurerait en très bonne position. Adoubé par les Black Lips, le groupe a même fait l'objet d'un documentaire sur Vice... Si d'un point de vue extérieur le groupe peut passer pour une étonnante anomalie, la scène péruvienne rock était pourtant fort bien pourvue et riche de nombreuses formations intéressantes. Je considère même qu'il s'agit d'une des plus passionnantes d'Amérique du Sud, pas au niveau du Brésil (hors concours) mais certainement un sérieux outsider de l'Argentine (et Uruguay), largement devant le Chili par exemple. Si Los Saicos sont de loin le groupe le plus péruvien le plus connu dans les cercles underground, à l'époque ils furent bien moins populaires que Los York's (wikipedia, youtube) ou Traffic Sound que nous allons justement écouter.
Considéré comme l'un des premiers supergroupes péruviens, Traffic Sound comprend des membres de formations telles que Los Hang Ten's (biographie). Entre 1969 et 1972 ils publient quatre albums et une demi-douzaine de simples pour l'important label national Mag. S'ils débutent en faisant des covers des Young Rascals ou des Doors, ils développent un répertoire propre par la suite et font le choix de l'anglais, peut-être pour se distinguer des formations beat de la génération précédente tels que les York's ou Los Saicos que nous mentionnions. "Meshkalina", leur morceau le plus connu est sorti en 1969 sous forme de 45 Tours puis a été publié sur un album en 1970. Le groupe y développe un psychédélisme puissant mais groovy: une version sud-américaine de Hendrix en quelque sorte. À une guitare acide wah-wah répond des accords de piano et une trompette étonnement latins...Un fantastique morceau très loin d' "El Còndor pasa" !
Le patrimoine français pop au sens large (j'y compte le rock voir la soul) souffre d'une terrible méconnaissance de notre part. Cela contribue à maintenir cette désespérante illusion que les français n'entendent rien à cette musique. Ainsi la fatalité ce serait abattue sur le berceau hexagonal dans les années 50: aux français la tradition du texte issu de notre si belle littérature (qui a tout de même "produit" Musso-piquette ou Marc Levy-tamine), aux anglo-saxons les chansons aux textes ineptes mais sacrément accrocheuses. Bien évidemment, la vérité est plus complexe mais également belle: les anglo-saxons ont des auteurs de chansons fantastiques (Bob Dylan ou les Kinks pour n'en citer que deux parmi d'autre) et les français sont capables de construire une chanson sur une mélodie plus qu'autour de son texte. Pourtant le salmigondis littéraire d’élèves condescendants en hypocagne reste vivace en 2016, parfois ils se transmettent même le patrimoine de père en fils, passant d'un support à l'autre ! On préfère aussi encore ces troisièmes couteaux anglais de freakbeat ayant composé un bon morceau (et repris correctement un groupe US bubblegum) aux groupes (français ou) francophones: The Attack plutôt que les Lutins ou les 5 Gentlemen...
Ilous et Decuyper, une collaboration ayant abouti sur un album et deux simples en 1972, ne va certainement pas aider à combler le déficit d'amour pour notre pop et pourtant que la tentative est belle ! Voilà deux musiciens, dont un au CV chargé (Bernard Ilous des Rover et dans la dernière version du Système Crapoutchik) qui se lancent dans un disque de folk-rock aux harmonies divines. En ligne de mire le supergroupe Crosby Stills and Nash (& Young s'il est d'humeur) évidemment mais Ilous et Decuyper y apportent une sensibilité unique et très française. "L'élu" seul simple extrait du disque en est une très belle illustration. Élégantes guitares acoustiques, orgue discret, délicat travail des voix...tout concourt ici à créer un sommet de folk-rock francophone dont la cime fait de l'ombre à bien des formations anglo-saxonnes ô combien adulées.
