samedi 8 avril 2017

Surprise: les Osmonds ont fait de bons morceaux !

J'ai super la flemme de faire l'historique des Osmonds un groupe de frangins qui chantent à la télé depuis les années cinquante et lancé comme réponse aux Jackson 5 au début des seventies... Il s'agit d'un groupe américain de pop bubblegum dans la pure tradition du genre (Monkees, Bay City Rollers etc.) généralement assez tiède et anodin. Il y a cependant quelques bons morceaux, j'en connais en au moins deux que je vais vous présenter aujourd'hui, peut être en existe-t-il d'autres ?

Le premier est certainement le plus connu et identifié des deux: Crazy Horses , un tube de 1972, extrait de l'album du même nom (un de leurs plus personnels). Le titre est une charge contre la pollution des voitures, une préoccupation encore nouvelle à l'époque mais déjà dans l'air du temps comme en témoignent certains films de science fiction contemporains comme Silent Running (1972) ou Soleil Vert (1973). La chanson ne fait pas dans la dentelle proposant un hard rock puissant, groovy et énergique. Si les cuivres rendent la chose un peu  plus acceptable, voilà une performance assez sauvage et remuante à sauver du bac à daube de votre disquaire !


Autre bonne surprise à sauver dans le répertoire de nos américains bien sous tout rapport: leur reprise de Fever. Et oui ! Encore une ! Impossible de se lasser de cette chanson non ? Sorti en 1974 sur l'album Love Me For A Reason et en Face B du 45T du même titre, les Osmonds amènent la chanson dans un registre funk teinté de soul psychédélique du plus bel effet. Certes la prestation vocale n'est pas nécessairement à la hauteur de ce qu'auraient pu faire un groupe Motown mais c'est quand même fort sympathique cette affaire ! Les arrangements sont très cool et bien fichus (guitare wah-wah, clavinet, flûte...). 

Les Osmonds s'inspirent, avec une certaine réussite de formations vocales noires comme les Chi-Lites, les Temptations (Papa Was A Rolling Stone)  ou encore les O'Jays (les premières notes de basse évoque For The Love Of Money). D'une certaine façon Fever actualise, avec l'apport du funk, la musique que jouaient les frères dans les années cinquante: le style Barbershop. En effet, au delà de l'instrumentation typée soixante-dix, la structuration des voix (baryton, ténor, soliste...) renvoie aux origines vocales du groupe, un point commun avec les groupes soul psychédélique qui s'ils s'éloignent du Doo Wop (genre lui même inspiré du Barbershop) n'en gardent pas moins une répartition des voix proche.


jeudi 6 avril 2017

Claude Nougaro "Docteur"

Claude Nougaro n'avait jamais eu d'articles sur ce blog, il est temps de remédier à cela ! Je ne connais pas assez la carrière du Toulousain pour me lancer dans un descriptif complet de celle-ci, cependant notons que le chanteur sort son premier 45T en 1958 (ou 1959), il a alors 29 (ou 30) ans. Sa carrière démarre réellement à partir de 1962 quand Nougaro collabore alors avec Jacques Canetti, un des directeurs artistiques les plus importants de la France des trente glorieuses. Sans citer tout le CV de l'intéressé mentionnons qu'il a travaillé par exemple avec Boris Vian, Serge Gainsbourg, Jacques Brel, Aznavour, il a aussi créé la salle les 3 Baudets...excusez du peu ! 

Nougaro est régulièrement accompagné dans les années soixante par Maurice Vander (le père adoptif de Christian Vander, leader de Magma). Celui-ci s'entoure de la crème du jazz français, parmi eux un de mes organistes français fétiches: Eddy Louiss. Bien qu'arrangé par Vander, le musicien d'ascendance martiniquaise n'est pas crédité sur ce 45T de Nougaro, pourtant le Hammond y est particulièrement bien représenté avec un savoir faire évident. Le chanteur toulousain développe le long de ces quatre morceaux, une formule entre jazz, pop et chanson avec d'excellentes instrumentations démontrant la qualité des musiciens français de l'époque. Les textes de Nougaro sont soignés et intéressants, en particulier sur le superbe À Bout de Souffle évoquant un braquage haletant à la Bonnie & Clyde. Pourtant, le Toulousain ne sacrifie jamais au sens les mélodies et le rythmes, il garde une diction fluide et musicale. Je ne saurais dire si cette justesse de ton est une constante de Nougaro, en tout cas c'est quelque chose que j'apprécie beaucoup sur ce disque.  

