samedi 6 octobre 2012

Conjuguons La Pop #04 : Interview avec Mehdi Zannad

A Requiem Pour un Twister on a adoré l'album de Mehdi "Fugue" et l'idée d'une interview était dans nos projets depuis pas mal de temps, l'idée du dossier "conjuguons la pop" était l'occasion idéale que nous attendions pour discuter avec Mehdi. Ce n'est bien sûr pas sa première participation à ce blog puisqu'il avait répondu à un de nos questionnaires il y a 5 ans, et puis plus récemment avait participé à notre dossier sur les compilations.

Salut Mehdi , pourrais-tu te présenter à nos lecteurs qui ne te connaîtraient pas ?
J'ai sorti plusieurs disques en anglais sous le nom de Fugu : ça a commencé par une série de 45 tours sur des labels indépendants dans les années 90, puis un E.P et deux albums. Le troisième L.P. s'appelle "Fugue", il est sorti sous mon nom propre, pour marquer le coup, car c'est mon premier album en français.

Je sais que tu as une formation en architecture, penses-tu qu'il existe des similitudes avec la composition ?
Les chansons sont des objets, on peut les décrire par des termes qui les rendent palpables, physiques. Donc oui : l'inspiration est le premier élément ; viennent ensuite la structure et l'habillage.
En musique la production peut se construire dans le chaos ; en architecture, les enjeux financiers sont tels que rien n'est laissé au hasard dans la mise en œuvre.
Ce qui lie très fortement les deux disciplines est qu'en fin de processus, on doit retrouver l'idée première, le désir initial, même si on emprunte des chemins détournés et qu'on fait travailler des intervenants multiples.

Ta démarche artistique évoque celle de Todd Rundgren ou Emitt Rhodes, t'en sens-tu proche ? as-tu d'autres personnes que tu admires et qui t'inspirent ?
Ils ont cette faculté qui m'intéresse, à visualiser l'ensemble d'une chanson, à la produire, à l'arranger et à l'interpréter. Un peu comme un peintre, qui contrôle tout le processus. C'est le chemin le plus court pour arriver au public.

Je crois que malgré les filiations évidentes avec une certaine forme de pop, ta musique échappe au "pastiche" et aux citations trop délibérées, est-ce quelque chose qui te tient à cœur (de ne pas sonner à l'identique) ? 
Depuis le début c'est ma première exigence pour l'écriture : ne pas emprunter aux autres, donc ne pas remercier. C'est une question d'affirmation (à quoi bon écrire des chansons sinon ?) mais aussi de respect pour ce qui existe. Comme j'ai choisi la voie très empruntée de la pop, le moindre faux pas est traqué par les vrais fans de cette musique (dont je suis).
Ça me donne aussi l'impression, quand je trouve quelque chose, d'être un "happy few" qui a le droit de puiser dans une sorte de réserve secrète de mélodies inédites.
C'est différent pour la production : tout est permis, c'est une question de dosage. Cependant quand la chanson est bonne on "entend" les arrangements à l'avance.

Fugue est sorti depuis environ un an maintenant, quels retours as-tu eu sur ce disque ?
Plutôt bons à la sortie, malheureusement le single n'est pas passé en radio donc le cap de la confidentialité n'a pas été franchi. Par contre il y a un petit public très fan du disque, qui me cite régulièrement les paroles de Serge (Bozon, NDR).


Sur cet album comme sur le précédent tu as travaillé avec Xavier et Pédro de Tahiti 80, comment s'est faite la connexion au départ ?
On s'est connus à l'époque de Puzzle, mon premier album venait de sortir. Médéric m'avait écrit une lettre (ça se faisait encore à l'époque) dans laquelle il me demandait de chanter "Walk Away Renee" avec eux à la Boule Noire ; j'ai décliné, car n'étant jamais monté sur une scène de ma vie, j'étais terrorisé. A l'époque il y avait très peu de groupes français qui s'inspiraient des Left Banke et chantaient en anglais, ça nous a vite rapprochés.
Avez-vous travaillé sur ces deux disques de la même manière ?
Pour "As Found", on a tout fait dans un esprit "power pop" en un mois et demi, dans le même lieu (Tahitilab) et le mix était extérieur (Tony Lash) ; pour "Fugue", on a enregistré les bases ensemble, j'ai complété chez moi en demandant quelquefois des validations à Xavier et Pedro ; j'ai pu entrer dans le détail des arrangements, ce que je n'avais pas fait depuis "Fugu 1".

Tes deux premiers albums étaient en anglais, pour Fugue, tu adoptes le français, la transition a-t-elle était difficile entre les deux ?
Oui, c'était assez crispant, car j'avais les mêmes morceaux en anglais. A chaque texte je me demandais à quel moment j'allais craquer et si on atteindrait la durée d'un album entier ; heureusement, ça fonctionnait à l'épreuve du chant.
Il y a eu des difficultés pour "Au Revoir" et "Paresse", mais Serge ne s'est pas découragé et a proposé d'autres versions.

As-tu cherché l'inspiration pour le phrasé, le placement de voix chez d'autres artistes francophones ?
Non j'ai vraiment chanté comme je le fais en anglais, chaque syllabe dans sa case ; le phrasé s'est mis en place tout seul.

Tu avais déjà fait un titre en français sur ton premier album, avais tu essayé d'en faire d'autres à l'époque ?
Il y en avait un sur mon premier E.P aussi, c'était une façon de montrer mes origines, car mes disques étaient plus écoutés à l'étranger qu'en France.
"As Found", c'était vraiment un "produit" anglo-saxon, il fallait effacer toutes les traces non globales.

Comment s'est déroulé la collaboration avec Serges Bozon ?
Il a été surpris par ma demande, il ne se voyait pas parolier, mais j'ai voulu reproduire la magie de "l'Allemagne" sur un album entier.
Ce n'est pas trop dur de confier l'écriture des textes à quelqu'un d'autre ?
Pour le français, je préfère ne pas m'impliquer, je trouve la langue anti musicale, trop intellectuelle dans l'instant de l'écriture, la mélodie a tendance à s'infléchir pour faire place aux paroles, à chercher à faire sens.
Mais au moment de l'interprétation c'est différent, elle devient une matière malléable.
Vous aviez travaillé ensemble sur la France, comment vous vous êtes rencontrés ?
J'avais vu Mods qui m'avait beaucoup impressionné ; j'ai absolument voulu que Serge réalise le clip de "Here Today".
Est-ce lui qui t'a conduit au français ou était-ce une de tes envies ?
C'était une envie et le déclencheur a été la composition de chansons pour "la France" à partir des textes de Serge.
Tu as pris ton nom cette fois-ci, est-ce une volonté de ta part de te présenter le plus honnêtement possible ? le français fait-il partie de cette même démarche ?
Oui, c'est comme si j'enlevais le dernier rempart, d'où ma photo sur la pochette. Je n'ai écrit aucun des textes, mais bizarrement je suis persuadé que ce sont mes mots que je chante.

Il y a t il des gens avec qui tu rêverais de collaborer ?
Paul McCartney ; j'avais appris il y a 20 ans qu'il voulait ouvrir une école de musique, j'étais prêt à m'inscrire dans l'espoir de lui faire écouter mes chansons.
Écrire pour Françoise Hardy ou France Gall me plairait bien.

As-tu déjà composé / enregistré de nouveaux morceaux ?
Oui, j'ai commencé à enregistrer quelques titres.

Je sais que tu es un grand amateur de musique, quels sont tes dernières découvertes ?
En ce moment j'écoute Lawrence Arabia, Athanase Granson, les Humblebums (le premier groupe de Gerry Rafferty), Donnie & Joe Emerson, "the 1971 sessions" d'Alex Chilton, le dernier album de Brendan Benson.

On retrouve Mehdi demain avec une chronique de son dernier album, l'occasion de revenir sur ce superbe disque passé que trop inaperçu à notre avis.

Les deux photos sont de Mathieu Zazzo.

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