lundi 11 avril 2011

Interview: Les Spadassins

Hé bien le temps passe vite, notre dernière interview remonte déjà à 2010, depuis quatre mois se sont écoulés mais nous n'avons pas chômé pour autant, et on est heureux de vous présenter aujourd'hui les Spadassins, une des nombreuses formations super cool que nous envoie à la figure Rennes en ce moment!

Ils viennent de sortir leur premier EP sous forme d'un joli 45 tours 4 titres chez Tryptic. Deux morceaux en français et deux en anglais, trois originaux si j'ai bien compté. J'ai une petite préférence pour les deux titres en français. Diabolique est une reprise francisée de la petite obscurité super groovy "all you" du Sonny Burke Outfit. Les textes prennent des libertés bienvenues par rapport à l'original et sont super réussis, ils apportent une petite touche de folie à cette reprise déjà très bien envoyée, le solo d'orgue est dantesque. Christine est un titre original, il est super très chouette, la voix me rappelle pas mal les 5 Gentlemen, mais derrière c'est un poil plus groovy que nos corses favoris. Les deux titres anglais sont à mon sens un peu moins originaux mais tirent bien leur épingle du jeu. "Pussy cat calls" est dans une veine très british RnB, l'harmonica est inspiré et bien vu. "Black Gloves" est au moins aussi bien que pussy cat calls, je pense même que je la préfère, on reste dans cette veine mod groovy hammond/bongos mais la fuzz amène une petite touche acide du meilleur effet . Ils complètent bien ce très bon 45 qui sort en même temps qu'un ep de reprises de Sheetah et les Weissmüller sur le petit label parisien qui avait marqué les esprits en rééditant le classique des Gypsys "prolétaires".

Et maintenant laissons la parole aux principaux intéressés Docteur Love (guitare), Mr Moustache (bongos) et Captain Beat (batterie).


Qui sont les Spadassins?


Docteur Love : Les SPADASSINS sont des bretteurs, des tueurs à gages qui ne combattent qu'à l'arme blanche. On les rencontre dans les drames romantiques de Musset ou dans la vieille mafia sicilienne. Sinon, nous sommes un groupe mod/soul/freakbeat chic et choc existant sous sa forme définitive depuis novembre 2010.

Monsieur Moustache: Les Spadassins sont six fiers gaillards qui, malgré leur lourd passé, sont aujourd'hui au sommet de leur art. Fred Ernest qui «jouait» dans un groupe de punk, sait aujourd'hui chanter à l'envers et fume des Gauloises. Bloody Bulga, qui collectionnait des timbres du Congo Belge et de république centrafricaine, joue maintenant dans quatre formations sans posséder ni basse ni ampli, Docteur Love, qui pensait conquérir le monde grâce à une année sabbatique octroyée par l'Éducation Nationale, est aujourd'hui encore plus endetté et attend toujours le succès, Captain Beat, qu'un passé militaire a contraint à porter le poil et la chevelure courts, fait aujourd'hui des chorégraphies chrétiennes en jouant de la batterie et imite l'accent québécois comme personne. Zorino, qui se faisait arnaquer par des vendeurs de cuir, se coupe aujourd'hui les cheveux tous les jours et sait réciter l'alphabet en commençant par la lettre K, enfin, moi-même, qui ai osé un jour lointain porter le bouc pendant plusieurs jours consécutifs mais qui aujourd'hui comme mon nom ne l'indique pas, porte des favoris des plus distingués et possède un pantalon que je suis le seul à trouver jaune.

Captain Beat: Les Spadassins sont de gros branleurs ... Certains sont mêmes un peu trop hypeux mais c'est comme ça... En même temps, ils peuvent être branleurs vu qu'on botte le cul de pas mal de groupes. Moi, je ne suis ni branleur ni hypeux, je suis Captain Beat, mon talent et ma modestie m'ont fait capitaine.


Comment sont nés les Spadassins? Sont-ils la "suite logique" des Dadds auxquels certains d'entre vous ont appartenu?

Docteur Love : Le groupe a débuté pendant les chaleurs de l'été 2009 avec les cinq musiciens. Nous avons ensuite été rejoints début 2010 par Charles, vocaliste émérite des COMBOMATIX qui nous a régalé jusqu'au mois de septembre de son organe puissant et granuleux. Il a ensuite quitté le groupe qui a donné son premier concert sous sa forme actuelle en novembre 2010 avec Fred au chant, en première partie du BRIAN AUGER'S OBLIVION EXPRESS. LES SPADASSINS ne sont pas spécialement la suite logique des DADDS, plutôt une suite chronologique. Nous jouons une musique plus soul, groovy, plus mod que les DADDS qui étaient plutôt un groupe garage/yéyé. Qu'ils reposent en paix.

Monsieur Moustache: Au départ il y avait Zorino, Charles et moi, on s'appelait Pascal La Dalle et les émaciés, et puis les autres sont arrivés, et ça n'a plus été possible.

