lundi 3 septembre 2018

Achats Récents #20 post-disco/funk/boogie


The Ritchie Family est un trio féminin de chanteuses originaires de Philadelphie. Le groupe est surtout une création des seuls et uniques Jacques Morali et Henri Belolo: au milieu des années soixante dix les français s'intéressent au disco et montent cette formation de toute pièce en castant trois chanteuses. The Ritchie obtient ainsi un énorme succès avec une reprise de Brazil extrait d'une comédie musicale. Le duo français par la suite formera... les Village People ! Au début des années 80 le disco est en perte de vitesse et les producteurs français confient la destinée de The Ritchie Family à un autre duo européen: le Français Jacques Fred Petrus et l'Italien Mauro Malavasi alors au sommet de leur carrière avec des projets comme Change et BB&Q Band. J'avais toujours vu Ritchie Family comme un groupe euro-disco cheesy (et je pense que ce n'est pas nécessairement faux sur la première période) mais en tombant sur youtube (hé oui découvert grâce aux algorithmes...) sur I'll Do My Best j'ai pris une petite claque. Ce morceau est super élégant, la production somptueuse. Encore une fois, impossible de ne pas ressentir l'influence de Chic chère au duo Petrus-Malavasi mais prolongée dans une perspective définitivement plus 80s (le morceau est de 1982): tempo plus lent, basse funky synthétique, arrangements subtiles et presque aériens. Pour ne rien gâcher, le 45 tours est vraiment facile à trouver, une semaine après avoir découvert le morceau je l'achetais en vinyle pour une somme dérisoire. Quand on commence à avoir beaucoup de disques, il est rare d'avoir encore ce genre de surprise. La version 45 Tours est un édit bien fait de la version 12 pouces ci-dessous.


Les Whispers, groupe de soul de Los Angeles, ont déjà été évoqués sur ce blog à travers un excellent morceau de 1970. Comme je le mentionnais à l'époque, la formation est surtout connue pour sa production de la fin des années 70 - début quatre vingt et notamment le fameux And The Beat Goes On. Ce morceau est tellement connu que rien qu'en citant le titre vous devriez entendre la mélodie. De la même époque mais un chouïa moins connu (mais ça reste un énorme standard): It's a Love Thing. Que dire sur cette chanson ? évidente, classique, certes... mais cela reste une énorme balle avec un groove hallucinant. Un petit mot sur le label SOLAR (pour Sound Of Los Angeles Record), je pense qu'il contribue à définir le son de la première moitié des années 80 en matière de dance music/ R&B/disco. Fondé en 19 par Dick Griffey, un collaborateur de l'émission Soul Train, le label californien enquille les classiques dans la première moitié des années 80 avant de décliner. Parmi mes favoris citons Dance With You de Carrie Lucas, Friends de Shalamar ou Midas Touch de Midnight Star.  


J'avais tendance à associer Evelyn Champagne King surtout à son classique disco Shame découvrir Love Come Down , un autre de ses grands tubes (avec aussi I'm in Love) a été un petit choc. Cinq ans sépare les deux morceaux et ils tracent assez bien les évolutions de la musique disco/r&b sur la période. Love Come Down est une merveille de précision associant une production très synthétique (boîte à rythme, basse funky au moog, claviers...) à un groove destructeur. Love Come Down est un vrai marqueur de son époque et du virage fait par la dance music dans les 80s. Il consacre aussi son producteur: Kashif, malheureusement décédé en 2016 à quelques semaines d'intervalles d'un autre grand de la dance music (Rod Temperton).  


Il était trop tentant d'évoquer Rod Temperton juste après Kashif. Le musicien anglais se fait connaître avec le groupe Heatwave, auteur notamment de l'immense classique Boogie Nights qui fait parti de mes morceaux disco favoris. La formation contribue à l'émergence d'une scène au Royaume Uni connue sous le nom de Brit Funk, il est très probable que je revienne là dessus un jour prochain si j'ai le courage de m'y mettre ! Revenons à notre 45 tours. Il est donc écrit par Rod Temperton pour Quincy Jones avec Patti Austin au chant. Razzamatazz est extrait de l'album The Dude comme un autre classique de Quincy: Ai No Corrida. Même si cette dernière a eu plus de succès, j'ai une préférence nette pour Razzamatazz et je pense que Rod Temperton n'y est pas étranger. Elle évoque un autre classique du compositeur anglais (Give Me the Night de George Benson) avec quelque chose de plus élégant, notamment ce refrain sur le fil des plus aristocratiques. La paire Rod Temperton/Quincy Jones est une dream team du début des années 80. Les deux collaborent en effet sur deux albums de MJ (Off The Wall et Thriller) mais aussi sur Light Up The Night le classique des Brothers Johnson (porté par le single Stomp co-écrite par le Britannique avec le groupe et produite par l'Américain) . 


Chemise était un couple à la vie: Ricki Byars et Ronald Muldrow. Les musiciens, surtout de de jazz (Ricki Byars a chanté avec Pharoah Sanders par exemple), ont sorti un unique single sous ce nom en 1982. She Can't Love You est particulièrement intéressante dans sa manière de placer la basse par rapport à la rythmique avec un léger décalage créant un groove très particulier et cool. L'ensemble est à la fois très dansant mais avec une petite pointe de mélancolie. La production est également captivante: un poil plus lo-fi et moins ample que celle des 4 autres morceaux de cette sélection par exemple. 
 

samedi 1 septembre 2018

Achats Récents #19

Pour cette troisième et dernière partie de mes achats à Barcelone, pas de thème spécifique. J'ai acheté d'autres disques bien sûr mais ceux là me semblaient plus intéressants à présenter pour diverses raisons. L'été a été une période assez faste d'acquisitions me concernant, si j'ai le courage d'écrire quelque chose, je vous présenterai peut être quelques trouvailles faites via discogs. 


Sir Henry and the Butlers est un groupe beat danois originaire de Copenhague. En 1967 Camp obtient un succès conséquent dans de nombreux pays européens et plus spécifiquement en Allemagne, aux Pays Bas et en Belgique. Le morceau est terriblement énervant, le genre de scie typique de la fin des années soixante (Winchester Cathedrale me vient en tête aussi) à se taper la tête contre les murs tant c'est mauvais (avec un kazoo histoire de rendre le truc encore plus difficile), en revanche la face B Pretty Style est vraiment très bonne: du psychédélisme lancinant montant cresdendo. Comme vous le savez j'ai une passion pour les morceaux squattant les bacs de drouilles , là on en tient carrément un bon exemple. J'avais déjà le disque bien sûr avec d'autres pochettes mais honnêtement en pressage espagnol ça ne se refuse pas... Curieusement le morceau y a été publié 4 ans après sa sortie initiale, un mystère intéressant à résoudre !



J'ai déjà évoqué Rocky Roberts ici même et devinez quoi ? La Face A du single que je vous avais présenté est en face B de celui ci. Curieux couplage donc de deux singles du chanteur originaire de l'Alabama. Cela reste de l'excellente came en tout cas, les deux morceaux sont cool, la A dans un registre assez midtempo quand la B relève un peu la cadence. De l'euro-soul en italien chanté avec un accent américain: est-ce que l'on peut faire plus sixties que ça ? Cela évoque en tout cas beaucoup d'autres productions européennes contemporaines: Jess & James, Pop Tops, Geno Washington & the Ram Jam Band, Jimmy James and the Vagabonds ou encore... los Canarios.



Los Canarios n'eurent pas le succès des Pop Tops ou de Los Bravos mais furent une des belles réussites du producteur Alain Milhaud (dont j'évoquais l'étonnant destin récemment à propos de Smash).  Le groupe était originaire... des Canaries. Après avoir enregistré un album aux USA, pour le label des Tokens (BT Puppy), en 1967 (une énorme rareté) le groupe revient en Espagne et obtient plusieurs tubes qui aident le groupe à s'installer définitivement dans le paysage du rock espagnol. Get On Your Knees, leur grand succès, est aussi un super morceau de soul, je vous recommande donc de partir à sa recherche (assez facile et peu dispendieuse) si vous allez faire un tour en Espagne... Le groupe s'oriente par la suite vers une musique progressive ambitieuse mais pas non plus abscons avec quelques très bons morceaux également... Pain date de la période soul du groupe et vaut surtout pour sa face B Three-Two-One-Ah légèrement garage et plutôt bien branlée. À noter que le single est arrangé par un nom bien connu des français: Jean Bouchety



Finissons cette session barcelonaise sur un 45 tours du duo James & Bobby Purify. Dans l'esprit de Sam & Dave, les Floridiens sont particulièrement connu pour leurs morceaux I am Your Puppet et leur reprise très punchy de Shake a Tail Feather (qui a probablement influencé la version des Blues Brothers de mon point de vue). Si j'ai pris ce single parce que particulièrement intrigué par leur reprise de Sixteen Tons morceau dont j'adore de nombreuses versions (dont certaines françaises) c'est finalement la A qui me semble la plus réussie.  Sans transcender la version de Sam & Dave, James & Bobby Purify en font une excellente interprétation (en 1967) avec une production moins crados et plus précise que l'original chez Stax. 


jeudi 30 août 2018

Achats Récents #18 disco/soul/funk

Suite des achats barcelonais avec une spéciale disco/soul/funk. J'ai essayé, avec les disques choisis, de tracer en filigrane l'évolution de la musique soul entre le milieu des 70s jusqu'au début des années 80. Ces achats sont assez représentatifs de mes obsessions du moment, en particulier pour le R&B du début des 80s qui fusionne les rythmes disco à l'instrumentation P-funk (ou quelque chose approchant...). Je m'étais déjà intéressé à la question mais d'une manière peut être un peu superficiel, en tout cas j'ai eu envie de m'y replonger cet été et ce fut l'occasion de découvrir énormément de disques voir de producteurs. Vous pouvez aussi checker ma playlist pour Section 26 dans un registre moins dansant et plus luxuriant...


First Choice est un girl group de Philadelphie. Nous avions évoqué ici le groupe il y a fort longtemps (plus de onze ans !). Smarty Pants est un excellent single de 1973 produit par Stan Watson, pièce importante du puzzle Philly Soul en tant que co-créateur du second grand label de la ville (après Philadelphia International Records): Philly Groove. Si ce disque est sorti sur Bell (qui distribuait le label), le rooster comprenait notamment First Choice ou les Delfonics. En regardant les crédits d'écriture, nous pouvons constater la présence d'une autre figure clef du son philly en la personne du guitariste Norman Harris. Ce dernier fut un des membres d'origine de MFSB, le backing band de la plupart des disques de Philly. Comme l'arrangeur/vibraphoniste Vince Montana Jr. (et le groupe First Choice suivra aussi cette migration de label) , Norman Harris fera parti de l'aventure Salsoul et de son orchestre. En creux se dessine l'évolution de la musique soul des 70s. Alors que Philadelphie a créé le son disco en substance (il suffit d'écouter Love Train) notamment grâce à la fabuleuse assise rythmique constituée par Earl Young (batteur) et Ronnie Baker (basse), Salsoul s'impose comme un label majeur du genre grâce aux transfuges de Philly. Smarty Pants est en tout cas un parfait exemple du son de Philadelphie: production soyeuse, mélodies élégantes, rythmique binaire parfaite pour danser. De la pure dentelle capable d'associer l'efficacité d'une bonne chanson pop à des arrangements exigeants.



Nous sommes 4 ans plus tard en 1977 en pleine fièvre disco. The Emotions est un autre girls group mais de Chicago, un trio composé autour de la famille Hutchinson. Après avoir publié plusieurs albums pour Stax, le trio est signée par CBS qui envoie le groupe entre les mains de Maurice White et Charles Stepney.  Les deux ont un CV plutôt dingue et sont des noms que vous croiserez souvent si vous vous intéressez aux productions soul de Chicago des années 60-70. Stepney se fait connaître en créant avec Marshall Chess (fils de Léonard, le fondateur de Chess) le groupe Rotary Connection duquel émergera Minnie Ripperton. Il a produit son classique Les Fleur tout comme California Soul de Marlena Shaw... Au milieu des seventies il s'associe à une autre figure de l'ombre de la soul de Chicago: Maurice White. Membre du trio de Ramsey Lewis qui remplace Young & Holt, il fonde par la suite Earth Wind and Fire. Ensemble les deux produisent Flowers pour les Emotions en 1976, le premier succès du groupe depuis 1969. L'année suivante White rempile pour un nouvel album sans Stepney, celui-ci étant malheureusement décédé entre temps. Rejoice explose les compteurs (#1 R&B, #7 Pop aux USA) et devient le plus grand succès du groupe. Cette performance est certainement due à Best of My Love qui s'impose comme un des grands classiques de son époque. Le morceau écrit par White et Al McKay (un autre membre d'EW&F) est tout simplement irrésistible. 



Skyy est un groupe de New York signé sur Salsoul, l'un des labels les plus emblématiques de la vague disco. Skyyzoo publié en 1980 est représentatif de la dance music après la fièvre disco. La disco a littéralement balayé tout sur son passage et créé une percée inédite dans le mainstream pour la musique R&B. Le retour de bâton fut terrible mais permit au boogie d'émerger au début des années 80. Le R&B retrouva ainsi des couleurs en renouant avec ses racines sans renier non plus la disco. Si le beat binaire est conservé, il se fait un peu plus lent et langoureux, les instrumentations perdent en cordes chantilly ce qu'elles gagnent en synthétiseurs. Ce morceau quoi qu'encore très disco a pour lui une orchestration plus aéré, plus marquée dans le bas du spectre (basse très en avant) et moins agressive dans les aigus que la plupart des standards disco. On pense évidemment à Brass Construction ou BT Express: la présence de Randy Muller n'y est pas totalement étrangère puisqu'il co- produit le morceau avec Solomon Roberts Jr. .


Instant Funk est un groupe originaire du New Jersey mais leur histoire corrobore celle de First Choice: après avoir été backing band pour les O Jays (entre autre) et sortis des albums sur Philadelphia International Records, le groupe rejoint Gold Mine (le label de... Norman Harris) puis Salsoul. Ils ne sont pas les seuls: Bunny Sigler qui produit ce disque fut également une figure de la soul de Philadelphie ! Give It To You Baby paru en 1982 est un morceau au groove implacable. Sans être une évolution majeure par rapport à Skyy, on notera la présence plus marquée de synthétiseurs.


Finissons cette session par un autre disque de 1982: Dance Floor de Zapp, groupe de l'Ohio. Zapp c'est génial, Roger Troutman est un génie de la Talk Box (ce que l'on prend souvent pour de l'autotune ou du vocoder). Les deux premiers albums sont des classiques. Dance Floor est d'ailleurs le single majeur du second album et sans atteindre la perfection de More Bounce To The Ounce il s'en rapproche sérieusement. Il est assez intéressant de comparer ce disque à celui d'Instant Funk. Si Instant Funk venait d'un background plus soul/disco, Zapp a un son nettement plus funk. Le tempo est plus lent et lourd, l'instrumentation encore plus synthétique. La filiation la plus évitent me semble ici être le P-Funk de Parliament (Clinton et Bootsy ont d'ailleurs produit le premier album de Zapp), son qu'il prolonge dans une perspective encore plus épuré et synthétique.


samedi 25 août 2018

Achats Récents #17 Groupes Espagnols

L'année dernière, j'avais préparé une sélection de 45 tours de groupes espagnols trouvés à Barcelone. Un an plus tard, j'y suis à nouveau, bien entendu, j'ai fait un crochet par les deux boutiques Revolver de la Carrer dels Tallers. Même lieu mais pas tout à fait les mêmes protagonistes, les trouvailles, cette fois-ci, sont marquées par leur primeur: plusieurs groupes dont je ne possédais rien encore. 

À ma grande surprise, les Sirex n'ont jamais été évoqués directement sur ce blog en dehors de quelques mentions pour d'autres groupes (Salvajes, Los No etc.). La chose est étonnante car la formation barcelonaise est une des plus importantes du pays pendant la période beat au coté de Los Brincos ou Los Mustang. Du coup j'ai ramassé pas mal de leurs disques en dix ans ! Né en 1959, le groupe joue dans la région (à Castelldelfels par exemple)  ne signe un contrat avec Vergara qu'en 1963. Leur carrière décolle avec La Escoba , morceau qu'ils n'aimaient pas, on peut les comprendre tant ils avaient mieux à offrir. San Carlos a été lui publié en 1964 ou 1965 selon les sources... J'aurais tendance à penser qu'il s'agit au moins de leur troisième EP puisque majoritairement composé par le groupe: contrairement, à l'indication, l'un des quatre titres est une reprise (Si Yo Canto). Le 45 tours est en tout cas un des meilleurs du groupe avec Yo Grito ou Acto de Fuerza. Deux titres s'en dégagent particulièrement : San Carlos Club et  Tus Celos (attention pour cette dernière la version disponible sur youtube n'est pas la bonne). Elles démontrent l'attachement du groupe au rock pur et dur, celui des 50s, de Presley. Associant un son très twangy à une fulminante morgue ,les deux morceaux sont des rushes d'énergie évoquant par exemple Vince Taylor (Shakin' all over en particulier). 



Continuons dans la musique Beat enregistré en Catalogne avec Els Dracs, un groupe originaire de Molins De Rei. Contrairement aux Sirex, Els Dracs n'eurent pas une carrière nationale mais eurent en revanche un succès régional. La raison en est assez évidente et fait tout l'intérêt de ce disque: le groupe chantait en catalan. Je ne sais pas si leur nom (les Dragons en français) a un quelconque rapport avec la Festa Major en tout cas je suppose qu'il est dans l'imaginaire catalan ? Le disque est sorti chez Concèntric, un label spécialisé dans la musique catalane. J'avais déjà eu l'occasion de les citer il y a fort longtemps pour le chouette 45 tours d'Eurogroup. Musicalement l'EP des Dracs présentent 4 reprises compétentes dont la plus intéressante me semble être celle des Animals (It's My Life devenant Es La Meva Vida). L'usage du catalan rend l'exercice intrigant même si évidemment, le groupe n'appartient pas à la même division que les Salvajes, Sirex et autres Brincos, capables d'écrire leurs propres morceaux. Un disque important pour les collectionneurs de rock catalan puisqu'ils sont parmi les pionniers du genre. 


Une trouvaille dont je suis particulièrement content même si malheureusement le disque n'est pas dans un état dingue: Cerca de las Estrellas de Los Pekenikes. J'ai finalement assez peu évoqué los Pekenikes ici (ils ont eu le droit à un article en 2009 et ont été mentionnés l'année dernière dans l'article sur les achats espagnols). Los Pekenikes a eu de nombreux line-up différents avec notamment Juan et Junior également passés par la case Brincos. Le groupe madrilène pratique généralement une musique instrumentale proche du style Tijuana Brass (c'est à dire avec des arrangements de cuivres un peu guilleret) mais il y a aussi beaucoup de choses intéressantes à retenir dans leur discographie: des morceaux rock n roll/beat/garage des débuts ou plus tardifs et funky. Je suis particulièrement fan de Cerca De Los Estrellas , la chanson mélange les influences classiques du groupe avec le psychédélisme chère à la fin de la décennie. Le tout est à la fois vaporeux et épique !


Màquina! est des groupes piliers de la scène underground espagnol de la fin des années soixante. Leur premier album Why? est considéré comme un classique en Espagne. Originaire de Barcelone, la formation choisit de chanter en anglais (approximatif !) en opposition à la variété (souvent en espagnol) et à la chanson (en catalan). Elle publie son premier 45 tours en 1969 avec l'excellente Lands of Perfection en face A.  La chanson convoque l'esprit de Brian Auger, The Nice ou Rare Bird, soit un morceau psychédélique groovy avec un orgue hammond surpuissant. Un disque pas courant que je suis très content d'avoir trouvé !


Autre groupe majeur à définir l'undeground espagnol de la fin des sixties et du début des 70s: Smash. La formation sévillane pratique une fusion entre flamenco et musique psychédélique en anglais à nouveau (avec un peu d'espagnol quand même). Le résultat est plutôt probant comme sur ce 45 tours entre arabesques hispaniques et guitares wah-wah ! À noter que le disque est produit par Alain Milhaud, un français (né en Suisse à Genève) bien plus connu en Espagne qu'en France qui a énormément contribué à la pop ibérique en produisant aussi Los Canarios, Los Pop Tops  et surtout Los Bravos (Black Is Black !). Décédé en avril 2018, ce dernier a eu une nécrologie dans l'un des quotidiens les plus importants d'Espagne


mercredi 14 mars 2018

Ariel Kalma, l’osmose mystique.



 


Lorsque l’on évoque la musique électronique en France, on pense instinctivement à la french touch des années 1990 et 2000 ou, pour les plus téméraires, aux expérimentations électro-acoustiques pionnières de Pierre Schaeffer et Pierre Henry. Pourtant, à partir des années soixante-dix, parallèlement aux recherches abruptes de l’INA-GRM (Groupe de Recherches Musicales), une génération de musiciens entreprend l’exploration des nouvelles possibilités offertes par les synthétiseurs. La musique électronique s’extirpe du champ strictement savant pour se diffuser auprès de jeunes gens réceptifs aux voyages intérieurs et aux trips cosmiques. Contrairement à nos voisins teutons (Popol Vuh ou Faust bénéficient, de manière encore inexpliquée aujourd’hui, des largesses financières de leurs maisons de disques), la scène électronique française se développe dans la marginalité, voire presque dans la clandestinité. Elle est, la plupart du temps, le fruit de démarches autonomes. Seuls quelques cas épars comme Jean-Michel Jarre parviennent au succès (n’oublions pas le bide de ses premiers disques). Ainsi, certains choisissent le confort relatif de la musique d’illustration (Bernard Fèvre, Jean-Pierre Decerf…), quand d’autres créent leurs propres labels (Richard Pinhas/Heldon, Pôle…). Ariel Kalma fait partie de ce second camp, celui de l’autoproduction et des petites maisons d’édition underground.




À la fin des années soixante, Ariel Kalma, de son vrai nom Ariel Kalmanowicz, est étudiant en informatique à Paris. Pratiquant le saxophone depuis l’adolescence, il délaisse progressivement son appétence pour le Rock & Roll quand il découvre le Free-jazz et les musiques d’avant-garde. Toutefois, comme nombre de ses contemporains, il doit cachetonner auprès des vedettes de la variété. C’est ainsi qu’il se retrouve à tourner un temps avec Salvatore Adamo, le musicien brésilien Baden Powell, ou encore David McNeil, chanteur aujourd’hui quelque peu oublié du label Saravah (et fils de Marc Chagall !). En 1974, il participe à la tournée mondiale de Jacques Higelin. Lors d’une escale en Inde, il est introduit à la musique classique indienne ainsi qu’à une certaine philosophie mystique qui le bouleverse profondément. C’est, dit-on, par l’intermédiaire d’un charmeur de serpent qu’il apprend la respiration circulaire, une technique qui lui permet de souffler des notes longues et continues à travers ses instruments.

 
De retour à Paris, il travaille sur l’enregistrement d’un premier album. Son titre, Le temps de moissons, évoque immédiatement les chaleurs estivales écrasantes, mais également l’abondance, et le repos bientôt mérité. La première face ne contient qu’un seul titre, éponyme. Il s’agit d’un mélange entre les ragas indiens et les boucles répétitives des maîtres du minimalisme américain. Dans une formule analogue à Terry Riley, il superpose des pistes de saxophone à travers des filtres de reverb, d’échos et de wah wah. La seconde face s’ouvre quant à elle vers les territoires de la musique Gnaouas (Maroc) pour se conclure dans un jam électronique que n’aurait pas renié Urban Sax. Profondément original et personnel, ce premier album, tiré à 1000 exemplaires au milieu des années soixante-dix, s’offre dans un écrin « fait-main » (sans mauvais jeu de mots) : une simple pochette blanche numérotée au stylo sur laquelle il dessine les contours de sa main droite, accompagnée parfois de symboles ésotériques.

En 1976, Ariel Kalma participe à l’éphémère projet Nyl, une espèce de « super-groupe » de l’underground, avec d’anciens membres de Cheval Fou (formation psychédélique complètement délurée à la Gong) et d’Âme Son. Leur unique album est publié sur Urus, le label d’Heldon. 


 
C’est néanmoins deux ans plus tard qu’Ariel Kalma produit son disque le plus audacieux, Osmose. Il s’agit d’une œuvre élaborée à quatre mains avec l’aide de Richard Tinti. Ce dernier participe durant les années soixante-dix à des missions de field recordings dans les forêts primaires. Ses captations de chants d’oiseaux tropicaux, de bruits d'insectes, des sons de la pluie et du vent sur la canopée, servent de trame de départ au travail d’Ariel. Autour de l’atmosphère sonore de ces contrées impénétrables, il tisse des pièces profondes et captivantes, dont la force est de ne pas employer les enregistrements de Richard Tinti comme un simple alibi exotique. Bien au contraire, il met en valeur une luxuriance sonore naturelle grâce à des bourdons contemplatifs et des expérimentations acoustiques étonnement modernes. Moins lo-fi et sans doute plus maitrisé que son premier disque, Osmose est le genre d’album dont le foisonnement harmonique se révèle au fil des écoutes.


L’article pourrait continuer plus longuement, mais, d’une part, cela fait déjà beaucoup à digérer, et, d’autre part, Ariel Kalma tombe petit à petit dans une New Age mollassonne qui semble d’un intérêt moindre, ou alors pour les plus curieux ou les plus gourmands. Son œuvre énigmatique ne témoigne pas moins d'une remarquable modernité, aussi bien dans le traitement sonore que dans la démarche. Les deux disques évoqués ont été réédités (avec des titres en plus et en moins...), tandis que sa discographie est en écoute libre sur son bandcamp.