mercredi 2 mars 2016

Timmy Thomas: ce 45 Tours étonnant que vous auriez tord d'ignorer

Un récent article des Inrocks (pas mal) m'a poussé à écrire le présent texte sur "Why can't we live together" de Timmy Thomas, en espérant qu'il vous amène un point de vue frais et intéressant sur ce classique de 1972 qui sert de base à "Hotline Bling" de Drake.

Entre 1971 et 1973, la collection Special Disc Jockey édita une soixantaine de 45 tours de soul et funk. Ces disques issus de prestigieux labels américains comme Stax (Booker T and the MGs, Isaac Hayes, Rufus Thomas) ou Polydor (James Brown, Lyn Collins) étaient certainement destinés aux surbooms des ados, ils tracent aujourd'hui une certaine vision de la musique rhythm & blues de cette période en France. J'apprécie particulièrement cette série pour les illustrations de ses pochettes ainsi que le layout/code couleur général: ces labels qui avaient des esthétiques différentes aux USA se retrouvaient ainsi à la merci de dessinateurs français tentant d'interpréter le contenue de chansons dont ils ne maitrisaient parfois pas la langue. Le résultat n'est probablement pas très fidèle à la vision des américains mais il donne aujourd'hui à voir un paquet d'illustrations géniales dont celle de l'excellent designer Jean-Claude Trambouze, auteur de plus de 150 pochettes dans sa carrière dont une quinzaine dans la collection en question. Parmi celles-ci vous avez peut-être croisé "Why can't we live together" de Timmy Thomas, un tube unique à bien des égards.

Unique car d'une simplicité étonnante: une boite à rythmes avec des rythmes programmés, un orgue type Hammond et Timmy Thomas chantant passionnément (de la soul forcément) par dessus: c'est absolument tout. On le comprend mieux en se plongeant dans l'histoire du morceau. Initialement l'enregistrement était une démo, le label opta pour la sortir sans la retoucher, il en résulta un son aussi étrange que spartiate qui contribua largement à créer cette atmosphère dénudée et spontanée. Il y eut dans le succès d'une chanson aussi dépouillée certainement un effet novelty (NDR: quand les gens adhèrent à un morceau pour des raisons extra-musicales comme: le coté amusant ou étrange), à cause de la production bien sûr mais aussi de cette encore très inhabituelle - pour l'époque - boite à rythmes qui commençait à apparaître depuis quelques années en accompagnement pour des orgues. S'il est difficile de dater précisément le premier usage de rythmiques programmées dans une chanson pop, deux exemples concourent comme étant les premiers marquants: "saved by the bell" par Robin Gibb (des Bee Gees, ils existaient déjà l'époque et publiaient des tubes pop orchestrés mignons comme "Massachusetts") et "the Minotaur" par Dick Hyman, un instrumental électronique très étonnant pour l'époque, considéré comme le premier tube avec un Moog. Dans la soul "Why can't live together" est probablement un des premiers tubes dans cette configuration, précédée d'un an du classique crados et psychotique de Sly and the Family Stone "There's a riot goin' on" (c'est particulièrement manifeste sur le génial "Family Affair").  Deux ans plus tards Shuggie Otis s'en empara également en créant le culte "Inspiration Information". Dans une logique de réécriture de l'histoire de la pop opérée par les labels de rééditions (une conspiration ô combien dangereuse) on attribua ainsi à cet excellent (et original) album la paternité d'une certaine idée de la modernité qui au fond se trouve déjà en substance dans l'esprit cramé de Sly ou l'innocence de Timmy Thomas deux-trois ans plus tôt...

"Why can't we live together" fut ainsi la première d'une série de chansons dans la même configuration pour Timmy Thomas, aucune autre ne fut cependant un hit aussi mémorable: elles n'arrivèrent certainement pas à recréer la magie du moment d'une prise directe quasi-improvisée sans pression. La face B "funky me" est ceci-dit excellente et constitue une écoute des plus intrigantes en 2016. Publié par Glades, un sous label de TK, les Floridiens firent deux ans plus tard un coup similaire avec le classique disco "Rock your baby" de George McRae, également une démo, également une boite à rythmes, l'histoire pouvait recommencer ! 

  

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