Le Système Crapoutchik , un nom bien étrange pour un groupe non? Si je vous dit qu'en plus il est dû à notre Dutronc national, ça a de quoi piquer votre curiosité j'imagine! En effet "Crapoutchik" était le surnom que Jacques avait donné à un de ses musiciens dont il n'arrivait pas à prononcer le nom: Gérard Kawczynski. Le Système Crapoutchik est en fait une émanation de la dream team qui accompagnait Dutronc pendant sa meilleure période (66-67) on y retrouve JP Alarcen, Alain Legovic (aka Alain Chamfort hé ouai!), le sus-nommé Gérard Kawczynski accompagné de Michel Pelay, Christian Padovan et enfin Claude Puterflam au chant. Après quelques EPs et singles pour Vogue, le groupe signe sur le label de leur chanteur Flamophone et sort ce premier album Aussi Loin que je me souvienne, qui sera suivi par Flop (une compilation) et un album de reformation (discographie complète ici).
Si vous attendez d' Aussi loin que je me souvienne des chutes de studio de morceaux de Jacques Dutronc circa-66 vous risquez d'être un peu déçus, ce disque n'a tout simplement rien à voir avec la machine à tube beat qu'était Jacques au milieu des années 60. Aussi loin que je me souvienne est en effet un concept album, le premier français apparemment autour de la vie, l'album démarre en enfance et se clôt sur le thème de la vieillesse. Ainsi tous les âges sont passés en revue, des premiers émois amoureux ("premier amour"), en passant par la vie de famille ("les temps ont changé") et ainsi de suite. Le disque s'inscrit clairement dans ce que l'on appelait alors "la pop", la musique moderne des jeunes de la fin des 60s.
Aussi Loin que je m'en souvienne a quelque chose à voir avec les premiers Martin Circus et bien entendu pas mal de groupes anglo-saxons sans les copier mais plutôt s'en inspirer pour créer sa propre voie . J'y entends les Beatles de "when i'm sixty four" ou les Kinks de Village Green, mais si vous vous attendez à ce que ça sonne exactement pareil vous pourriez être déçus. On y croise de la variété, de la pop, de la bossa, et même un morceau assez rock (l’étonnement musclé "un jour dans ma vie") dans un ensemble pourtant très cohérent.
La première chanson (après un très bon instrumental) risque de faire le tri entre les motivés et ceux qui ne le sont pas. "Quand je serai grand" est écrite du point de vue d'un enfant et chanté d'une voix de crécelle, le résultat est curieux, on n'est pas tout à fait à l'aise car impossible de savoir comment placer ce morceau par rapport à ce que l'on connait... Pourtant si on s'accroche on peut en saisir la douceur et la fragilité, les arrangements à l'économie sont vraiment jolis, ce titre donne le ton pour les autres: un espèce de disque de pop inclassable mais profondément original et personnel. Parfois on se rapproche plus des standards pop comme sur le très réussi "les lutins" et ses très belles harmonies pas si éloignées du CSN&Y mais le disque est vraiment une sorte d'anomalie, il est intemporel et unique. Parfois il se plante en beauté, mais à d'autre ça fonctionne et le charme opère. Aussi loin que je me souvienne atteint ainsi par instant des hauteurs rarement atteint en matière de pop française. Il faut par exemple écouter le superbe "une vie" , sur un rythme de bossa langoureux , les arrangements sont légèrement psychédéliques, fait avec beaucoup de tacts et de justesse, le rendu est saisissant. J'adore aussi "chagrin d'amour", le début à la guitare sèche est vraiment trop cool, et encore une fois les arrangements sont remarquables, les cuivres apportent une touche très particulière. Il s'enchaine parfaitement avec le très beau "les temps ont changés".
Aussi loin que je me souvienne est un disque pop aussi curieux qu'ambitieux, il ose être subtile voir ce que certains qualifient de mièvres. Le Système a cette capacité à laisser aller, se mettre à nu, ne pas chercher à faire à tout prix du bruit ou la musique la plus compliquée possible. Ils dépassent ça, essaient de faire leur truc pour un résultat s'approchant parfois du grandiose. L'ensemble dégage un charme et une singularité véritablement unique.
Je vous invite à lire la chronique rédigée par notre pote Alexandre sur son blog Somewhere there is music. Il y a aussi une biographie bien faite sur rock made in France. L'album a été (très bien) ré-édité par le label espagnol Wah Wah Records.
la réédition Wah Wah sur la platine!
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