Popligan est une compilation éditée en 1967 par la radio suédoise afin de venir en aide aux réfugiés. Les titres devaient être inédits à l'époque du pressage mais furent pour certains intégrés aux sorties des groupes par la suite, c'est notamment le cas de deux des meilleures contributions "lady of leisure" de Science Poption (youtube) ou encore "too good to be real" des Slam Creepers'. Ce disque est intéressant car il offre un panorama très complet de la scène beat suédoise, en effet y sont présents les principales formations du genre, les plus populaires telles que The Tages (blog), Ola and The Janglers, The Shanes, ou encore The Hep Stars (blog)...
Parmi celles-ci figure une des mes favorites du pays: The Mascots de Stockholm. En 5 années, de 1964 à 1969, le groupe a publié une vingtaine de 45 tours et deux albums (discographie). "For Janet (whom i met)", leur contribution inédite à la compilation que nous évoquions est certainement mon morceau préféré du LP. Il combine ce qui me plaît tant dans la musique beat: légèreté sans être niais, enjoué sans en faire trop, beaucoup de malice... Le pont travaillé autour des voix est absolument superbe, il évoque certaines formations US comme The Association, il amène surtout au morceau ce petit truc en plus pour le distinguer de centaines de compos beat plus génériques que l'on est amené à rencontrer en creusant un peu le sujet. Une jolie découverte sur une compilation de bonne facture globalement (sans être toujours exceptionnelle soyons honnête) pas trop difficile à trouver et pas cher: une exception dans le catalogue des Mascots, les vinyles du groupe valant une blinde !
Les gars de Bloodrock n'eurent jamais un succès important en France mais sont considérés comme un groupe hard rock relativement important aux États Unis. Ils partageaient le même manager (Terry Knight) qu'une autre formation rock US 70s: Grand Funk Railroad. Les américains se souviennent particulièrement d'eux pour leur étrange hit "DOA" (youtube et wikipedia) extrait de leur second album, intitulé en toute simplicité "Blooodrock 2". Évoquant un accident d'avion, le morceau est aussi pesant que brillant...
Extrait de leur troisième album et face B d'un simple français avec "A Certain Kind" en A (couplage différent aux USA) "Jessica" est un autre excellent morceau bien que de facture plus classique. Les texans (de Fort Worth) livrent en effet une cavalcade hard rock porté par un orgue groovy et franc. L'ensemble évoque une version plus légère, aérée et moins lyrique de Deep Purple ou Uriah Heep (dont j'aime beaucoup le premier LP "Very 'Eavy...Very 'Umble") ce qui n'est pas pour me déplaire !
The Holly Guns furent une formation ardennaise (Charleville-Mézières) active du milieu des années 60 jusqu'au début des années 70. Ils n'ont édité que deux 45 tours en 1969 et 1971 (pour plus d'info et ici aussi), le premier a clairement ma préférence grâce à son excellente face B, un 45 Tours qui ne déroge donc pas à la fameuse règle tacite (souvenez vous Majority One, Santa-Maria, Aphrodite's Child...) du slow en A (ici "Crazy Week" dans l'esprit des Moody Blues par exemple) et du rock relevé sur l'autre face !
"And so Hush", meilleur production enregistrée par le groupe, est un excellent titre psychédélique qui tire sur le hard rock à la The Gun (pour le coté échevelé) voir Rare Bird (l'usage de l'hammond). L'orgue est déchainé, la batterie explosive et si le chant est un peu en yaourt, son enthousiasme compense en parti ce petit défaut. Ce titre confirme à bien des égards la vivacité de la scène française à la fin des années 60 dont nous sommes encore loin d'avoir fait le tour !
