jeudi 10 mars 2016

Rotomagus: de la popsike au proto-punk

On reste à Rouen en ce 10 mars.... En 1971 les normands de Rotomagus (Rouen en latin) éditèrent l'un des disques les plus violents de son époque en France, le simple "Fightin' Cock" sur le label Butterfly. Voyons leurs parcours.

En activité depuis 1967 (avec un certain Philippe Lhommet futur Dynastie Crisis dans les premiers line-up !), le groupe édite trois singles entre 1969 et 1971. Au départ sextet avec trois chanteurs le son de la formation est initialement axée sur le travail des voix. Ainsi le premier 45 tours en 1969 évolue dans la pop psychédélique candide et innocente assez typique de l'époque quoi qu'ici peut-être un peu tardive (et encore). Le simple est plutôt chouette et tient bien la route avec une préférence pour la face B et son superbe travail d'arrangement vocal. "Nevada" (youtube) pourrait ainsi évoquer des formations sunshine pop américaine comme The Association et des groupes français contemporains comme Le Système Crapoutchick. Un an plus tard le groupe revient avec l'incroyable 45 Tours "Eros" (youtube) et "Madame Wanda" (youtube), les normands brillent toujours par la qualité de leur travail harmonique sur les voix (une fois de plus en français) mais y ajoutent une certaine folie qui pouvait manquer à leur premier simple. Cette collision entre rock progressif, heavy-rock, psychédélisme et sunshine pop ambitieuse fait des étincelles bien qu'elle soit toujours sur le point de se fracasser et rompre le précaire équilibre créé par un groupe dépassant ses influences. Ce deux titres est véritablement unique et passionnant tant il ne ressemble à pas grand chose connu avant, pendant ou même depuis. En 1971, une  formation resserrée autour du trio des frères Peresse et du batteur Jacky Billaux publient un dernier simple sur le label indépendant Butterfly (chez qui on trouver Cockpit avec un certain FR David !). Si la face B, sympathique, ne suggère pas de commentaire particulier la A "Fightin Cock" est un brûlot d'une violence inédite pour l'époque. Le groupe a abandonné le français et les harmonies, il envoie trois minutes de hard rock proto-punk chauffé à blanc dans un anglais approximatif mais terriblement agressif et hargneux pour l'époque ! Autant dire que ce disque fait passer ceux des collègues de l'époque pour de la gentille came de hippies bien loin de la sauvagerie de ce cri du cœur passionné et déchaîné d'un groupe qui semble avoir besoin de se prouver des choses. À noter qu'il existe d'autres morceaux issu de cette session et ils ont été publiés par Martyrs of Pop il y a 5 ans sous le nom "The Sky Turns Red:  Complete Anthology" (discogs) avec l'ensemble des singles du groupe.


Aucun commentaire: