J'avais découvert un peu par hasard les Freluquets en me baladant dans les méandres du net (la chronique du premier album). Quel dommage qu'un aussi beau groupe indie-pop français soit à ce point ignorer de nos jours, à RPUT on voulait leur rendre hommage et on s'est dit qu'interviewer Philippe Lavergne de la formation serait vraiment trop cool. On a eu de la chance il a accepté et c'est une fierté pour nous de pouvoir aujourd'hui vous en faire profiter, on espère que ça aidera à faire découvrir ce super groupe.
Salut Philippe, comment es-tu tombé dans la musique pop ?
Mes parents, qui se sont rencontrés dans un magasin de disques à Paris, avaient beaucoup de 45 tours à la maison (Beatles, Beach Boys, Rare Bird, Cat Stevens, etc.), les hits de l’époque surtout donc j’ai toujours baigné dans la pop (on écoutait aussi beaucoup la radio, RMC en particulier, quand ils y passaient encore de la musique) et à mon avis, pour qu’une chanson soit réussie il faut que l’on puisse en retenir la mélodie.
Quel(s) groupe(s) t'a (ont) donné envie de faire de la musique ?
J’ai eu la chance d’avoir des frères qui achetaient beaucoup de disques (notamment des imports d’Angleterre) à la fin des 70’s et au début des 80’s et qui lisaient le NME donc nous étions au courant de ce qui se faisait de bien dans ces années.
The Jam me faisaient rêver mais me paraissaient inaccessibles (trop forts !), j’aimais beaucoup The Clash aussi mais ce sont The Chords, dont je suis un grand fan, qui m’ont poussé à prendre la Fender Musicmaster de mon frère Christophe et former un groupe. Leur énergie, quatre musiciens (le nombre de membres parfait à mon avis), les mélodies (encore !), la Rickenbacker 330 du chanteur Billy Hassett, un batteur fantastique, les photos du verso de l’album (« So Far Away »), un disque qui a bien vieilli en plus, tout ça m’a séduit, au grand dam de mon frère Christophe d’ailleurs qui les aborait.
As-tu eu d'autres groupes avant les Freluquets ?The Jam me faisaient rêver mais me paraissaient inaccessibles (trop forts !), j’aimais beaucoup The Clash aussi mais ce sont The Chords, dont je suis un grand fan, qui m’ont poussé à prendre la Fender Musicmaster de mon frère Christophe et former un groupe. Leur énergie, quatre musiciens (le nombre de membres parfait à mon avis), les mélodies (encore !), la Rickenbacker 330 du chanteur Billy Hassett, un batteur fantastique, les photos du verso de l’album (« So Far Away »), un disque qui a bien vieilli en plus, tout ça m’a séduit, au grand dam de mon frère Christophe d’ailleurs qui les aborait.
Des groupes de lycée (Spasme, Vision Flash, Parade) dans lesquels je jouais de la batterie puis Furythme où je tenais le rôle de leader pour la première fois, à la guitare et au chant. Je voulais écrire et être sur le devant de la scène ! J’avais 19-20 ans. Mon tout premier enregistrement (un album autoproduit enregistré en 4 pistes, sorti en K7) date de cette époque. Ce sont sur ses cendres que sont nés les Freluquets.
Qu'est-ce qui t'a poussé à monter les Freluquets ?
La 4e (!) formation de Furythme commençait à connaître de nouveaux problèmes de personnel (guitariste démissionnaire, batteur « hédoniste ») donc on a décidé qu’il fallait tout changer.
Comment se sont formés les Freluquets ?
Je suis parti en vacances à Bristol en Angleterre en 1986 et ce fut la révélation ! En assistant aux concerts de Tallulah Gosh, Razorcuts, Mighty Mighty, Chesterfields, entre autres, en me rendant plusieurs fois par semaine chez le génial disquaire Revolver, et en enregistrant sur cassettes la collection de singles impeccable des amis qui m’accueillaient j’ai trouvé l’inspiration. Je retrouvais chez ces groupes plusieurs choses que j’aimais : l’essence véritable du punk (DIY), une certaine innocence en plus, une esthétique (mélange des mods et des punks, on pouvait aimer The Jam et The Clash), une insouciance peut-être, en tout cas une absence de cynisme bienvenue. Et avec des chefs de file comme Orange Juice, Hurrah !, The Smiths, ou Jesus And The Mary Chain, ce mouvement ne pouvait que me plaire….