Les blogs eurent leurs heures de gloire il y a quelques années, ils sont aujourd'hui décimés et ringardisés au profit d'instagram ou periscope... Pourtant, aucun média ne me semble tout à fait comparable à celui-ci: personnel sans être narcissique, écrit et didactique sans être trop formel... Le blog a définitivement le cul entre deux chaises, comme un autre support que je n'ai généralement pas l'habitude de défendre: le CD. Ils sont les cendres chaudes d'une époque très récente mais déjà révolue, des objets has-been mais pas suffisamment vintage et hors de portée pour intéresser les gens... Néanmoins ils ont aussi leurs attraits et je continue de les pratiquer car je leur trouve quelques qualités. J'apprécie par exemple la liberté de format d'un blog, je peux ainsi moduler la longueur en fonction de ce que j'ai à dire sur le groupe sans me soucier d'être trop ou pas assez.
The Greeks sont précisément un de ces groupes sur lesquels il est difficile de beaucoup écrire: s'il est impossible de leur consacrer un bel article de fond cela ne présume pourtant pas de la qualité évidente de leur musique qui mérite d'être évoquée d'une manière ou une autre. Ce groupe formé en 1964 et originaire de Thessalonique en Macédoine (qui fait parti de la Grèce) n'a en effet que sorti que trois singles en 1967 dans une veine beat/garage. Coté biographie je pourrais vous donner les noms des membres (merci discogs) mais cela n'irait pas beaucoup plus loin. Difficile en effet de construire un récit séduisant autour de ces informations factuelles, cela ne laisse que plus de place à la musique...
La face B de ce simple est honnête mais le vrai morceau de bravoure est pour une fois la chanson mise en avant par le label , la bien nommée "Μπαλάντα Ενός Μικρού" dont la traduction sur google ne m'apprend pas grand chose sur la signification. Deux minutes quarante de garage-rock moody que l'on pourrait tout à fait envisager compiler sur une Teenage Shutdown par exemple...si le chant n'était pas en grecque ! Il amène d'ailleurs un charme unique à l'ensemble tout comme le saxophone. La composition est inspirée de "House of the Rising Sun" et plus spécifiquement de la fameuse interprétation des Animals sans en être un pastiche: un cousinage. La production sobre voir dépouillée évoque quant à elle les productions américaines, une constante dans les productions du sud de l'Europe: Italie ou Yougoslavie sont probablement les nations dont le son évoque le plus le garage sur notre continent. J'ai la chance de posséder le disque (discogs...) cependant ma copie mériterait clairement d'être upgradée ! Je vous laisse en compagnie de ce charmant morceau pourtant sorti à une époque trouble pour la Grèce alors en prise avec une dictature naissante.
Le rock français a, depuis ses débuts, eu des difficultés à exister. Les problèmes se sont présentés très vite: dès que le Rock & Roll fut en fait. Les français - Boris Vian, Salvador et d'autres - eurent en effet la brillante idée de le parodier. Cette musique n'était pas assez sérieuse pour eux, pas assez bien, pas assez jazz. Depuis les choses se sont améliorées pourtant des scories sont restées: peut-on faire du rock en français ? Peut-on être premier degrés quand on fait du rock ou de la pop en France ? Des générations de groupes s'échinèrent à répondre par l'affirmative. Dans les années 60 se fut d'abord les groupes twist (Chats Sauvages, Chaussettes Noires...), puis les Ronnie Bird ou Noël Deschamps, et enfin la génération Antoine-Dutronc-Nino-Polnareff. La vague Punk eut aussi ses ardents défenseurs, comment aurait-il pu en être autrement? Les Halles ne furent-elles pas le centre du monde pendant quelques instants ?
Le Punk français a eu ses vainqueurs et ses perdants. Si Bijou de Juvisy ou Starshooter purent laisser des discographies à l'honorable portée, moult groupes durent se contenter de traces. Quelques 45 tours et peut-être un album en fin de parcours, voir après. Ils étaient de toute la France et nous donne du baume au cœur près de quarante ans plus tard. La France giscardienne enfanta de fantastiques formations. En Normandie les Olivensteins furent fier de ne rien faire, à Lyon Marie et les Garçons restèrent certainement sur la banquette quand Asphalt Jungle ne trouva pas qui se cachait derrière Polly Maggoo... Ces quatre-là étaient de Noisy-le-Sec mais trainaient à Paname. Eudeline, au chant, était encore ce jeune homme vif et arrogant, loin de ressassé le passé dans de longues litanies gênantes. Ricky Darling ferraillait à la guitare, les deux étaient à la tête d'un groupe élégant, réellement viscéral.