Captain Beat: Non, les Dadds étaient des tocards orgueilleux en provenance de Normandie. Les Spadassins portent fièrement leurs origines bretonnes sous un costume trois pièces. Pour l'histoire du groupe de Monsieur Moustache, c'est des cracks... C'est normal, c'est un mec de droite et il prend certaines libertés avec l'Histoire, comme tous les mecs de droite. Sa moustache n'est pas hype mais réactionnaire.


Qui a eu l'idée du nom, pourquoi ce nom?

Docteur Love : Le nom vient de P.M. il me semble. A la base, je voulais faire une sorte de groupe conceptuel avec des paroles très 19e ne traitant que de duels, d'amantes éplorées, de romantisme gothique et de chevalerie médiévale. On s'est aperçu bien vite que le challenge était difficile et que l'idée pouvait nous limiter musicalement. On a gardé le nom qui, en plus de bien sonner, rend justice au caractère royal et ancien de notre musique.

Monsieur Moustache: Comme Pascale la Dalle ne pouvait plus fonctionner, nous avons opté pour quelque chose de plus ramassé et rebondi, plus à l'image des nouveaux arrivants. Cela a donné Les Spadassins, ce qui impliquait paradoxalement de faire de la musique fine et acérée dans un français élégant. Je n'avais jamais fait cela avant, l’exercice de style me plaisait beaucoup, et puis c'était un bon prétexte pour se replonger dans Musset et Chateaubriand. Et comme je viens du berceau du Romantisme... Mais notre chanteur ne se sentait pas de porter cela, ce n'était pas son truc, et c'est dur, voire impossible, de livrer un chant convaincant si l'on est pas soi-même convaincu par ce que l'on chante. On a donc conservé le nom Spadassins, mais opté pour des paroles un peu moins surannées. De toute façon je crois que le reste du groupe n'aurait pas suivi sur l'imagerie culottes de velours, jabots et cravate Lavallière.

Captain Beat: Qu'est ce que je vous disais! La moustache fantasme un brin... Le voir lire du Musset ou du Chateaubriand, c'est mission impossible. La dernière fois qu'il a ouvert un livre, il a eu une crise d'hémiplégie. De plus, l'homme est jaloux et frustré... Il est vert de rage à la vision de nos muscles saillants. On lui pardonne bien volontiers ces félonies tant l'individu est petit et frêle.


Fred des Bikini Machine est votre chanteur, comment a eu lieu la rencontre?

Docteur Love : Fred nous a enregistrés et produits l'été dernier, il aimait notre musique et nous connaissions la légendaire élégance de ses harmonies soul. Nous avions pensé à lui dès le départ, nous l'avons séquestré puis menacé, à l'arme blanche bien sûr, pour qu'il rejoigne le groupe. La franc-maçonnerie suisse a bien évidemment facilité le travail.

Monsieur Moustache: Cela me fait repenser à cette bonne vieille blague de la vache et des trois vieillards suisses sur un banc.

Captain Beat: Je ne savais pas que Fred Ernest collaborait avec un groupe de variétés et je ne connais pas la blague de la vache et des vieillards suisses... J'ai rencontré Fred alors que le sieur Moustache faisait la roue en écoutant Percublabla et que Docteur Love découvrait la sexualité avec les titres d'Étienne Daho. A l'époque, je crois que Bloody Boulga ne parlait que le bas Finistérien et que Zorino ne parlait déjà pas... mais dans les bouquins d'Hergé. Avec Fred, on a déjà fait de la musique ensemble et c'était vachement bien.


Comment définiriez vous votre musique? Si je vous dis que j'y entends un peu de Nino ou des 5 Gentlemen ça vous semble juste? Quelles sont vos autres influences?

Docteur Love : Cela me semble tout à fait pertinent. En plus, j'adore les 5 Gentlemen. Je crois que la particularité du groupe est d'être influencé par plusieurs genres de musique des 60's. Nous écoutons de la northern soul, de la soul plus rugueuse et primitive, de la pop baroque, du Doo-wop, du freakbeat, du garage bien sûr, du R'n'B', du jerk francophone d'époque, des Bo de films. Je suis pour ma part particulièrement friand de sons 60's orientaux ou africains. J'aime beaucoup le garage turc ou les trucs asiatiques. Je pense que l'on retrouve de petites touches de tout cela dans LES SPADASSINS.

Monsieur Moustache: Personnellement j'écoute beaucoup de techno minimale, des trucs genre Stewart Walker sur Persona Records ou Luciano sur Cadenza, je crois que ça s'entend assez dans mon jeu de bongos. Sinon, j'écoute tout comme Dr. Love bon nombre de sixtiseries, dont un florilège peut se retrouver sur mon émission de radio de qualité supérieure: Blousons Noirs et Boudins Blancs. J'aime aussi le bordeaux et le réglisse.

Captain Beat: "Des trucs asiatiques"... Mmmhh... la seule fois où j'ai vu Docteur Love avec un truc vaguement asiatique entre les mains, c'est quand il a braqué des sushis dans une supérette d'autoroute. Donc oui, il y a eu présence de sushis une fois dans la vie des Spadassins. Et c'est vrai que je joue avec des baguettes...


