Girls Names est un groupe irlandais signé sur Slumberland qui décidément enchaîne les très belles sorties (Crystal Stilts, Veronica Falls, Spectrals, Big Troubles...). Il s'agit de leur premier "vrai" album, après un mini-lp sorti en 2010 (Etienne j'espère que je ne dis pas trop de bêtises). Certains membres du groupe sont également dans la formation Sea Pinks.
La présence de Dead to Me dans le catalogue Slumberland n'a rien du hasard, Girls Names et le label américain partage une certaine idée de l'indie-pop, quelque chose d'à la fois mélodieux mais qui garde un peu de son essence sauvage, que l'on doit approcher doucement sans faire de mouvements brusques... Les chansons de Girls Names rappellent l'innocence des 50-60s mais au prisme d'une mélancolie, d'un coté sombre eux très contemporains. Les mélodies simples et accrocheuses ont alors comme un arrière goût amer et revêche, sans jamais non plus devenir déprimantes ou aliénantes. Les tons pastels de la pochette donnent la couleur générale de ce disque, on est dans la nuance, dans l'entre-deux, comme si notre joie était toujours conditionnelle.
Dead to Me est en tout cas un beau premier effort, les 10 chansons qui composent ce disque laissent découvrir leur charme à celui qui veut bien s'y aventurer. On y croise du Rock n Roll, du Creation Records, du Slumberland, du Spector, des inflexions Girls Groups et on pense évidemment aux camarades de jeux Crystal Stilts et Veronica Falls, deux formations adeptes de ces ambiances en clair-obscur qui font aussi le charme de ce disque de Girls Names. N'allez pas croire que les irlandais sont pour autant qu'un copier-coller, non ils creusent leur propre sillon au sein de cette belle confrérie informelle.
Magic Bullets est un groupe d'indie pop américain, ils existent depuis plusieurs années (je crois que ce n'est pas leur premier album en fait) et ont également un autre groupe du nom de Terry Malts (deux singles sur Slumberland). Cet album sans titre est sorti en 2010 mais disponible en Europe que depuis 2011.
Il est amusant de constater le nombre grandissant de formations américaines aux influences clairement anglo-saxonnes, Magic Bullets est l'une d'entre elles, mais c'est pas pour autant que l'on ne doit pas les écouter... Clairement ce groupe aime les Smiths et surtout Orange Juice. Ils ont ce coté précieux des mancuniens (mais sans exagération pour rester charmant plus qu'agaçant), combiné au "funk blanc" des écossais. Le son du disque est soignée, la production ne s’embarrasse pas de chichi mais fait tout de même preuve de raffinement dans un usage très fin et léger des claviers. Jamais totalement mis en avant on sent néanmoins leur présence discrète mais réelle, ils apportent une rondeur et un confort dans l'écoute en accompagnant l'auditeur dans les rythmes dodelinants du groupe. L'influence du groupe d'Edwyn Collins ne se fait pas sentir que dans les cocottes et autres apparats de la musique noire, il y a aussi ces accords de guitares au son très claires voir jazzy.
Les Magic Bullets maîtrisent leur sujet mais ce qui les rend intéressants et plus que de vulgaires copistes soigneux c'est qu'ils ont quelques chansons fort bien troussées dans leur besace. L'album s'écoute d'une traite sans une once d'ennui et s'apprécie très bien, quelques morceaux se dégagent néanmoins du lot permettant au groupe de délivrer un disque attachant auquel on a envi de revenir régulièrement sans s'en lasser prématurément. L'album se conclue en beauté sur l'un des meilleurs titres, le groovy "sigh the day away", une façon de finir des plus agréables et charmantes.
Cet LP des Magic Bullets ne va pas révolutionner l'indie pop et encore moins la pop, mais au fond ce n'est pas ce qu'on lui demande, c'est un album humble de gens qui aiment une certaine musique et un spectre de sentiments mi-figue mi-raison, ils ont envi de nous les faire partager. A ce petit jeu là Magic Bullets remplit parfaitement son rôle en nous proposant un bon petit disque d'indie-pop pas très éloignés de groupes contemporains comme Bricolage, Wake the President ou The Tartans qui pourrait agréablement vous surprendre et peut être même aurez-vous envi d'esquisser quelques nonchalants mouvements de tête en rythme.