Asphalt Jungle ne publia que trois simples, le dernier d'entre-eux s'ouvre sur "Poly Magoo", à n'en pas douter un classique du rock français mais certainement pas classic rock! Racé, hargneux et pop, il est la matrice d'une élégance à la française, celle dont héritera quelques années plus tard, l'un des meilleurs groupes français: Les Coronados. Belle passation de flambeau en quelque sorte...
The Rokes furent l'une de ses nombreuses formations Beat anglaise à traverser la Manche pour tenter leur chance sur le continent. Le Royaume Uni était en effet saturé de formations, nombre d'entre elles prirent donc le chemin de l'Italie, des Pays Bas (The Scorpions), du Danemark (The Red Squares) ou encore de l'Espagne (The Tomcats). Si toutes ne connurent pas la gloire, les Rokes eurent le privilège d'une belle carrière transalpine. Le zénith en fut certainement "Piangi Con Me" une face B co-écrite par le groupe (plus précisément le chanteur Shel Shapiro) et le célèbre parolier Mogol à qui l'on doit également l'incroyable "Il Vento" avec la légende Lucio Battisti (youtube).
Située de l'autre coté d'une reprise de Bob Lind "Che Colpa Abbiamo Noi" ("Cheryl's going home" en VO), "Piangi Con Me" va en effet, par l'intermédiaire d'une reprise des Grass Roots ("Let's Live For Today"), devenir un énorme tube international ! Plutôt impressionnant pour une chanson destinée à occuper une face B. Selon la légende PF Sloan et Steve Barri, à l'origine des Grass Roots (au départ un projet de studio), découvrirent le morceau par l'intermédiaire de leur éditeur. Sloan séduit par la similitude avec le classique "I Count The Tears" de The Drifters accepta de reprendre le morceau, un choix gagnant: le morceau eut une résonance inédite avec les événements (la guerre du Vietnam) et devint ainsi un classique de son époque au même titre que "Jimmy Mack" par exemple.
Il est étonnant que les compositeurs - les fameux Doc Pomus et Mort Shuman ("Sweets for my Sweet" ou " A Teenager in love") - d' "I Count The Tears" n'aient pas porté plainte: l'histoire dit que Mort bien qu'excédé n'en éprouva point le besoin, une autre théorie laisserait entendre qu'il partageait la même maison d'édition que "Let's Live For Today", la vérité se situe probablement quelque part entre les deux. Quelle ironie qu'aujourd'hui les héritiers de Marvin Gaye gagne un procès pour un pastiche de "Got to Give Up" (une des décisions de copyright les plus scandaleuses de ces 20 dernières années) ! À l'écoute des Drifters et de The Rokes, les similitudes sont frappantes: le refrain de "Piangi Con Me" est le couplet de "I Count the Tears" (la preuve!). Il me semble cependant qu'il existe une petite différence dans la suite des accords en arrière plan du motif. Trop évident pour n'être qu'une simple coïncidence, la ressemblance n'est peut-être pas pour autant volontaire, Del Shapiro aurait pu entendre la version originale ou les reprises de certains groupes beat comme les Searchers (youtube) et son inconscient retranscrire quelques années plus tard cette incroyable mélodie spontanément. Le couplet est néanmoins très différent, il redore le blason des Rokes et contribue à la tension de la chanson offrant un boulevard à ce refrain fantastique, un parfait écrin à cette mélodie mémorable. Si "Let's Live for Today" est probablement par la force des choses la version définitive (youtube) de cette avant collective, l'originale des Rokes est ma préférée, l'italien se prêtant merveilleusement au lyrisme de cette grande chanson.
