dimanche 6 mars 2016

Les Yardbirds: Shapes of things (to come)

L'histoire accorde-t-elle assez de crédits aux Yardbirds, l'une des plus fantastiques formations de la British Invasion ? La concurrence particulièrement rude en Grande Bretagne à l'époque (Who, Kinks, Beatles, Stones, Small Faces, Pretty Things, Hollies, Animals, Searchers...) n'empêchera pas les petits protégés de Gomeslky (récemment décédé dans un relatif anonymat et pourtant quelle figure incroyable!) de placer un paquet de singles dans les charts au milieu des années 60... Des tubes, d'autres groupes en ont  pas mal en même temps mais ceux des Yardbirds sont absolument fantastiques et souvent bien en avance sur les collègues. Entre 1965 et 1966 le groupe est à son zénith créatif, de "For You Love" à "Happening Ten Years time ago" (évoqué ici en 2007 !) les oiseaux publient leurs trois albums majeurs ("For Your Love" "Having a Rave Up" et "Roger The Engineer") et une demi-douzaine de singles parfaits et visionnaires. Le départ de Clapton (après le single "For Your Love") aurait pu précipiter le groupe à sa perte: monsieur veut jouer du Blues, la pop il en fera pourtant plus tard et de la très laide. Le groupe ainsi libéré de son encombrant guitariste puriste finit par dégoter Jeff Beck conseillé par un certain...Jimmy Page (qui intègre le groupe par la suite vers 1966, principalement à la basse même s'il existe un court line-up avec Beck et Page à la guitare !). Le guitariste, sa Fender Esquire (une Telecaster équipée un seul micro) et sa fuzzbox vont contribuer à dynamiter le son du groupe et le repousser au delà de ce que faisaient tous les autres groupes à l'époque.

"Shapes of Things" est l'un de ces singles de la période dorée des Yardbirds. Sorti en février 1966, c'est une composition originale et collective (Paul Samwell-Smith, Keith Relf et Jim McCarty) enregistré entre Chicago (aux studios Chess!) et Los Angeles. La chanson reprend de nombreux codes du groupe: elle alterne les rythmes avec des cassures franches comme les tubes de la formation écrits par Gouldman ("For Your Love" ou "Heart full of soul" ) et possède un passage "rave-up" la marque de fabrique des anglais d' "I a man" à "Train Kept a Rollin". La contribution la plus décisive au morceau ne valut pourtant pas à son auteur un place dans les crédits: un solo halluciné et hallucinant de monsieur Jeff Beck. Ces quelques secondes semblent être à elles seules la matrice du rock psychédélique à venir et font des Yardbirds une influence très légitime du genre. Usant du feedback et de la fuzz comme d'un instrument sur une gamme évoquant les ragas indiens, l'anglais tord le son de la guitare jusqu'à la rendre méconnaissable, toute droit sortie d'un rêve sous psychotropes. Quelle claque ce dût être à l'époque ! On dit que le solo influença Jimi Hendrix et Macca (pour celui de "Taxman"), cela ne serait pas étonnant... Si vous me demandez qui fut le meilleur des trois "grands" dans les Yardbirds, Jeff Beck fut définitivement le plus novateur et le plus imaginatif et donc de loin mon favoris. La chanson fut si emblématique pour Beck qu'il en fit une très bonne reprise sur son premier LP ("Truth") en 1968 avec Rod Stewart au chant dans un registre presque hard rock.


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