Il y a deux ans sortait le premier Bad Sports, on l'a découvert un peu plus tard et chroniqué ici même. Ils reviennent ces jours-ci sur Dirtnap (White Wires, Tranzmitors, Goodnight Loving) avec un second LP intitulé Kings of the Weekend.
Ceux qui connaissent le premier ne seront pas surpris, ce nouvel album est dans la droite lignée du prédécesseur: pop punk à fond la caisse sans se poser de question! En gros on prend un soupçon de mélodies pop, une production à l'os sans superflu, des rythmiques bien nerveuses et on secoue le tout avec une touche de hargne. Bref les mecs n'ont pas inventé le feu, mais c'est pas pour autant que l'on s'ennuie, car ce genre de disque fait toujours son petit effet surtout quand les chansons suivent (ce qui est le cas ici surtout quand les Bad Sports varient les plaisirs!). On ne doute pas que ça plaira aux fans des Ramones et de tout ce qui touche à la power pop et au pop punk.
Avant la sortie du dernier album des Vivian Girls, Katy et Cassie se sont accordés une petite parenthèse, la pulpeuse rousse (dont presque tous les garçons sont amoureux) en solo au sein de La Sera, tandis que sa collègue a fait les Babies avec un mec de Woods, tout ceci nous donne deux albums cool au moins aussi bien que les singles qui avaient été balancées l'année dernière.
La Sera est un disque étonnamment apaisé quand on le compare avec la discographie des Vivian Girls, y compris un dernier lp toujours sur le fil. Katy s'y fait douce et enveloppante, le son n'est ni rachitique ni sur-compressé, il est aéré et plein d'espace laissant les contours s'évaporer dans la brume. Le chant est sucré et nappé de cette naïveté pastelle propre aux girls groups, les rares solis ne sont pas des concours de vitesse et empruntent paisiblement la nationale au son d'une radio branchée sur un vieil Elvis ou un Buddy. Cette innocence reste pure malgré les appels du pieds à Spector, car si son ombre rode, jamais sa paranoïa ou sa folie des grandeurs n'entravent ce petit plaisir humble et sans arrière pensée.
Les 12 titres sont comme une agréable promenade au bord de mer hors saison mais un jour de beau temps, un truc qui ressource, donne envi de prendre la vie pour ce qu'elle a d'agréable, ne pas se prendre la tête, s'alléger un peu de ce qui nous entrave...
Les Nodzzz reviennent avec un second album Innings sur Woodsists après un premier lp sur What's your Rupture et le 45 "true to life".
Ce trio américain fait de la pop, minimaliste mais non dépourvue de finesse. La prod est très simple, lo-fi mais pas caricaturale, le disque semble avoir été enregistré avec beaucoup de spontanéité. Les guitares s'entrelacent avec beaucoup d'aisance, et malgré l'apparente simplicité les compositions ont souvent ce petit truc en plus pour les rendre fascinantes sans que l'on sache au juste pourquoi. Peut être que 14 morceaux d'affilé ça fait un peu beaucoup pour bien apprécier ces chansons et les potentielles pépites disposées ici et là (true to life, always make your bed, heyday past heyday due, fear of advice...) mais l'ensemble est réjouissant.
Protex, drôle de nom pour un groupe de punk, surtout quand on sait qu'il s'agit d'une marque de capotes, mais... les types ne connaissaient pas le nom autrement que par le "protex blues" des Clash sur leur premier album. Strange Obsessions n'est pas sorti à l'époque, si des légendes circulent sur un pressage rarissime, il ne verra officiellement le jour qu'en 2010 grâce à l'excellent label US Sing Sing (dont on reparlera pour la réédition de l'album des Leopards de 1976). Jusqu'ici les fans devaient donc se contenter de la poignée de singles sortis sur diverses labels dont Polydor. Malgré le support de Chas Chandler (membre des Animals puis manager de Slade et Jimi Hendrix) l'album sera laissé dans les cartons jusqu'à nos jours...
Strange Obsessions auraient peut être pu devenir un classique du punk irlandais, en effet les Protex se placent en petits frères turbulents des Undertones, avec les mecs de Derry ils partagent ce goût pour les mélodies bien troussées qui restent scotchées dans un coin du cerveau et sont bien difficiles à déloger. Certes tous les morceaux n'ont pas le même potentiel de séduction mais les plus valeureux d'entre eux sont de vrais petits tubes en puissance et on s'en prend à rêver d'un autre sort pour ce beau groupe de Belfast. Le son de l'album a un petit coté "cracra" ambiance enregistrement de démo mais cela ne nuit pas aux chansons qui, présentées dans leur plus simple appareil, gardent toute la spontanéité, ça fonctionne à merveille ainsi.