Jan and Dean sont surtout connus des aficionados pour leur surf music, cependant actifs depuis les années 50, le duo enregistra aussi quelques classiques doo wop parmi lesquels la géniale "Heart and Soul".
Cette chanson, peut-être aujourd'hui d'avantage associée au début des années 60, est pourtant bien plus ancienne: elle date de 1938 ! Composée par Hoagy Carmichael (également auteur du standard "Georgia On My Mind") et écrite par Frank Loesser, elle connu de nombreuses interprétations à l'époque, la plus célèbre étant celle de l'orchestre de Larry Clinton accompagné de la chanteuse Bea Wain (youtube). L'intérêt pour la chanson réapparait en 1961 quand les Cleftones, un groupe de R&B - Doo Wop reprend le standard sur un rythme moderne et légèrement chaloupé (youtube), leur version devient rapidement un standard du genre et se retrouvera d'ailleurs sur la superbe BO d'American Graffiti dont la sélection est vraiment excellente (wikipedia). Jan and Dean décident à leur tour de reprendre le morceau et de surfer (ahah) sur le succès des Cleftones. Liberty ne veut pas sortir leur version et le duo échoue (ahah) sur Challenge: le label fera une bonne affaire compte tenu du nombre de tubes que vont faire les intéressés !
Jan & Dean interprètent probablement ma version préférée de ce classique. Dans la pure tradition doo wop les deux bougres s'en donnent à coeur joie dans les pam pam pam doo doo si typique de l'époque et des groupes vocaux mais qui garde une fraicheur et une innocence incomparable y compris en 2016. L'arrangement est également très réussi, il joue sur des enchaînement rapide-lent donnant beaucoup de relief à la chanson.
Discogs est un précieux allier pour découvrir de la musique. Bien sûr il ne s'agit pas de l'usage le plus courant que nous en faisons tous, nous y répertorions nos disques en espérant secrètement détenir un vinyle rare et cher, nous fantasmons sur beaucoup d'autres et enfin de temps en temps nous achetons ou dégraissons notre collection. Pourtant, c'est un outil formidable (à prononcer avec l'accent de 'Jack Lang) d'exploration de la musique. Si youtube favorise la sérendipité, le site discographique permet au contraire des recherches particulièrement précises: sa base de données est très puissante pour croiser des critères. Une de mes techniques favorites depuis quelques mois, comblant idéalement mon envie de retourner à mes amours pour les oldies de pays ne chantant pas en anglais, consiste à regarder tous les disques d'un genre donné sur une période donnée et pour un pays donné. Me voilà ainsi à fouiller les recoins du site à la recherche de disques beat hongrois sixties ! Et vous pouvez également le faire désormais.
Je porte en un intérêt dévorant depuis quelques mois pour les disques sixties issus des régimes socialistes européens (ex-Yougoslavie, Pologne et donc Hongrie). Cette soudaine passion a quelques raisons objectives au delà de la curiosité brute et de l'exotisme que peuvent représenter ces pays quand il est question de rock. Une des principales est certainement que les disques sont trouvables et accessibles financièrement: l'inverse des pays scandinaves où les disques beat se monnaient régulièrement en trois chiffres, une pure folie... Il est aussi question de l'attrait de sortir de ma zone de confort tout en gardant un pied dedans: j'explore une musique que je connais dans des langues que je ne maîtrise aucunement: je me sens en danger en retrouvant néanmoins certains codes. Enfin et tout simplement, malgré les conditions difficiles d'enregistrement et de publication de la musique dans les pays communistes: il y a de super disques, surtout dans les pays plus libéraux ayant d'avantage toléré que les jeunes écoutent, fassent voir enregistrent du rock.
