L'été n'arrête certainement pas les achats de disques. Si vous suivez ce blog régulièrement vous savez l'intérêt que je porte aux groupes espagnols, notamment ceux des années soixante. Il est vrai que d'une manière générale j'ai un faible pour les groupes de beat ne s'exprimant pas en anglais, ayant l'occasion d'aller assez souvent de l'autre coté des Pyrénées, j'ai une collection sympathique de disques locaux. Coté disquaires, je vais régulièrement à Revolver du coté de la Carrer dels Tallers (à deux pas seulement des événements tragiques de cette semaine...). Les prix ont un peu augmenté, notamment les 33 tours de rock indé, mais cela reste très raisonnable dans l'ensemble. Un excellent spot pour farfouiller pendant des heures... Ainsi les 4 disques que je vais vous présenter aujourd'hui m'ont coûté la somme de 12 euros, en tout ! Après soyons honnête: la plus belle pièce, qui vaut à elle seule ce prix là, n'est pas dans un état Mint (je dirai qu'elle est VG). Étant toujours sur place, je suis preneur d'autres disquaires spécialisés dans la seconde main et ayant une offre en 45 Tours, si jamais...
La scène espagnole de l'époque est marquée par la richesse du nombre de formations, une certaine qualité générale, y compris de groupes très populaires ou encore l'usage quasi-exclusif du castillan. Bien entendu certains groupes ont surtout pratiqué les reprises de groupes anglo-saxons, par exemple los Mustangs avec les Beatles (un peu l'équivalent de nos Lionceaux); cependant les compositions originales sont non négligeables, ainsi quelques formations créèrent leur propre répertoire en grande majorité (Los Brincos, Los Pasos etc.). Les épicentres de la musique beat furent assez logiquement Madrid (Los Brincos, Los Relampagos, Los Pasos etc.) et Barcelone (Sirex, Mustangs, Salvajes, Cheyenes), Valence ou les îles tirèrent également leur épingle du jeu (Los Huracanes, Los Canarios etc.). Les groupes espagnols ne s'exportèrent pas franchement dans le milieu des années soixante à l'exception notable de Los Bravos y plus généralement des productions liées à Alain Milhaud (Los Pop Tops). A la fin de la décennie, l'underground prend le contrepied de ses aînés en utilisant majoritairement l'anglais (Maquinà, Smash, Evolution etc.). Détail amusant: dans d'autres pays, la Suède notamment, cela sera l'inverse, passant de groupes anglophiles (Tages, Hep Stars, Mascots) au Progg.
Commençons notre petit tour par le joyau de la sélection: Es La Edad des Salvajes. Un des morceaux les plus fantastiques du rock ibérique... Un pur concentré de jeunesse avec une composition dynamique et explosive rappelant les Who que l'on peut aisément qualifier de freakbeat. La chanson est un des très grands moments des Salvajes au coté de Las Ovejitas, Soy Asi ou Al Capone ... La majorité du répertoire du groupe est composé de reprises, ici par exemple les Rolling Stones (Todo Negro est une reprise de Paint It Black), les Troggs (Una chica Igual que Tu) et Spencer Davis Group (Somebody Help Me devenant que alguien me ayude ). Vu la qualité des compositions originales de la formation, il est probable qu'il s'agissait des consignes du label...
Sortons du registre Beat quelques instants. Los Modulos est une formation pop typique de la fin de la décennie. Todo Tiene Su Fin parue en 1969 sur le label Hispavox est certainement leur plus gros succès. La chanson est un très beau slow dans la veine de Nights in White Satin des Moody Blues ou de Rain & Tears des Aphrodite's Child (en bien meilleure que cette dernière que je trouve crispante). Elle m'évoque aussi les débuts de Martin Circus (Le Matin des Magiciens)... Arrangements raffinés, composition ambitieuse et lyrique (ce qui peut évidemment agacé), production soignée: un vrai classique de la pop espagnole ! A noter que la face B Nada Me Importa est également excellente...
Los Brincos est un, si ce n'est le, groupe majeur espagnol des années soixante. Il a la particularité de composer l'essentiel de son répertoire, rare pour l'époque, en Europe continentale comme ailleurs ! J'adore leurs premiers 45 tours comme Flamenco ou Baila La Pulga qui sont un parfait équilibre entre mélodies ibériques et énergie des premiers Beatles. Le compositeur en chef n'est autre que le batteur Fernando Arbex qui se fera connaître à l'international avec son classique proto-disco Woman des Barrabas. Je ne suis pas nécessairement un fan absolu de Lola la face A de ce 45 tours et je lui préfère par conséquent l'excellente The Train. Les deux morceaux sont extraits de leur album classique Contrabando que l'on peut considérer comme leur Sgt Pepper. L'album est enregistré en Angleterre par Larry Page, producteur des Kinks et des Troggs. La pratique était courante à l'époque, notamment en France (Polnareff, Eddy Mitchell, Johnny...). The Train frôle le pastiche de Substitute des Who mais ça reste un super morceau beat. D'autres 45 tours sont extraits de l'album, notamment El Pasaporte ou Nadie Te Quiere Ya deux des meilleurs morceaux de Contrabando.
Le duo Juan & Junior est un autre monument de la pop ibérique malgré une carrière discographique relativement courte étalée sur deux ans (entre 1967 et 1969) pour 6 simples et un album qui les compile. Cela à tient aussi au parcours des intéressés. Juan Pardo et Antonio Morales Junior (né aux Philippines à Manille pendant la seconde guerre mondiale, d'un père espagnol et d'une mère philippine) font en effet successivement parti de deux groupes majeurs des années soixantes: Los Pekenikes et Los Brincos. Dans les Pekenikes, l'un succède à l'autre au chant... En revanche ils font tous les deux partis du line up original des Brincos (qui inclut aussi le susnommé Fernando Arbex). Ils en partent en 1967 pour former leur propre duo qui obtiendra énormément de succès. Chacun des 45 tours du groupe présente au moins un très bon morceau. C'est le cas de ce simple de 1967 dont j'aime particulièrement la face B Bajo El Sol. Si la chanson démarre sur une fuzz au son menaçant, il s'agit avant tout d'une excellente composition pop psychédélique aux harmonies soignées.
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