vendredi 18 mai 2012

Les Coronados - N'importe Quoi (1984)

Il y a un ou deux ans j'ai lu l'ouvrage dirigé par Manœuvre sur le rock français, une grosse déception. C'était donc ça le rock en français? Vraiment? J'ai bien peur de ne pas souvent m'y retrouver dans ce bouquin et pourtant, j'ai qu'une envie: défendre notre langue face à une horde de snobs convaincus que français et rock sont incompatibles.

Plutôt que me lancer dans une diatribe contre cette opinion aujourd'hui fort en vogue y compris chez les "décideurs" (par exemple les mecs qui organisent des événements aussi chiants et peu représentatifs que les Victoires de la Musique) je vais vous parler d'un groupe qui me tient particulièrement à cœur: Les Coronados. Dans mon panthéon personnel quand il s'agit de conjuguer violence avec élégance en français dans le texte au coté des Olivensteins ou Marie et les Garçons (deux autres groupes absolument fabuleux déjà évoqués ici). 

Pour le moment j'ai pas trop eu le temps de me pencher dans leur seconde salve "un Lustre" mais je commence à avoir bien rôdé leur premier album N'importe Quoi sorti en 1984 chez Romance. On ne va pas vous raconter d'histoires: voilà un des meilleurs disques de rock n roll que l'on puisse trouver dans la langue de Joachim du Bellay. 11 brûlots vont vous prendre au plexus vous secouer puis vous relâcher en miette explosés sur le sol en confettis.

Pour situer je dirai que les Coronados pratiquent le garage-rock, mais pas un garage-rock respectueux de la tradition de papa, non un truc violent agressif, et foutrement jouissif. Le chant est languissant, trainant et particulièrement nonchalant, le vocabulaire est simple et sans effet de manche, les Coronados font beaucoup plus avec moins, ils multiplient les pains (dans la gueule) avec trois mots bien sentis. Ils n'ont pas besoin de s’embarrasser d'un vernis prétention littéraire pour épater la galerie, ils ne sont pas là pour ça, ont dépassé ce stade pour envoyer du rock n roll, viscéral et sincère. Derrière le chanteur c'est une orgie de guitare, mais pas de la gratte à papa et du solo de tonton façon Clapton, non de l'énergie en fusion, des amplis au son clair chauffés à blanc, pas de saturation grassouillette, régime protéiné avec la dose de réverb' qui faut pour que tu te sentes bien. Les Coronados envoient du bois, ils sont violents mais toujours avec grâce et un sens de l'économie qui les honorent. Les guitares sonnent merveilleusement bien et les mecs derrière savent s'en servir, les soli sont toujours courts, brefs mais surtout intenses. Ils agissent sur le cerveau comme une drogue qui te rend fou et agressif. Les Coronados ont définitivement un son sur N'importe Quoi, un truc bien à eux avec les guitares bien en avant, une production moderne mais sans gadget. Ils ont le son, et dans 20 ans ce disque continuera de sonner comme maintenant à savoir une dose de charge de rock n roll classieux.

La reprise de Chilton par les Coronados (non présente sur l'album mais d'un EP précédent), est peut être un indice sur leurs inclinaisons personnelles, il relève un besoin de brouiller les pistes, de s'inscrire dans un rock n roll agressif encrée dans une tradition pour mieux la tordre et lui rendre de sa subversion initiale. Plutôt que de faire allégeance aux années 50s 60s, les Coronados reprennent les armes pour les dévier, les pervertir et les raviver comme jamais. 27 ans plus tard, ce disque sonne brillamment, il n'a pas perdu de sa verve, et son venin est encore capable d'empoisonner quelques esprits égarés. Des Coronados je ne sais pas grand choses, de Limoge, rencontrés en prépa d'ingénieur, montés à Paris et intégrés à la scène bouillonnante de l'époque (Didier Wampas prendra à son tour les armes en entendant "revanche" il parait) ils n'en sont pas moins l'un des plus beaux exemples de groupes de rock en français, tout simplement parce qu'ils sont uniques et sonnent comme eux-mêmes.


Les Coronados - j'en veux, j'en veux plus

6 commentaires:

Infrason a dit…

Ah oui, très bon groupe ! Et trop rarement cités :(

Modfather a dit…

Je les ai vus plein de fois à l'époque. Magnifiques sur scène. Leur second album, assez différent, était plein de promesses mélangeant le garage et le meilleur de gens comme Daho. Malheureusement, ce sera le dernier. Pour moi le meilleur groupe de France avec les Dogs.

Anonyme a dit…

Pour ma part la parenté avec Daho me semble tout à fait incongrue.

Sinon au chapitre des reprises on trouve sur cet album du Kevin Ayers et , disséminées sur le 2ème album et sur des compiles du Kinks et du Captain Beefheart ...
Un des tout meilleurs groupes français de tout les temps en effet .

Unknown a dit…

Effectivement un groupe majeur, que j'ai eu la chance de voir sur scène il y a déjà bien longtemps...
Un chant unique, des textes qui racontaient quelque chose et un univers musical riche.
En français, Asphalt Jungle est la seule formation - à mon sens - qui ait été au même niveau.

Anonyme a dit…

Perso, je trouve insupportable ce chant maniéré qu'ils partagent avec les Snipers ou la famille Tandy. Mais bon, c'est un humble avis personnel qui va certainement heurter les afficionados de ces Coronados. Qu'ils excusent le misérable insecte que je suis et qui repart réécouter les Dogs, on n'a rien fait de mieux en France mais c'est en anglais.

Skab a dit…

J'ai vu ces furieux sur scène à Chambéry au début des 80's.
Le bar dans lequel ils jouaient ("Chez Fafa") n'a pas ré-ouvert le lendemain : il a était détruit par le public devenu dingue.
Véridique !