L'autre temps fort du 45T est la reprise de Fever sous le nom de Docteur. Il existe de nombreuses reprises de cette chanson, devenu comme Louie Louie - dans un autre registre - un standard de la pop. J'ai un faible pour certaines versions (notamment la très beat des McCoys), Nougaro en fait une superbe interprétation. Sur un tempo modéré dansant, Nougaro est langoureux et sensuel, l'accompagnement musical est également fantastique: batterie jouée au balais, orgue hammond jazzy vif, percussions utilisées par touche... Docteur est un crescendo soyeux dans lequel Nougaro nous embringue jusqu'au dénouement.

mardi 4 avril 2017

Pour trois 45 Tours d'Aphrodite's Child de plus


Dans moins de quinze jours ce blog aura officiellement dix ans (16 avril 2007!), une décennie à défendre une certaine idée de la musique. Celle-ci a bien sûr évolué au cours du temps, pourtant l'intérêt pour les années soixante demeure une constante à travers les années. Fouiller dans les nombreux articles du premier mois d'existence de ce blog permet de constater - fait inquiétant - qu'il est tout à fait possible d'évoquer à nouveau les mêmes artistes dix ans plus tard... Par exemple, nous avions écrit sur les Grecques d'Aphrodite's Child avec l'excellente face B Magic Mirror parue en 1969 le 27 avril 2007 ! Dimanche dernier je rachetais une copie (propre) de Let Me Love Let Me Live et bien sûr j'ai eu envie d'en parler ici... Histoire de marquer le coup, ce ne sera pas un seul simple du groupe de barbus chevelus mais trois !


Revenons rapidement sur Aphrodite's Child en deux mots: trois Grecques dont deux très très très connus (Demis Roussos et Vangelis) se retrouvent à Paris en 1968, ils essayent d'aller en Angleterre mais faute d'essence ne continuent pas plus loin. Ils fuient la dictature des colonels (1967-1974). Ils enregistrent en France le slow Rain & Tears dans la mouvance de l'époque (influence classique que l'on retrouve chez Procol Harum ou les Moody Blues). Il scelle leur destin en devenant un énorme tube. Par conséquent le groupe se spécialise dans les slows mignons en 45 tours non sans glisser quelques curiosités étonnantes sur les autres faces... Et terminer sur un album très ambitieux en 1972: 666.

Le groupe a la particularité de ne pas avoir de guitare. Ainsi contrairement à ce que j'affirmais il y a dix ans, Magic Mirror ne comporte pas (ou peu probablement) de guitare fuzz, il y a bien plus à parier qu'il s'agisse d'un traitement de choc sur l'orgue hammond de Vangelis, ce dernier s'approchant ainsi de la sonorité criarde de la guitare... Il n'est pas rare dans l'histoire de voir des claviers électriques traitées avec les mêmes effets que la guitare, je pense par exemple à Tell the World We Not In des Peddlers (le son du vénérable orgue chahuté par une wah wah de saison). Cette formule minimaliste trouve son expression la plus pure dans certaines faces B (et même une A) du trio. Contrairement aux slows très arrangés (cordes dégoulinantes et tout le toutim), le groupe s'y montre plus expérimental et sauvage. Une facette des Aphrodite's Child qui a du surprendre plus d'un adolescent à l'époque...quoi qu'il existe de nombreux exemples de ces couplages slows / morceaux enlevés et énergiques (Majority One, Holly Guns, Rare Bird, Freddie Meyer, Santa-Maria etc.) !


Commençons par le plus anciens des morceaux de la sélection, une face A: Let Me Love Let Me Live de 1969 comme Magic Mirror. Sur une rythmique martelée évoquant d'autres tubes légèrement postérieurs (John Kongos, Hotlegs), le trio dégaine un morceau psychédélique d'excellente facture. Construite comme un mantra répété inlassablement, la chanson est illuminée par les interventions de claviers acides de Vangelis, l'ensemble constitue ainsi un très crédible morceau de rock audacieux et dynamique ! 


Funky Mary est la face B de It's Five o'Clock. Morceau étrange au son ultra-compressé, il est construit autour d'un breakbeat de batterie destructeur et de percussions sur lesquels les musiciens semblent improviser des paroles au grès de l'inspiration... Une mélodie de vibraphone allège un peu l'air poisseux et vicié dégagé par la masse sonore compacte. Aussi étrange qu'étonnant, pas forcément mon préféré des trois, mais toujours dingue de pouvoir tomber sur ce genre de morceau dans n'importe quel bac de 45T de France et Navarre... Contrairement à de nombreux autres morceaux du groupe, cette chanson ne semble pas avoir été samplé et pourtant quelle excellente matière première ! Peut être un peu difficile à manier tant le son est déjà survitaminé et violent.


Dernière entrée du jour: Air face b de Spring Summer Winter and Fall également paru en 1970. Pas beaucoup plus construite que Funky Mary le morceau comporte à nouveau une rythmique lourde et puissante travaillée d'une manière originale (avec un effet de phaser très réussi). Vangelis ne nous oublie pas non plus, il nous gratifie de saillis inspirées à l'orgue, parfaitement dans l'air du temps aux effluves psychédéliques. La voix de Demis s'éloigne également du chant pop traditionnel, il semble exhorter l'auditeur. L'ensemble est ainsi aussi délirant que sauvage, une face B comme je les aime, avec la bonne dose de folie propre à une décennie où l'on pouvait encore se permettre ce genre d'audace si l'on remplissait le cahier des charges sur l'autre face.