Bernard Ilous ne sera pas un
illustre inconnu pour les lecteurs fidèles de ce blog. Il y a quelques mois, Alexandre
évoquait déjà son aventure musicale avec Patrice Decuyper – fugace
collaboration qui donna notamment naissance à un album magistral en 1972. Suite
à la dissolution du duo, Bernard Ilous récidive en 1974 avec un disque solo. De
toute sa carrière de musicien de l’ombre (il écrit et enregistre pour de
nombreuses vedettes de la variété, googlez pour voir), celui-ici demeure fort
malheureusement le seul signé sous son seul nom. Tout comme le Ilous
& Decuyper, il parait chez la remarquable maison d’édition
phonographique Flamophone. Avant de toucher deux ou trois mots sur l’album, il
me semble judicieux d’évoquer le label (qui mériterait un article à lui seul
tant son histoire peu banale s’émaille de pépites).
Flamophone est fondé à la
toute fin des années soixante par Claude Puterflam, chanteur du SystèmeCrapoutchik, une formation pop exemplaire qui n’obtint malheureusement jamais
le succès mérité. Maison modeste mais sincère, le principal fait d’arme de
Flamophone réside dans la création d’une ambitieuse hybridation de la variété
française et de la pop anglo-saxonne. Par cela, j’entends une musique
francophone – forcément – et possiblement grand public, traduisant à sa manière
l’univers psychédélique ou progressif de nos voisins d’Outre-Manche (au-delà du
style vestimentaire, là où bloquait la plupart des idoles franchouillardes des
seventies). Dans un monde juste, ses
productions soignées et au goût sûr auraient dû servir de mètre étalon dans le
paysage musical hexagonal… Bien entendu, son catalogue n’est pas exempt de
quelques belles branquignoleries, les 45 tours solo de Claude Puterflam en tête
(mais également Confidence Pour Confidence de Jean
Schultheis !). Celles-ci permirent, sans doute, de faire perdurer la société
durant les années de vache maigre. Chez Flamophone, se croisent des têtes bien
connues dans le monde des requins de studios (dans le sens noble du
terme) : Bernard Ilous donc, mais également Jean-Pierre Alercen, Bernard
Lubat, Christian Padovan… Pour ne citer que quelques noms qui concernent
l’objet de ce papier. Pas des manches, en somme.
En 1974 donc, Bernard Ilous offre
un exemple brillant des merveilles qui pouvaient aboutir du travail de Flamophone.
Si le songwriting évoque à certains moments Michel Polnareff (Chanson
chagrin) ou Michel Berger (Les yeux ouverts), la première
qualité de l’album réside dans sa force introspective. Bernard Ilous nous fait
pénétrer dans son univers embrumé, parfois inquiétant mais jamais pour
longtemps. Sa pop douce et aérienne (voire gentiment cosmique, sans être
pompeuse) plonge l’auditeur attentif dans un étrange sentiment de sérénité, de
torpeur presque. La seconde qualité du disque se trouve dans les arrangements
audacieux, presque « expérimentaux » par moments (toutes proportions
gardées). Ce travail d’orfèvre s’illustre en particulier sur l’instrumental du
disque (Rondeau). Il n’obtint qu’un succès commercial très limité
et n’a, à ce jour, contrairement à l’album avec Decuyper, jamais connu de
réédition. Bernard Ilous publia également une poignée de 45 tours durant la
première moitié des années soixante-dix, mais je ne les connais pas.
5 commentaires:
Oui, une réédition serait bienvenue, accompagnée du 2nd album resté inédit !
Je ne suis pas le seul à attendre une réédition, on dirait... J'ai contacté des maisons de rééditions reconnues, mais elles ne réussissent pas à avoir les droits. Et maintenant que j'entends parler d'un inédit, c'est deux fois plus d'attentes!
C’est le musicien Julien Gasc, en visite à Montréal l’an dernier pour donner un concert, qui m’avait fait découvrir ce disque superbe! Il me l’avait d’ailleurs suggéré alors que je lui faisais découvrir le dernier album de la discographie du groupe québécois Harmonium, intitulé l’Heptade. Vrai qu’à plusieurs égards, il y a des élans qui se ressemblent entre les deux disques, même si l’Heptade baigne dans une ambiance plus progressive et grandiloquente (c’est le moins qu’on puisse dire de cette véritable « fresque »). À découvrir si ce n’est pas fait déjà.
Très bel album découvert en 78, rempli de douceur et de rêve... dommage que l'on ne puisse plus se le procurer.
Un merveilleux album qui a bercé ma jeunesse, mes sœurs l'écoutait en boucle, c'est un des meilleurs albums Français des 70'S à ranger à coté de Mélody Nelson, du meilleur de Julien Clerc, Polnareff ou Michel Berger. A chaque fois que je l'écoute je plane et il à présent disponible en streaming. La question à laquelle je ne trouve pas de réponse, qu'est devenu Bernard Ilous? Encore vivant? Il mérite une vrai réhabilitation tant cette album est unique et d'une incroyable richesse.
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