En gros si vous êtes fan des Buzzcocks, Boys, Undertones ou de groupes actuels comme les Exploding Hearts, Cute Lepers, ou Bad Sports il y a de grandes chances pour que ce disque ne se déloge pas de la platine une fois que vous l'y aurez mis.
Début 2011 nous vous mentionnions les excellents Midwest Beat et leur premier album At The Gates sorti l'année précédente chez les toujours très fiables Dusty Medical Records (et encore avant en autoproduction). Ils reviennent ces jours-ci avec un second album Gone Not Lost, toujours chez DMR ainsi que le label italien Wild Honey pour l'Europe.
On ne change pas une équipe gagne est un peu le mot d'ordre de ce nouvel album qui reste peu ou prou dans la droite lignée du précédent. Gone not lost est un cocktail réjouissant de garage, de beat, de folk rock et de country rock, un truc accrocheur, énergique et aux racines américaines assumées. Évidemment si l'on regrette une prise de risque proche du zéro (exception faite d'un titre très dépouillé en fin de face A construire autour d'un duo vocal fille / garçon), on apprécie toujours autant cette spontanéité et ces mélodies joyeuses qui fleurent bon le terroir. Il manque peut être un titre de conclusion aussi puissant que "pretty lady" mais l'ensemble est plus cohérent et réussi que le premier, avec une mention très bien au titre super byrdsien placé juste avant le morceau titre.
Gone Not Lost est disque sincère et plein de vie, les Midwest Beat se placent ainsi parmi les meilleurs formations du coin pas très loin derrière les fabuleux Goodnight Loving dont ils sont en quelques sortent les petits frères (même si le groupe est antérieur). Leur discographie est pour le moment un sans-faute mais ils ne doivent pas se reposer sur leurs lauriers au risque de se répéter.
PS: je ne connais pas les titres car il n'est pas évident de les retenir en écoutant un disque vinyle (et je n'ai pas les morceaux en mp3 à part celui que je poste)
Les Olivensteins n'auront existé que pendant 18 mois, mais leur unique 45 tours - un ep 3 titres - reste un des plus beaux témoignages du punk français, même si l'étiquette est réductrice. Tirés à 2000 copies et sortie sur le label local Mélodies Massacre (qui a aussi édité le premier 45 d'un autre groupe de Rouen: les Dogs) il est aujourd'hui un collector très recherché, mais l'important ne se situe pas là mais dans ce qu'il renferme: "fier de ne rien faire", un véritable hymne en tout cas il en a toutes les qualités requises.
Formés autour du duo Gilles et Eric Tandy (le premier chante les paroles du second, pas membre du groupe officiellement mais vrai conseiller) les Olivensteins creusent le sillon d'un punk loin d'être standard, sur l'ep on pense tout autant aux Damned qu'à Magazine (à cause de l'usage des synthétiseurs) ou aux ... Byrds. Impossible de ne pas entendre dans ces arpèges égrainés à la ricken' l'influence (plus ou moins consciente) des californiens, le résultat est détonnant, les rouennais injecte une bonne dose de pop dans une chanson qui ne perd rien de sa hargne bien au contraire. Les Olivensteins n'étaient pas un groupe punk parmi d'autres, ils étaient des esthètes, leurs paroles nihilistes ont un humour que peu de groupes français de l'époque avaient.
Leur carrière fut météorique et s'acheva sur un concert en janvier 80 avec sous le bras ce trois titres mythique. En 2011 Born Bad, l'un des plus beaux labels français, a eu la bonne idée de rééditer les morceaux du 45 accompagnés de démos, d'inédits et de morceaux live. Le disque (à se procurer d'urgence) confirme que les Olivensteins étaient une des formations les plus intéressantes de son époque à travers des titres comme "je suis négatif" (presque du Real Kids!) ou "je hais les fils de riche". A noter une version démo de "fier de ne rien faire" assez différente de la version définitive que l'on trouve sur le 45, elle apporte un éclairage différent au morceau avec des synthés sérieusement déglingués d'une modernité saisissante. La version démo d'euthanasie aussi est énorme.
Tahiti 80 est un des plus beaux fleurons de la pop française, et aussi un secret bien gardé, en tout cas on peut avoir cette impression quand à l'inexplicable manque de succès de la formation dans son pays. 2011, les normands ont la majorité mais toujours la même envie pop, leur dernier album The Past, the Present and the Possible est sorti sur leur propre label Human Sounds. Après le retour à la formule "guitare-basse-batterie" de son prédécesseur le nouvel album creuse un sillon bien plus électronique (jusqu'à l'acid house sur "solitary bizness") mais ne vous y trompez pas Tahiti 80 reste Tahiti 80 et son goût pour les mélodies pop accrocheuses qui collent aux dents a toujours voix au chapitre avec son lot de petits tubes en puissance ("easy" ou "gate 33"). The Past, The Present and The Possible est une œuvre cohérente , le travail sur le son et la production est excellent et Tahiti 80 continue d'être toujours aussi pertinent. Ce disque est ambitieux sans être pompeux , signalons l'odyssée "crack up" et ses 8 minutes menées tambour battant sans jamais s’essouffler ou le très joli morceau titre "the past the present the possible". Plus de 10 ans après ses débuts discographiques et 5 albums dans les jambes, on souhaite aux normands encore pas mal d'autres de lps de cette tenue (et à nous aussi d'ailleurs). Xavier Boyer, chanteur du groupe a accepté de répondre à quelques questions par e-mail que nous lui avons posé.
Bonjour Tahiti 80, Quels sont vos premiers retours sur The Past, The Present And The Possible? Positifs.
D'ailleurs, ce titre a-t-il une signification particulière ? Pour un groupe comme nous à cheval entre plusieurs époques, ça avait un sens. J'adore la musique des années 60 par exemple mais je ne vois pas l'intérêt de reproduire la même chose. Dans le titre il y a cette notion d'interprétation (de plusieurs décennies de musique, de genres musicaux...) et de recherche...On tente de provoquer des mélanges originaux avec chaque album.
Vous étiez chez un indépendant, puis chez universal et vous voilà sur votre propre structure, pas trop difficile de revenir au "fait maison" ? Il y a moins de confort, c'est sûr. Mais bon, étant donné l'économie actuelle, je ne vois pas notre intérêt de signer sur un autre label ...donc je pense qu'il n'y a rien à regretter.
Et de s'occuper de la promo, du pressage, chercher un distributeur... y-a-t-il eu des obstacles auxquels vous ne vous attendiez pas ? On est conscient de ces réalités depuis assez longtemps, je ne pense pas qu'on ait eu à affronter des obstacles, si ce n'est que ça prend beaucoup de temps. C'est pour ça qu'on ne s'imagine pas signer d'autres artistes sur Human Sounds.
Cela vous a t-il apporté plus de liberté ? Plus de liberté, c'est sûr. On est libres de choisir nos collaborateurs, mais il y aussi plus de risques, si on se plante, c'est notre argent. Ça change quand même la donne. Libres, mais responsables !
Est-ce que ça vous a permis de d'avantage osé sur ce disque ? Même si on a toujours eu des maisons de disque assez conciliantes, là, durant le processus d'écriture et d'enregistrement, on n'avait personne pour nous dire que les singles n'étaient pas assez catchy, trop bizarres etc... On a donc eu plus de latitude pour expérimenter. Dans un contexte pop, ça reste associé à une recherche d'efficacité. Finalement, on avait un peu toutes les casquettes, good cop, bad cop.
Je le trouve beaucoup plus électronique que le précédent, était-ce un choix volontaire ou le changement s'est-il fait inconsciemment, spontanément ? C'était spontané, on avait fait un album assez power pop précédemment, et naturellement, on a tous voulu s'éloigner des guitares. Par exemple, quand j'ai enregistré des démos en vacances, je n'avais qu'un clavier avec des sons virtuels. C'était contraignant mais récréatif à la fois. Ça m'a permis de m'essayer au programing. D'une manière générale chaque album, correspond à une découverte technique ( de l'apprentissage du piano pour WFTS expérimentation avec des grooves soul pour Fosbury...). On s'est retrouvés souvent dans des nightclubs après les concerts, on passait pas mal de disques early electro (altern 8, KLF, des productions Andy Weatherall)
Sur Crack-up il me semble avoir reconnu un clin d'oeil au blue monday de New Order, il y a aussi une tonalité presque psychédélique par moment, ce sont des influences qui te parlent ? Il y aussi un clin d'oeil à Shack Up notamment à la version de A Certain Ratio. Sur le pont, c'était une référence claire à New Order. On avait envie de jouer avec certains codes de cette scène post-punk/pre new wave. Je pense aussi à des groupes comme Wire, Outdoor Miner par exemple, très rigides mais capables de fulgurances pop.
