vendredi 25 novembre 2016

Henri Salvador "sex man"

Henri Salvador est un cas à part dans la variété française, il a publié une quantité incroyable de disques et été très populaire pendant plusieurs décennies. On l'imagine généralement en chanteur pour enfants, comique ou au mieux en crooner aux inflexions bossa-nova. Il a été tout cela mais aussi tellement plus...

J'ai pour ma part un faible pour une période méconnue située entre la fin des années 60 et la première moitié des années 70. À cette époque Salvador a son propre label (Rigolo), probablement l'un des premiers labels indépendants français (!) et sort des disques à un rythme frénétique avec la complicité de sa femme Jacqueline (qui gère le business du label: pressage, distribution...). Salvador s'est ainsi presque totalement affranchi du milieu musical français et fonctionne quasiment en autonomie/autarcie. Il continue d'être très populaire et de vendre pas mal de disques notamment grâce à sa collaboration avec les studios Disney mais publie des disques délirants et vite fait en 45 tours à la chaîne. Dans la même logique, il n'est plus dépendant des studios et des musiciens: il enregistre souvent seul dans son home studio situé dans son appartement de la place Vendôme à l'aide notamment d'une boîte à rythmes. Les détails n'ont rien d'anodin: je n'ai pas d'autres exemples d'usage de boite à rythmes en France avant Henri Salvador. Élargissons le spectre: les premiers tubes avec de la boite à rythmes remontent à la toute fin des années 60 et enregistrer chez soit est tout aussi balbutiant (par exemple Something / Anything de Todd Rundgren fut certainement un des premiers, de même que les disques d'Emitt Rhodes...). Henri Salvador dans sa volonté de ne plus être dépendant des maisons de disque a une démarche d'une modernité étonnante et surtout sonne comme absolument personne d'autres à l'époque dans l'Hexagone, un authentique précurseur !

Salvador semble être aussi  sans-filtre et écrit ainsi sur absolument tout et n'importe quoi, c'est notamment le cas de la face A (par ailleurs excellente musicalement) Ah La Garantie Foncière évoquant un scandale financier (comme évoquer sur le très bon article de mon collègue Pol Dodu). La face B est peut-être encore meilleure: Sex Man est un gros délire au texte bien relevé écrit pas le complice de toujours Bernard Michel autour du sexe évidemment. L'époque s'y prêtait particulièrement (l'amour libre, la pilule...) et Salvador avait la réputation d'y être assez porté sur la question, le choix du sujet n'est donc peut être pas si étonnant à l'inverse de l'instrumentation détonante ! Guitare fuzz au son crade, boite à rythmes sous amphétamine, voix perverse... Sur quelques accords jazzy et une mélodie largement pompée sur le thème de Batman, Salvador se lance ainsi dans un inventaire à la Prévert autour du sexe, c'est unique à bien des égards en plus de sonner comme absolument rien d'autre à l'époque en France.

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