A mon retour en France, comme on ne trouvait pas de second guitariste, ma copine de l’époque a appris toute seule le clavier pour intégrer le groupe, et on a cherché un chanteur pour que je puisse me concentrer sur la guitare. Le seul que l’on ait vraiment auditionné, Luc Miquel, un collègue de travail, fut le bon. Il correspondait tout à fait à ce que l’on essayait d’être : un groupe pop, avec de l’humour et de l’énergie. On a galéré pour le nom et c’est une autre collègue de bureau qui sans le savoir (et en m’insultant) a trouvé celui que nous cherchions depuis des semaines : les Freluquets.
Vous venez de Perpignan, comment était perçue l'indie-pop là-bas, et ailleurs?
A l’époque Perpignan était une ville essentiellement rock, quasiment rétrograde dans son attitude vis-à-vis de la musique. C’est le sud, on est loin de la capitale et des modes (mais c’est la capitale des mods). J’ai d’ailleurs formé les goûts musicaux de la plupart des membres du groupe avec moultes compilations-cassettes, pour qu’ils s’imprègnent de l’esprit de ce que je cherchais à créer. Donc l’indie-pop n’était appréciée que par une poignée de clients du disquaire Lolita (qui sortira notre 45 tours) chez qui l’on pouvait se procurer les imports, britanniques surtout, de Danceteria. Perpignan donc ne nous trouvait pas assez « rock » mais Toulouse, avec sa population étudiante, était plus réceptive.
Chanter en français était-il un objectif dès le départ ?
Tout à fait. Je ne voyais pas l’intérêt de chanter en anglais alors que nous étions (et sommes encore) français. Nous n’aurions pas pu traduire notre humour et nos préoccupations dans la langue de Shakespeare. En plus nous n’avions ni le niveau ni l’accent pour ça ! Et personne en France ne chantait ce que nous voulions entendre (à part Gamine un peu plus tard), donc autant le faire nous-mêmes. J’ai quand même écrit ma première chanson en anglais « Love Story » deux ans après la création des Freluquets, en partie parce que jétais sorti avec une Anglaise (Cathy Williams, si tu lis ces lignes…), et parce que j’essayais de m’inspirer de « Frans Hals » de McCarthy. Par contre sur scène on reprenait « Felicity » d’Orange Juice, « Unionize » des Redskins, « The Model » de Kraftwerk, « Police On My Back » des Equals, « Daddy Cool » de Boney M et « Boy About Town » des Jam.
Qu'apporte, selon toi, le français à une formation comme la vôtre ?
C’était essentiel. Encore une fois nous n’aurions pas pu nous exprimer ou faire passer quoi que ce soit de vrai, d’honnête (ce qui était super important pour nous) dans une langue que nous ne maîtrisions pas. Les textes étaient souvent le fruit de conversations que l’on avait entre nous ou avec nos amis, d’idées que nous échangions, de séries ou de films que nous regardions donc étroitement et logiquement liés à notre langue.
Etais-tu chargé d'écrire les textes? Chez qui puisais-tu ton inspiration ?
N’importe qui dans le groupe pouvait écrire, il fallait juste que les textes plaisent à tous et qu’ils soient bien écrits. Comme je composais tous les morceaux j’écrivais plus que les autres mais les textes de Luc et de Cécile étaient également bien accueillis et jétais bien content qu’ils s’y collent aussi.
Paradoxalement mon inspiration ne venait pas du tout de chanteurs ou de groupes français mais de gens comme John O’Neill, Pete Shelley, Paul Weller, Edwyn Collins, Malcolm Eden, tous britanniques. Ils me « parlaient » davantage que n’importe lequel des musiciens français, toute génération confondue. Même si j’aimais Bijou, les titres en français des Dogs et Warum Joe.
Paradoxalement mon inspiration ne venait pas du tout de chanteurs ou de groupes français mais de gens comme John O’Neill, Pete Shelley, Paul Weller, Edwyn Collins, Malcolm Eden, tous britanniques. Ils me « parlaient » davantage que n’importe lequel des musiciens français, toute génération confondue. Même si j’aimais Bijou, les titres en français des Dogs et Warum Joe.
Comment s'est passé l'enregistrement de votre premier 45 tours "De Nos Jours" en 1987 ?
Nous avons remporté un tremplin rock co-organisé par le disquaire Lolita et la défunte radio locale RMS (chez qui j’avais une émission hebdomadaire) dont le premier prix était l’enregistrement et la fabrication d’un 45 tours. Nous sommes allés à Toulouse au studio Condorcet, si mes souvenirs sont bons, pour y enregistrer pendant 2 jours. On nous a mis dans un petit studio avec un 12 pistes digital Akai et un assistant mais comme on n’y connaissait pas grand’ chose c’était génial et l’ingénieur s’est avéré très réceptif et ouvert. Donc que de bons souvenirs même si l’on a bu le pire vin de notre vie dans le resto routier en face du studio.
Quels ont été les retours sur ce disque à l'époque en France, à l'étranger ?
Le retour principal en France fut la bonne chronique dans les Inrocks bien entendu, et dans les fanzines comme In The Rain qui nous apportèrent des « fans » dans des régions où nous n’avions pas encore mis les pieds. Par contre aucune idée d’éventuels retours à l’étranger, à part une approche furtive et infructueuse d’un label espagnol. L’internationale indie-pop n’était pas encore née malheureusement.
3 ans s'écoulent entre le 45 tours et le premier album La Débauche (1990), que s'est-il passé pendant ce laps de temps ?
Virgin nous a fait venir à Paris pour discuter et on devait faire la 1re partie de Black (« It’s A Wonderful Life ») au Casino de Paris mais cela n’a rien donné. Ensuite notre batteur Rodolphe est parti s’y installer et cela a ralenti le groupe. Je n’imaginais pas les Freluquets sans lui donc on devait lui payer l’avion pour qu’il nous rejoigne à chaque concert et les autres membres du groupe en ont pris ombrage. Je traversais en plus une période de doute et de frustration : on avait fait le tour dans le sud et on ne jouait nulle part ailleurs, j’avais l’impression que j’étais le seul à progresser et mon entourage me poussait à virer Luc, notre chanteur au comportement de plus en plus « rock ‘n’ roll ». Le remplaçant de Rodolphe n’était pas à la hauteur et après la première partie de Julian Cope (avec Mike Joyce des Smiths) à côté de Toulouse le 11 novembre 1988, j’ai décidé de rejoindre Rodolphe à Paris et de reformer le groupe là-bas. Entre-temps nous avions travaillé sur des démos et encore gagné l’enregistrement d’un 45 tours (que les Inrocks ont moins aimé cette fois) lors d’un tremplin à Toulouse en 1988 mais le disque n’est jamais sorti. Les bandes et la pochette ont disparu à tout jamais.
Vous avez dû repartir de zéro à Paris ?
Avant que je n’arrive à Paris Rodolphe avait déjà trouvé un bassiste, Patrice Rul, et un chanteur ténébreux, Stoyan C. On voulait surfer sur le succès d’estime de « De Nos Jours » et on a donc eu la mauvaise idée de garder les Freluquets comme nom de groupe alors que l’esprit et les aspirations n’étaient plus les mêmes. Sans parler des 3 membres que l’on avait abandonnés à Perpignan ! On ne jouait d’ailleurs que deux chansons du précédent répertoire : « Du Sable Dans Mes Chaussures » (sur « Discorama ») et « Love Story » (sur « La Débauche »). On a répété pendant des mois plusieurs fois par semaine pour créer de nouveaux titres, avec les textes de Stoyan principalement. Rodolphe insista pour que je ne sois plus le seul « patron ». En bon démocrate j’ai assez facilement accepté (un certain temps…). Pendant les premiers temps je squattais à droite à gauche chez des amis, j’étais au chômage et sans argent, il faisait froid, j’étais loin de ce que les Anglo-Saxons appellent ma « comfort zone ». Mais c’était Paris !
La perception de votre musique autour de vous (concerts, etc.) était-elle différente de celle de Perpignan ?
Complètement ! A Perpignan notre public nous connaissait bien puisque nous étions de la même ville et que nous fréquentions les mêmes endroits. Les concerts dans le sud étaient de vraies fêtes après lesquelles souvent on buvait et on riait beaucoup. Notre « following » s’appelait d’ailleurs le Tequila Sporting Club.
A Paris ou en Bretagne où l’on a beaucoup joué, le côté festif propre à notre esprit sudiste a disparu au profit d’une meilleure maîtrise musicale et les textes de Stoyan étaient bien plus introspectifs que ceux que l’on pouvait écrire auparavant. L’attitude a donc bien changé à tous les niveaux.
A Paris ou en Bretagne où l’on a beaucoup joué, le côté festif propre à notre esprit sudiste a disparu au profit d’une meilleure maîtrise musicale et les textes de Stoyan étaient bien plus introspectifs que ceux que l’on pouvait écrire auparavant. L’attitude a donc bien changé à tous les niveaux.
Comment avez-vous signé chez Rosebud ?
Dès que Rodolphe, Stoyan, Patrice et moi avons eu assez de morceaux nous les avons enregistrés en 8 pistes et grâce au fanzine In The Rain qui nous aimait bien nous sommes entrés en contact avec Alan Gac qui nous a signés très vite. On a dû être la 2e signature de Rosebud je pense. On s‘était mis entre-temps à la recherche d’un guitariste lead pour étoffer notre son et Denis Colson est arrivé. L’album a suivi assez vite.
Parle-nous de l'enregistrement de "La Débauche"
Pas un super souvenir car il a été baclé et je trouve toujours le son pourri : 4 sessions de 8 heures dont la moitié passée à enregistrer la batterie ! Rodolphe nous faisait une petite crise de manque de motivation dont il avait le secret (cela se reproduira avec « Discorama »).
Petit budget, petit studio, ingé son pas motivé car cela se passait entre Noël et le jour de l’an, formation qui se cherche encore, pas assez de chansons pour ne choisir que les meilleures, bref pas les conditions idéales.
J’espérais autre chose, cela ne correspondait pas à mes rêves. J’aime encore la plupart des chansons quand même et les Inrocks l’ont inclus dans leur liste des classiques français des 90’s donc il y a du positif malgré tout.
Quelles ont été les évolutions musicales importantes entre le 45 T et l'album selon toi ?
L’implication de Rodolphe dans la composition de certains morceaux et l’apport de Denis et sa Gibson 335. C’était le Maurice Deebank français tout simplement et c’étaient nous qui l’avions ! Ensuite, la petite guéguerre d’égos qui s’est vite déclarée dans le groupe entre les guitaristes : même si nous aimions tous deux la pop et des musiciens comme Tim Gane et Jeremy Kelly (Lotus Eaters, Wild Swans), nous étions souvent en désaccord (surtout lui). Cela s’est ressenti dans les compositions. Stoyan avait sa propre approche/démarche également donc on n’allait pas tous forcément dans la même direction, alors que la formation perpignanaise était beaucoup plus unie.
Quelles ont été les réactions à la sortie ?
Plutôt bonnes puisque les ventes ont été honnêtes pour un groupe de notre niveau. L’album a été chroniqué positivement à peu près partout et encore une fois l’appui des Inrocks et de Bernard Lenoir qui joua en avant-première le flexi du morceau « La Débauche » a été déterminant dans notre petite carrière. Lenoir nous invita souvent dans son émission par la suite et nous enregistrâmes deux sessions pour lui (une pour Europe 1, l’autre pour France Inter). Best ne voyait pas trop où l’on voulait en venir mais au moins ils en ont parlé… Il y avait une nouvelle vague de groupes français au même moment (voir la compil « Contresens » initiée par les Inrocks) et on s’est laissé porter par elle. Je pense encore aujourd’hui que nous étions les plus intéressants du lot.
La suite demain mes chers amis !
2 commentaires:
"Virgin nous a fait venir à Paris pour discuter et on devait faire la 1re partie de Black (« It’s A Wonderful Life ») au Casino de Paris mais cela n’a rien donné."
A mon avis on doit pas visiter un casino pour discuter qqch. Il est créé pour s'amuser et gagner de l'argent. Mais pour faire cela vous ne devez pas quitter votre maison, il y a https://casinority.com/canada/fr/ à l'aide de quoi vous avez la possibilité de rester chez vous, gagner de l'argent et etre anonyme, si c'est grave!
Abigail ma cocotte, le Casino de Paris est une salle de concert.
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