mercredi 5 octobre 2011

Interview: Tahiti 80 (Xavier Boyer)

Tahiti 80 est un des plus beaux fleurons de la pop française, et aussi un secret bien gardé, en tout cas on peut avoir cette impression quand à l'inexplicable manque de succès de la formation dans son pays. 2011, les normands ont la majorité mais toujours la même envie pop, leur dernier album The Past, the Present and the Possible est sorti sur leur propre label Human Sounds. Après le retour à la formule "guitare-basse-batterie" de son prédécesseur le nouvel album creuse un sillon bien plus électronique (jusqu'à l'acid house sur "solitary bizness") mais ne vous y trompez pas Tahiti 80 reste Tahiti 80 et son goût pour les mélodies pop accrocheuses qui collent aux dents a toujours voix au chapitre avec son lot de petits tubes en puissance ("easy" ou "gate 33"). The Past, The Present and The Possible est une œuvre cohérente , le travail sur le son et la production est excellent et Tahiti 80 continue d'être toujours aussi pertinent. Ce disque est ambitieux sans être pompeux , signalons l'odyssée "crack up" et ses 8 minutes menées tambour battant sans jamais s’essouffler ou le très joli morceau titre "the past the present the possible". Plus de 10 ans après ses débuts discographiques et 5 albums dans les jambes, on souhaite aux normands encore pas mal d'autres de lps de cette tenue (et à nous aussi d'ailleurs). Xavier Boyer, chanteur du groupe a accepté de répondre à quelques questions par e-mail que nous lui avons posé.

Bonjour Tahiti 80,
Quels sont vos premiers retours sur The Past, The Present And The Possible?
Positifs.

D'ailleurs, ce titre a-t-il une signification particulière ?
Pour un groupe comme nous à cheval entre plusieurs époques, ça avait un sens. J'adore la musique des années 60 par exemple mais je ne vois pas l'intérêt de reproduire la même chose. Dans le titre il y a cette notion d'interprétation (de plusieurs décennies de musique, de genres musicaux...) et de recherche...On tente de provoquer des mélanges originaux avec chaque album.

Vous étiez chez un indépendant, puis chez universal et vous voilà sur votre propre structure, pas trop difficile de revenir au "fait maison" ?
Il y a moins de confort, c'est sûr. Mais bon, étant donné l'économie actuelle, je ne vois pas notre intérêt de signer sur un autre label ...donc je pense qu'il n'y a rien à regretter.

Et de s'occuper de la promo, du pressage, chercher un distributeur... y-a-t-il eu des obstacles auxquels vous ne vous attendiez pas ?
On est conscient de ces réalités depuis assez longtemps, je ne pense pas qu'on ait eu à affronter des obstacles, si ce n'est que ça prend beaucoup de temps. C'est pour ça qu'on ne s'imagine pas signer d'autres artistes sur Human Sounds.

Cela vous a t-il apporté plus de liberté ?
Plus de liberté, c'est sûr. On est libres de choisir nos collaborateurs, mais il y aussi plus de risques, si on se plante, c'est notre argent. Ça change quand même la donne. Libres, mais responsables !

Est-ce que ça vous a permis de d'avantage osé sur ce disque ?
Même si on a toujours eu des maisons de disque assez conciliantes, là, durant le processus d'écriture et d'enregistrement, on n'avait personne pour nous dire que les singles n'étaient pas assez catchy, trop bizarres etc... On a donc eu plus de latitude pour expérimenter. Dans un contexte pop, ça reste associé à une recherche d'efficacité. Finalement, on avait un peu toutes les casquettes, good cop, bad cop.

Je le trouve beaucoup plus électronique que le précédent, était-ce un choix volontaire ou le changement s'est-il fait inconsciemment, spontanément ?
C'était spontané, on avait fait un album assez power pop précédemment, et naturellement, on a tous voulu s'éloigner des guitares. Par exemple, quand j'ai enregistré des démos en vacances, je n'avais qu'un clavier avec des sons virtuels. C'était contraignant mais récréatif à la fois. Ça m'a permis de m'essayer au programing. D'une manière générale chaque album, correspond à une découverte technique ( de l'apprentissage du piano pour WFTS expérimentation avec des grooves soul pour Fosbury...). On s'est retrouvés souvent dans des nightclubs après les concerts, on passait pas mal de disques early electro (altern 8, KLF, des productions Andy Weatherall)

Sur Crack-up il me semble avoir reconnu un clin d'oeil au blue monday de New Order, il y a aussi une tonalité presque psychédélique par moment, ce sont des influences qui te parlent ?
Il y aussi un clin d'oeil à Shack Up notamment à la version de A Certain Ratio. Sur le pont, c'était une référence claire à New Order. On avait envie de jouer avec certains codes de cette scène post-punk/pre new wave. Je pense aussi à des groupes comme Wire, Outdoor Miner par exemple, très rigides mais capables de fulgurances pop.