Chacun de vos albums est très différent du précédent tout en gardant une touche Tahiti 80, comment faites-vous pour garder cette fameuse touche ? Depuis le début, on porte une attention particulière au songwriting, la chanson est la base. Ensuite on s'est aperçu qu'on pouvait arranger les morceaux de plein de manières différentes, en fonction de nos envies. C'est important d'avoir un concept nouveau pour chaque album, ça nous donne un cadre dans lequel on peut se renouveler. Après, je pense aussi que ma voix, assez reconnaissable, permet de faire le lien entre les chansons et albums.
Vous avez produit vous même le disque dans votre propre studio, ça donne quoi T80 en studio ? Je ne dirai pas que c'est devenu une routine, mais depuis 2005 on enregistre tous nos disques au Tahitilab. Je me souviens d'avoir lu une interview de Teenage Fanclub où ils racontaient qu'un de leurs premiers achats avec leurs royautés c'était un magnéto à bande, pour pouvoir assurer une indépendance artistique s'ils se faisaient virer de leur label. Ca s'adaptait totalement à notre mode de fonctionnement. Aujourd'hui un groupe doit savoir tout faire, écrire, arranger, réaliser, produire, vendre sa musique. J'aimerais aussi pouvoir réaliser nos visuels et les vidéos, mais là il y a encore du boulot...C'est un choix.
Je sais aussi que vous enregistrez d'autre groupes, Pedro et toi avez par exemple produit l'excellent dernier album de Mehdi Zannad, un mot dessus ? C'est le 2è disque qu'on fait ensemble. Il y avait un challenge hyper intéressant : produire un disque de pop en français. Je trouve que Fugue est un album unique dans un paysage français très étriqué.
Que pensez-vous de la scène pop et indie en France aujourd'hui ? Du bon et du moins bon. On est passé du tout français au tout anglais, mais dans la qualité des groupes ça reste identique. Il n'y a que très peu de groupes français que je trouve intéressants.
Avez-vous l'impression d'avoir ouvert des portes ? Sincèrement oui. On a sûrement du décomplexer certains groupes, je dis ça sans prétention ! On a eu de la chance, et d'autres avaient commencé le travail avant nous, mais on a quand même bénéficié d'un rayonnement international, qui est, était rare.
Que nous réserve T80 dans le futur ? On va bientôt enregistrer des nouveaux morceaux, avec une réflexion sur le support sur lequel ça sortira. EP's ? album ?
A votre niveau, en dehors de votre prise d'indépendance, ressentez-vous les effets de la crise du disque ? La perception de la musique a changé. Pete Townshend disait que c'était hyper rare, voire même un peu rebelle d'écouter de la musique rock. Il fallait aller dans les clubs, écouter certaines radios. On est passé d'un truc finalement assez élitiste à un « tout » musical où entre les ascenseurs, hall d' hôtel, bar, bus, pub télé film, sans parler d'internet...la musique, le rock est partout. Forcément ça change la façon d'envisager la musique pour le consommateur. C'est devenu banal. Résultat les gens n'achètent plus de disques (qui sont trop chers d'ailleurs), et vont moins en concert (crise économique oblige)... donc on arrive à garder plus ou moins les mêmes revenus car on a augmenté nos sources de perception en étant label, éditeur voire tourneur.
Et toi Xavier, penses-tu que Tutu To Tango (NDR: titre de l'album solo de Xavier sous l'anagramme Axe Riverboy) aura une suite ? J'aimerais bien et ça arrivera sûrement. J'écris des chansons en ce moment et je ferai le tri bientôt. Les chansons plus intimes pour Axe et les chansons pour stade (rires) pour T80
Enfin, comme je sais que tu es aussi un fan inconditionnel de musique, tes dernières découvertes ? J'ai écouté Cass McCombs, ça fait plaisir d'entendre une voix qui te donne l'impression de pouvoir changer ta vie. Ne serait ce que le temps d'une chanson...