La Hongrie peut ainsi se targuer d'une certaine richesse en la matière dans les années 60, du moins avant que l'URSS ne décide de sonner la fin de la récréation considérant cette musique comme une dépravation bourgeoise de l'occident à absolument combattre... Au fond le régime n'avait pas tord, le soft power et la culture ont énormément contribué au rayonnement de l'occident, les Beatles furent un bien meilleur émissaire du capitalisme libéral que ne le fut l'OTAN...Cette politique très restrictive vis à vis du rock eu dans certains cas des conséquences intéressantes: les groupes firent d'avantage appel au folklore local souvent sous la pression des autorités, une logique qui finalement suit ce qui se passe à la même époque (plus ou moins) ailleurs, par exemple en France avec Malicorne ou Alan Stivell. Bien employé par certains groupes cette contrainte amène de l'originalité. Je ne pourrais pas définir précisément l'essence du rock hongrois des années 60 mais il me semble après mes premières recherches que cette langue est très musical et apporte un charme indéniable (wiki pour en savoir plus). Les groupes évoluent ainsi souvent dans un psychédélisme emprunt d'une jolie couleur locale presque orientale. En Hongrie comme en Pologne ou en Tchécoslovaquie (et à l'inverse de la Roumanie ou la Bulgarie par exemple) la qualité des enregistrement est proche des standards de l'époque de l'autre coté du rideau de fer. Les principales formations (zenekar pour orchestre, együttes pour ensemble) dans l'époque qui nous intéressent furent Metrò, Omega et enfin celle que nous allons évoqué aujourd'hui Illés.
Le nom du groupe est au départ lié à ses membres, de la famille Illés. La formation évoluant régulièrement jusqu'à 1965, il sera d'avantage question d'y associer le prophète Élie, d'ailleurs le logo du groupe y fait référence: il représente un char (stylisé en notes de musique) tiré par deux chevaux. Le groupe est ainsi actif du milieu des années 60 jusqu'à 1973, les raisons de la séparation ne sont pas claires mais pourraient être politiques. Les deux guitaristes composent aussi généralement, c'est en tout cas le cas du single que vous allez pouvoir écouter, écrits par Levente Szörenyi et Jànos Bròdy. Sorti en 1968 ce simple démontre le savoir faire du groupe en matière de pop psychédélique, les harmonies sont excellentes et les arrangements intéressants. Le riff "Holdfény 69" semble inspiré de "Respect" sans en être un pastiche. La face B "Alig Volt Zöld", tout aussi réussie, évoque quant à elle "Hole in my Shoe" de Traffic par son usage de la flute. Un 45 tours charmant qui devrait, je l'espère, séduire les amateurs de popsike.
Pas aussi connu que Georgie Fame ou Brian Auger, The Peddlers méritent pourtant une place dans le cœur des amateurs de jazz-soul groovy britannique. Reconnaissons que la discographie du trio est inégale et comportent pas mal de variété vieillotte de nos jours, pourtant ils ont quelques très bons morceaux à leurs actifs. Je vous mentionnais précédemment la superbe "Tell the world we're not in", ma chanson fétiche du groupe - dans sa version album (la version single comporte des cuivres qui gâchent une partie du plaisir) - j'ai eu l'occasion récemment de repérer aux moins deux autres faces B de simples qui méritent le détour.
Parmi celles-ci "Horse's Collar", un instrumental écrit par l'organiste (et chanteur) Roy Phillips. 2 minutes et 5 secondes que l'on imagine volontiers semi-improvisées à la fin d'une session pour boucler la face B. Tant mieux pour nous ! Le morceau groove sévère, peut-être un peu difficile à danser mais c'est de l'excellente came pour se pavaner dans son plus beau costume.
Après une parodie - l'une des meilleures - des Élucubrations d'Antoine (chroniquée sur le blog), Edouard récidiva avec un second 45 tours toujours à mi-chemin entre novelty et beat musclée. Une des deux faces du 45 Tours ne présente pas un grand intérêt ("La Plagia" et "Rock Russe") mais l'autre est absolument terrible et indispensable (selon moi) pour les fans de french beat.
