Second épisode des achats barcelonais avec une spéciale Bubblegum. Le genre musical était destiné aux adolescents (et pré-ados) de la fin des années soixante. Il connaît son heure de gloire entre 1968 et 1970 mais inspira de nombreux autres producteurs par la suite. Style souvent snobé, il mérite pourtant d'y consacrer un peu de temps ne serait-ce que pour les passerelles avec d'autres courants que nous apprécions particulièrement comme le psychédélisme ou le garage-rock. Avantage: les disques sont rarement chers ou recherchés (sauf quelques références très précises comme Captain Groovy & His Bubblegum Army) comme en témoigne les 9€ dépensés pour ces 4 simples.
Si, au sens stricte, la bubblegum pop fait référence à une période très précise, la musique préfabriquée à destination des adolescents est une constante depuis les années cinquante. Aux idoles un peu trop crues et sauvages que furent Elvis, Chuck Berry ou Eddie Cochran, les maisons de disques préférèrent bien vite développer leurs propres champions et inondèrent le marché de Frankie Avalon ou de Fabian, plus acceptables pour les parents et contrôlables par les maisons de disques. Au début des années soixante, les songwritters du Brill Building comme Gerry Goffin et Carole King ou Ellie Greenwich et Jeff Barry imposèrent leur style sur la pop signant une quantité incalculables de classiques. Il en fut de même pour Phil Spector (Shangri-Las, Ronettes) et bien sûr la Motown (Four Tops, Supremes). Jusqu'ici il était surtout question de division du travail entre compositeurs, arrangeurs, producteurs et interprètes... The Monkees, un groupe monté sur casting pour une série télévisée inspirée d' A Hard Day's Night des Beatles, poussèrent la logique encore plus loin, aux portes de la pop bubblegum. Don Kirshner, éditeur émérite, fut en effet chargé par la production de fournir des hits aux groupes, il fit alors appel aux équipes de Brill Building parmi les plus célèbres comme Boyce & Hart (last train to Clarksville ou I'm not your steppin' Stone). Le groupe fut cependant vexé de ne pas participer à la création artistique et reprit par conséquent le pouvoir... Don Kirshner, amer, eut cependant l'occasion de rebondir et d'aller encore plus loin dans la logique de contrôle en créant un groupe virtuel de toute pièce pour un dessin animé: The Archies.
La pop bubblegum était née et réglait les problèmes d'égos des musiciens. Elle permettait au label / manager / producteur une main mise totale: image, écriture des chansons (confiées à des professionnels), interprétation par des musiciens de studio etc. On considère généralement Green Tambourine publié en novembre 1967 des Lemon Pipers comme le premier tube bubblegum. Il lança en tout cas une période faste pour le label majeur du genre: Buddah Records. En effet, sous l'égide des producteurs Jerry Kasenetz et Jeffrey Katz (Super K Productions) ainsi que du directeur général Neil Bogart, le label inonda le marché de tubes de groupes factices ou absents lors des enregistrements de leurs simples... Ils s'appelaient, Ohio Express, Archies, 1910 Fruitgum Co. ou encore Crazy Elephant et pendant quelques années ils firent les poches des adolescents qui se jetaient sur leurs nouveaux 45 Tours... Artistiquement la pop bubblegum emprunta au versant léger du psychédélisme comme au garage-rock. The Music Explosion expriment cette parenté: ils sont souvent considérés comme appartenant aux deux. Les chansons étaient souvent simples, répétitives, très accrocheuses, avec des rythmes dansants. Le nom fait référence à la profusion de référence à la nourriture et plus particulièrement au sucre dans les chansons (Sugar Sugar, Yummy Yummy Yummy ou encore Chewy Chewy), l'occasion de double-sens pas si innocents. L'efficacité des faces A rendait l'exercice de la face B plus libre et propice à délires de studio. Ainsi nous retrouvons d'excellentes faces B, parfois très violentes, au dos de tubes consensuels et efficaces.
Si l'on ne peut les qualifier à 100% de pop bubblegum, l’œuvre de groupes comme The Osmonds, The Cowsills ou Tommy James and the Shondells évoluèrent à très grande proximité... La pop bubblegum fut de courte durée mais démontra la possibilité de créer des projets de studio de toutes pièces et avoir énormément de succès. Elle fut ainsi précurseur du travail de Nicky Chinn et Mike Chapman dans le glam avec The Sweet ou Mud ou encore du groupe Bay City Rollers. D'autres y firent leurs armes comme certains des membres de 10cc qui travaillèrent pour Super K Productions. Enfin elle influença durablement la musique pop, notamment des groupes comme The Rubinoos ou les Paley Brothers.
Simon Says par 1910 Fruitgum Co. est un des énormes tubes du genre. Je lui préfère la très bonne face B Reflections from the Looking Glass aux effluves psychédéliques. Un excellent travail de studio pas si éloignée que ça du garage ou de la sunshine pop.
Roll It Up face B de Mercy est une des bonnes incursions des Ohio Express dans le garage-rock. Si le morceau n'est pas aussi mythique que Try It (reprise par The Attack), il fait plus que la blague et s'en sort avec les honneurs ! Orgue marqué, chorus de voix pompé sur land of 1000 dances et morgue à la Mitch Ryder: pas mal pour de la pop bubblegum !
Techniquement, on pourrait me rétorquer que ce n'est pas nécessairement un single bubblegum. En tout cas il a été publié par Kama Sutra, label collaborant à l'époque avec Buddah Records et The Rapper comporte certaines caractéristiques typiques du genre: mélodie simple, répétitive et catchy, rythmiques marquées. The Jaggerz avait sorti un premier album sur le label de Gamble et Huff pour l'anecdote.
Finissons en beauté avec un très bon simple des 1910 Fruit Gum Co. de 1970. When We Get Married sonne comme un joli hommage au Wall of Sound de Phil Spector à mi chemin entre les Dixie Cups et The Ronettes, l'usage des castagnettes ne trompe pas ! La face B est une fascinante curiosité. Baby Bret est un instrumental plutôt rock & roll avec une bonne dose d'effets psychédéliques et spatiaux ! On pense évidemment à Psyché Rock par exemple !
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