mardi 24 janvier 2017

Jean Karakos: BYG

Hier nous apprenions le décès de Jean Karakos, fondateur de deux des plus grands labels indépendants français à n'avoir jamais existé: BYG et Celluloïd. Je ne pense pas être la personne la plus apte à faire une biographie digne de ce nom à ce personnage hors norme de la pop française, à ce titre je vous recommande les textes de Rock Made In France et Libération permettant d'entrevoir la la vie fascinante de cette figure iconoclaste. À défaut de savoir comment appréhender la personne dans son essence, il m’apparaissait important de revenir sur certaines de ses grandes aventures qui façonnèrent la pop française que j'aime et défend ici et ailleurs. D'une certaine manière, comme pour Pierre Barouh (Saravah), le paysage underground français ne serait pas exactement le même sans des gens comme Jean Karakos... le mainstream non plus d'ailleurs !

BYG
Le label fut créé en 1967, selon la légende le nom reprend les initiaux de ses trois fondateurs à savoir Fernand Boruso, Jean Luc Young et Jean Georgakarakos. Le premier fut précédemment collaborateur de... Saravah (le monde est petit), il partit en 1969.
Jean Luc Young initia au moins deux labels avant BYG en plus de travailler à la distribution chez Barclay. Le premier, les Disques Young ne comporte qu'une seule sortie: le classique french beat El Camel des Falcons. Il créa également Disc Young, structure qui licencia deux productions anglo-saxonnes de Pentagle et The Mohawks. Deux réalisations faites en compagnie d'un autre label.... Joc créé par ... Karakos. Ce dernier monta tout d'abord l'éphémère Star Success dont selon toute vraisemblance il doit exister une dizaine de références oscillant entre musique cubaine et twist (Billy Watch, Eddy Burns, Gilbert Brun,  Pepe Luiz), puis Joc, label orienté vers les licences de disques de blues et folk (Pete Seeger, Woody Guthrie, Lightin' Hopkins etc.).


BYG, à ses origines, continua cette politique de licence notamment dans les premières années de son existence. Le label réédita en effet des disques de jazz (séries The Jazz Collection, Jazz Masters ou encore The Archive of Jazz) tandis qu'en parallèle il prenait chez des labels anglais ou américains des nouveautés de groupes aussi diverses que Sly and the Family Stone ou les plus obscurs Jasmin-T... BYG développa aussi son propre catalogue autour de différents axes. La venue de Claude Delcloo (qui remplaça Boruso) impulsa une orientation free jazz notamment via la collection Actuel, du nom du magazine fondé par le même Delcloo. L'identité visuelle de la série a marqué toute une génération: un layout blanc, une photo ou un dessin bordé de gris, le A stylisé en haut à droite, le titre à coté à gauche...L'ensemble constitue presque un who's who du jazz avantgardiste: Don Cherry, Art Ensemble of Chicago (qui résidait à l'époque à Paris), Sun Ra ou encore Archie Shepp pour citer les noms les plus connus. Autre élément moteur du catalogue: le rock underground français. Gong, la formation mythique de Daevid Allen, y publia entre autre son premier LP Magick Brother en 1969 (produit par les trois larrons) de même que la formation progressive Alice , les excellents Alan Jack Civilisation , Cœur Magique et Âme Son


En plus d'avoir parfois utilisé ses studios, BYG partagea certains artistes avec Saravah notamment Areski et Fontaine qui firent des albums pour les deux labels. Les deux structures, bien que sur des versants légèrement différents (rock d'une part, chanson de l'autre) sont peut-être parmi les plus symboliques de l'effervescence de l'époque, moins underground que Futura, plus large dans leur approche, ils catalysèrent ainsi une partie de l'énergie musicale générée par la France post-soixante huitarde (quand tout était encore possible et que Mai 68 n'était pas vu comme une injure...). BYG fut ainsi un jalon important pour la scène underground française et internationale entre 1968 et 1974. Si parfois les disques édités semblent à la limite de la légalité (notamment ceux de la série Faces and Places que je soupçonne d'avoir été alimenté par Gomelksy), le catalogue brille par sa variété, sa fraîcheur, son originalité et ses prises de risques. Il est incontestablement l'un de ceux qui a le mieux défendu le rock français à une certaine époque.

À partir de 1974, Jean-Luc Young et Karakos empruntèrent des voix différentes qui se croisèrent cependant à l'occasion. Nous allons revenir dans une seconde partie (si j'ai le courage de m'y atteler !) sur Celluloïd et d'autres labels de Jean Karakos mais mentionnons pour être complet ce que fit son collègue Young. Il monta le label de rééditions Charly notamment de certains groupes du catalogue BYG parmi lesquels Gong. Ce label est aujourd'hui particulièrement actif (par exemple sur le catalogue du 13th Floor Elevator) et connu quelques beaux succès, tel que Jungle Rock de Hank Mizell en 1976, un morceau initialement édité une vingtaine d'année plus tôt propulsé dans les charts anglais par la grâce d'une réédition...

En complément:
Un article très complet et intéressant sur BYG.
Un article sur le festival d'Amougies (directement lié à l'aventure BYG).
Un sujet sur les indicatifs de Radio Campus où j'évoque le parcours de Gomelsky dont la vie croisa souvent celle de BYG (il était manageur de Gong).

PS: j'ai illustré l'article de vidéos de disques sur ma wantlist :) . Pour l'anecdote: derrière le morceau floating se cache Vangelis, de son coté François Wertheimer pourrait bien être derrière le très étonnant album de Dominique Webb...

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