Difficile en effet de choisir entre "Girouette" et "Leon's Blues" quel morceau a notre préférence. C'est une orgie de fuzz et d'orgue accompagnés des textes décalés et drôles de notre ami Jean-Michel Rivat. Le disque n'est pas très courant, moins que le premier EP, il s'échange donc un peu plus cher mais rien de bien fou non plus comparé à la qualité de deux des morceaux du 45 Tours, bien plus agressifs dans leur son que les autres productions de l'intéressé. Il existe un pressage espagnol (comme pour le premier EP d'ailleurs) un peu moins recherché, je pense qu'il est possible de le payer entre 15€ et 20€ en état satisfaisant. N'étant pas capable de choisir ma favorite, vous avez le droit aux deux: amusez vous bien en compagnie d'Edouard mes amis !
J'adore la musique des années soixante. Cette phrase, j'en suis certain, ne surprendra personne. Pourtant mon obsession porte particulièrement sur une courte période: de l'émergence des Beatles jusqu'à l’avènement du psychédélisme et du format album. Je suis donc très heureux de pouvoir évoquer avec vous un disque de 1963, un fait plutôt rare sur ce blog: 4 autres entrées seulement à comparer au plus de 50 articles évoquant 1966 !
En rangeant mes disques tout à l'heure, je suis ainsi tombé dans le bac "twist, girl group et rock & roll" sur ce 45 Tours de Nancy Holloway, une chanteuse américaine de Cleveland qui s'est installée en France en 1960 et publiée par le label Decca. Ayant acheté récemment une autre copie (en état très moyen) j'ai eu ainsi l'agréable surprise d'avoir déjà en ma possession un 45T assez propre. Je me souviens des circonstances de l'achat et je suppose l'avoir pris pour le très bon morceau pêchu "Te Parler d'amour", pourtant c'est un autre morceau qui m'a poussé à le racheter une seconde fois (ignorant de facto ce premier geste): la sublime reprise de "Whirlpool" de Wanda Jackson francisée "Tu n'es pas venu". Bien qu'il existe une reprise par Little Clara, groupe de la recommandable maison Q-Sounds, je pense avoir flashé sur la chanson via youtube en écoutant des classiques Oldies Popcorn (le cousin belge très cool de la Northern Soul anglaise), par la magie d'un enchaînement.
Chaque écoute confirme la précédente: "Tu n'es pas venu" est un super morceau. La composition certes est très forte au départ, mais chaque élément amène un petit truc à l'édifice. Le texte sera peut-être niais aux yeux des plus blasés d'entre vous, il est frais et innocent aux miens. La production et les arrangements sont terribles: l'enchaînement des deux soli (orgue puis guitare) est magique (une configuration déjà présente dans l'originale). Le tempo indolent est une invitation à une danse lascive: pas génial pour danser sous amphétamines, parfait pour chopper.
"La Poupée qui fait Non" de Michel Polnareff a fait l'objet de nombreuses reprises y compris en anglais (par les Birds) ou en italien. Les Sultans, une groupe de Saint-Hyacinthe - la Mecque beat québécoise (Les Lutins, Hou-Lops...) - se l'approprient également en 1966 et l'éditent en single sur le label local Télédisc (Les Mersey's, les Bel-Canto etc.). Le résultat est une agréable relecture en groupe du classique de Polnareff. Les arrangements sont plus beat et mettent d'avantage en valeur la dimension folk-rock de cette superbe chanson. Sans dépasser l'originale, les Sultans évitent les pièges de la copie conforme et apporte un angle intéressant à ce classique du patrimoine francophone. Le groupe actif de 1964 à 1968 a publié deux albums studios et un disque live, la plupart de ses membres sont restés actifs dans la musique ( voir la page wikipedia ).
Nous avons évoqués quelques fois des groupes québécois des années soixante ici, pour prolonger l'expérience: