lundi 27 juin 2016

Une petite introduction aux synthétiseurs - les précurseurs

Il y a neuf ans de cela j'écrivais un petit article d'introduction sur la synthèse dans ce même blog (lien). Il était peut-être temps de revenir sur le sujet, préciser certains points et en réaffirmer d'autres par la même occasion. 

Tout d'abord qu'est-ce qu'un synthétiseur ? La question peut sembler a priori stupide, elle ne l'est pourtant pas: le langage courant en donne une bien imprécise définition ! Comme son nom l'indique, dans un synthétiseur il est question de synthèse, le synthétiseur doit donc être capable de ... synthétiser des sons, c'est à dire être capable d'en créer, modifier etc. Pour se faire le synthétiseur fait appel à des technologies différentes. Il existe ainsi de nombreuses synthèses, y compris parfois spécifiques à un modèle particulier. Cependant il est possible de dégager quelques tendances fortes, en fonction des époques, l'occasion de rappeler aussi quelques évolutions, intéressons nous aujourd'hui aux précurseurs.

Les inventions des pionniers
À partir de la fin du 19ème siècle, les ingénieurs, physiciens s'intéressent à l'électricité et à la conduction du son. Cet intérêt aboutit à des inventions majeures au début du siècle suivant: le Théremine (de Lev Termen) en 1917 ou encore les Ondes Martenot (de Maurice Martenot) en 1928. Ces instruments ont des principes de génération du son proches (de mémoire des oscillateurs à haute fréquence) et il est possible de confondre l'un et l'autre sur des enregistrements cependant ils se distinguent très nettement au niveau du jeu. Le son est éminemment fantomatique et pur, il se rapproche de la texture des violons tout en étant plus doux, il évoque aussi les ondes sinusoïdales. 

Le Thérémine est conçu autour de deux axes (antennes): l'un contrôle la hauteur de la note, l'autre son volume. En apparence très simple, il s'agit d'un instrument très exigent à maîtriser (si l'on veut faire autre chose que du bruit avec) mais capable d'une expressivité étonnante. Un exemple. Plus d'informations.

Les ondes Martenot adoptent une interface plus proches des lutheries d'instruments déjà existants à l'époque autour d'un clavier, le musicien bénéficie ensuite d'une pédale pour gérer le volume et d'un ruban pour effectuer des glissando.  Cet instrument est très vite adopté par le compositeur de musique contemporaine Olivier Messiaen.  Un exemple et plus d'informations.

On retrouve aussi dans les années 40 des technologies proches (dérivées des Ondes Martenot) dans l'Ondioline ou le Clavionile, des instruments particulièrement apprécié dans la musique pop et que l'on confond souvent les uns avec les autres... Ains Runnaway de Del Shannon utilise un clavioline (youtube) tout comme Telstar des Tornados (youtube). Good Vibrations des Beach Boys utilise quant à lui une variante du theremin appelé electro-theremin (youtube).

Les orgues
Les orgues électroniques sont une autre étape essentielle, en deux temps, du développement de la synthèse sonore.
À partir des années 30 se développent les orgues électromécaniques, les célèbres orgues Hammond (créés par Laurens Hammond), il s'agit ici d'une génération physique du son (puis généralement amplifié/modifié électriquement) et non électronique. Par exemple, on classe également les pianos électriques (Rhodes, Wurlitzer, Clavinet...) dans cette même catégorie. L'orgue Hammond repose sur les roues phoniques, un principe électromécanique de 91 pignons tournant dans un champ magnétique. Ces roues phoniques évoque la synthèse additive puisqu'elles permettent d'enrichir en harmonique le signal grâce aux fameuses tirettes blanches et noires... L'orgue Hammond est mis en production en 1935 avec comme ambition de remplacer les encombrants orgues des églises à tuyaux. En 1955 sort le modèle le plus mythique de la marque, le fameux B-3 utilisé par un nombre incalculable d'artistes pop, jazz, funk, soul... Ainsi dans années soixante le son chaud des orgues Hammond (B-3 et les autres) figure dans un nombre incalculables de hits depuis The Cat de Jimmy Smith, en passant par Green Onions de Booker T and the MGs, Requiem Pour Un Twister de Gainsbourg ou Gimme Some Lovin' de Spencer Davis Group...

Dans les années 60 apparaissent les combo organs, que l'on peut raisonnablement considérer comme les instruments électroniques parmi les premiers à avoir été massivement diffusés. En effet grâce aux technologies transistor et division de fréquence (en général 12 oscillateurs, 1 par note, qui permettent de couvrir plusieurs octaves, pour en savoir plus), le son est généré électroniquement (l'oscillateur génère une forme d'onde riche) avant d'être filtré globalement (une différence notable avec les polyphoniques où chaque oscillateur dispose de son propre filtre). Comme il y a un oscillateur par note, la polyphonie de l'instrument est totale, cependant ses caractéristiques sonores sont assez limités (une seule forme d'onde, modulation d'amplitude et de filtrage fixe et limitée). Ces orgues furent très populaires dans les années 60 et sont une des caractéristiques sonores les plus saillantes du garage-rock, on les retrouve sur presque tous les classiques du genre (Liar Liar, Incense & Peppermints,...) . Les modèles les plus célèbres (l'anglais Vox Continental, l'italien Farfisa Compact, le néerlandais Philicorda) sont aujourd'hui très recherchés.

À la fin des années 70 la technologie transistor/division de fréquence trouve un second souffle dans les fameuses string machines que l'on trouve également dans un nombre incalculable de disques (Equinoxe de Jean Michel Jarre ou I Feel Love de Donna Summer avec Moroder...). L'astuce pour réactualiser le son a surtout consisté à intégrer de généreux chorus donnant une ampleur et un soyeux inimitables aux criards orgues 60s (que j'adore évidemment). Parmi les modèles les plus connus: Arp Solina, Crumar Multiman, et bien d'autres (Roland RS-202 par exemple)...

(dans lequel on peut entendre une "string machine")

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