Jusqu'à il y a peu de Marie et les Garçons je ne connaissais que Re-Bop. Ce titre avait été synchro dans une publicité il y a quelques années, il sonne comme un tube et fait parti de ma playlist "Truskel" depuis quelques mois. Récemment j'ai acquis chez Bimbo Tower un single des Garçons, et vendredi dernier j'ai trouvé le premier ep de Marie et les Garçons. Jérôme d'infrason m'avait dit de ne pas rester que sur re-bop et d'écouter notamment "à bout de souffle" ce que j'avais fait rapidement, mais en voyant le 45 chez un de mes disquaires favoris, j'ai demandé à écouter et fut très enthousiasmé: l'ep est génial et constitue une énorme découverte pour moi.
Marie et les Garçons se forment en 1975 du coté de Lyon (au lycée St Exupéry) sous le nom de Femme Fatale. Ils sont renommés par Marc Zermati (de Skydog) en Marie et les Garçons, Marie étant leur batteuse: Marie Girard. Le reste du groupe se compose alors de Patrick Vidal (oui LE Patrick Vidal) Erik Fitoussi, Jean Marc Vallod et Christian Faye. Ce dernier quitte le groupe, et en 1977 Jean Marc Vallod est à son tour remplacé par Jean Pierre Charriau.
Le premier 45 sort en 1977 sur Rebel Records, il est suivi en 1978 par Re-Bop / Attitudes qui sera réédité par Ze Records (le fameux label de no wave new yorkais). Si au départ le groupe faisait des reprises des Seeds ou du Velvet sous l'impulsion de Patrick Vidal, le groupe s'oriente vers un disco "déviant" comme certains collègues de labels (Lizzy Mercier Descloux par exemple). Marie Girard s'en va et le groupe devient les Garçons pour quelques singles de plus dont certains très réussis. Marie et les Garçons n'ont pas enregistré d'album mais leurs morceaux ont été compilés sur un 33 tours assez difficile à trouver (je ne l'ai pas malheureusement) dont la couverture représente un polo style Lacoste dont on a remplacé l'étiquette par le nom du groupe, une référence à leurs tenues de scène pas nécessairement bien vu par les punks de base de l'époque.
Leur premier pas discographique est un trois titres: "rien à dire" "à bout de souffle" et "mardi soir", c'est aussi un sans faute, les trois titres sont excellents. "A bout de souffle" est probablement le plus nerveux et radicale des trois, deux minutes à fond la caisse avec une sorte de larsen presque permanent en toile de fond, c'est presque aussi rock n roll que du Real Kids. "Mardi soir" occupe toute la face B de ses 4 et quelques minutes. Ne vous fiez pas à cette longueur anormalement élevée pour un groupe de "punk" on est plus chez Television que les Damned, un titre subtile et intelligent mais qui n'y perd pas en énergie, la violence avec élégance. La sauvagerie tout en retenue aurait du mettre la puce à l'oreille des soit-disant vrais punks qui leur ont jeté des canettes à la gueule...Enfin il y a "rien à dire" le morceau qui ouvre la face A, une idéale synthèse des deux morceaux précédents. Le morceau démarre lentement dans un délire un peu à la Television ou Talking Heads mais vers la moitié on part en orgie de fuzz avec un solo de guitare primaire et RnR, c'est hyper jouissif et réussi. Je sais pas si j'arrive à bien cerner ce disque, en tout cas il est dément.
Après le départ de Marie , le groupe (devenu les Garçons) se recentre sur Patrick Vidal et Fitoussi, et s'oriente donc vers le disco pour un album en 1979 (divorce) sans pour autant totalement lâcher la pop comme le prouve ce 45 sorti en 1980 sur ZE et Celluloïd, l'une de leurs dernières traces discographiques avec deux titres sur un EP de ZE intitulé "télépop music" reprenant des génériques de séries à la sauce post-punk. "Les deux amants" face A du simple que je vous propose de découvrir aujourd'hui, est donc un titre relativement tardif, mais très réussi. Le groupe garde cette patine disco/ post-punk le projetant dans un univers lumineux et très pop évoquant tout autant un dancefloor moite que l'écume de la mer depuis le sable chaud.
Aujourd'hui les vinyles sont relativement difficiles à trouver, ça n'a pas été réédité en cd ni sur 33 tours, en revanche c'est disponible en mp3 via les plateformes de téléchargements légal, mais c'est un peu triste et frustrant pour une musique aussi bonne...