Chacun de vos albums est très différent du précédent tout en gardant une touche Tahiti 80, comment faites-vous pour garder cette fameuse touche ?
Depuis le début, on porte une attention particulière au songwriting, la chanson est la base. Ensuite on s'est aperçu qu'on pouvait arranger les morceaux de plein de manières différentes, en fonction de nos envies. C'est important d'avoir un concept nouveau pour chaque album, ça nous donne un cadre dans lequel on peut se renouveler. Après, je pense aussi que ma voix, assez reconnaissable, permet de faire le lien entre les chansons et albums.

Vous avez produit vous même le disque dans votre propre studio, ça donne quoi T80 en studio ?
Je ne dirai pas que c'est devenu une routine, mais depuis 2005 on enregistre tous nos disques au Tahitilab. Je me souviens d'avoir lu une interview de Teenage Fanclub où ils racontaient qu'un de leurs premiers achats avec leurs royautés c'était un magnéto à bande, pour pouvoir assurer une indépendance artistique s'ils se faisaient virer de leur label. Ca s'adaptait totalement à notre mode de fonctionnement. Aujourd'hui un groupe doit savoir tout faire, écrire, arranger, réaliser, produire, vendre sa musique. J'aimerais aussi pouvoir réaliser nos visuels et les vidéos, mais là il y a encore du boulot...C'est un choix.

Je sais aussi que vous enregistrez d'autre groupes, Pedro et toi avez par exemple produit l'excellent dernier album de Mehdi Zannad, un mot dessus ?
C'est le 2è disque qu'on fait ensemble. Il y avait un challenge hyper intéressant : produire un disque de pop en français. Je trouve que Fugue est un album unique dans un paysage français très étriqué.

Que pensez-vous de la scène pop et indie en France aujourd'hui ?
Du bon et du moins bon. On est passé du tout français au tout anglais, mais dans la qualité des groupes ça reste identique. Il n'y a que très peu de groupes français que je trouve intéressants.

Avez-vous l'impression d'avoir ouvert des portes ?
Sincèrement oui. On a sûrement du décomplexer certains groupes, je dis ça sans prétention ! On a eu de la chance, et d'autres avaient commencé le travail avant nous, mais on a quand même bénéficié d'un rayonnement international, qui est, était rare.

Que nous réserve T80 dans le futur ?
On va bientôt enregistrer des nouveaux morceaux, avec une réflexion sur le support sur lequel ça sortira. EP's ? album ?

A votre niveau, en dehors de votre prise d'indépendance, ressentez-vous les effets de la crise du disque ?
La perception de la musique a changé. Pete Townshend disait que c'était hyper rare, voire même un peu rebelle d'écouter de la musique rock. Il fallait aller dans les clubs, écouter certaines radios. On est passé d'un truc finalement assez élitiste à un « tout » musical où entre les ascenseurs, hall d' hôtel, bar, bus, pub télé film, sans parler d'internet...la musique, le rock est partout. Forcément ça change la façon d'envisager la musique pour le consommateur. C'est devenu banal. Résultat les gens n'achètent plus de disques (qui sont trop chers d'ailleurs), et vont moins en concert (crise économique oblige)... donc on arrive à garder plus ou moins les mêmes revenus car on a augmenté nos sources de perception en étant label, éditeur voire tourneur.

Et toi Xavier, penses-tu que Tutu To Tango (NDR: titre de l'album solo de Xavier sous l'anagramme Axe Riverboy) aura une suite ?
J'aimerais bien et ça arrivera sûrement. J'écris des chansons en ce moment et je ferai le tri bientôt. Les chansons plus intimes pour Axe et les chansons pour stade (rires) pour T80

Enfin, comme je sais que tu es aussi un fan inconditionnel de musique, tes dernières découvertes ?
J'ai écouté Cass McCombs, ça fait plaisir d'entendre une voix qui te donne l'impression de pouvoir changer ta vie. Ne serait ce que le temps d'une chanson...

Tahiti 80 - easy


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