Vous chantez en anglais et français, quels avantages trouvez vous à chaque langue? Comment décririez vous vos textes?

Monsieur Moustache : L'anglais est une langue qui sonne naturellement, ce n'est pas un hasard si elle est autant utilisée dans la musique pop. C'est bien cependant de pouvoir revenir à sa langue maternelle, c'est une tradition qui se perd un peu à mon goût, même si nous sommes un peu tous inégaux face à cela; cela n'engage que moi mais je trouve que le beat allemand sonne tout de même nettement moins bien que du garage chanté en arabe ou de la soul en espagnol. Le français n'est pas une langue facile à manier en chanson et certains morceaux s'y prêtent alors que d'autres impliquent d'y travailler, pour que les mots rebondissent et sonnent aussi facilement qu'ils peuvent le faire en anglais. Pour l'instant nous tombons un peu dans la facilité selon moi, si un morceau se prête à l'anglais, on l'écrit et le chante en anglais. J'aimerais qu'à l'avenir nous nous fassions un peu plus violence, mon idéal absolu serait vraiment deux tiers des chansons en français, mais je ne suis pas le seul à décider.

Captain Beat : Os Mutantes chantent en portugais du Brésil et ça ne dérange pas beaucoup de monde. Je ne sais pas si la langue utilisée est si importante que ça... Chanter en français pour un groupe français, c'est plus vendeur et exotique pour l'export... Avec Docteur Love, on a en projet de mettre en musique des textes d'un poète breton ou gaélique... L'important, c'est la pose!


Vous allez sortir votre premier EP sur Tryptic Records, comment s'est faite la rencontre, comment se présente la sortie?

Docteur Love : Nous avons enregistré une dizaine de chansons et Didier du label a accepté de sortir notre premier EP. Nous en sommes ravis et l'en remercions. Tout se présente bien et nous jouons au Mondo Bizarro de Rennes, le samedi 7 mai pour la sortie officielle du disque. Il serait d'ailleurs judicieux d'acheter ce disque. SUPPORT YOUR LOCAL RECORD DEALER ! Nous espérons sortir un 45 tours tous les six mois.

Monsieur Moustache : Tryptic a sorti une ré-édition des Gypsys, l'excellent Prolétaire. Forcement ça nous a botté, je n'ai malheureusement été au courant que trop tard. J'espère que Didier refera des sorties de ce type. Notre disque à nous est superbe, les titres sonnent, j'ai hâte de le tenir en main, et quand je pense que certains heureux parisiens l'auront deux semaines avant nous...

Captain Beat : Je ne connaissais pas ce label. Je ne crois pas que les parisiens peuvent être heureux. Je suis contre Paris. Je suis contre la France jacobine.


A-t-on une chance de vous voir jouer un peu partout en France ces prochains mois pour venir présenter ce 45?

Monsieur Moustache: Ça serait sacrement chouette. Tu nous bookes une tournée?

Docteur Love : Nous avons quelques dates en France d'ici l'été et en Octobre nous tournerons en Suisse, en Allemagne et en Belgique.

Captain Beat: C'est vrai que les gens qui nous voient en show ont de la chance.


Vous êtes de Rennes, et un certain nombre d'entre vous appartient à d'autres formations de la ville (Bumble Bees, Sudden Death of Stars) un mot sur la scène? avez vous le sentiment qu'il y en a une?

Docteur Love : Il est vrai qu'environ 80% de nos amis rennais jouent dans des groupes, c'est amusant. Il semble y avoir qqch par ici. Nous sommes ravis du dynamisme musical de la ville, même si parfois nos emplois du temps sont un peu surchargés avec tous ces projets. C'est cool de pouvoir jouer ensemble, de se prêter du matériel, de s'entraider pour l'enregistrement, les concerts. Le truc, c'est que notre «scène» est très DIY, nous n'avons que peu de relations avec les partenaires institutionnels. Nous perdons en visibilité ce que nous gagnons en autonomie et en liberté. Par contre, comme tu pourras le constater, nous formons plus une communauté amicale qu'une communauté artistique, les groupes ne se ressemblent pas. En vrac quelques autres groupes: A CAKE A ROOM, COMBOMATIX, SPLASH WAVE, FIFTY MILES FROM VANCOUVER, PANOPLIE...



Monsieur Moustache : Je trouve ca super cool d'être autant entouré de musiciens, on joue tous dans plusieurs groupes, et tout le monde joue dans le groupe de tout le monde. Il y a vraiment une chouette émulation, un dynamisme enivrant. Et puis cela permet aussi d'assouvir ses divers penchants musicaux. Mais il est certain que pour la plupart de nos formations, cela reste très underground, on sort des LPs, des 45s, des K7, mais c'est soit auto-produit, soit sorti sur une petite structure, de fait nous sommes peu diffusés; le monde ne connaitra peut être jamais notre génie. Je pense cependant que nous serons culte en 2066.

Captain Beat: Il y a ce qui se passe dans les médias et ce qui se passe sur le terrain... C'est là une différence notable! Il y a en effet quelques groupes cools dans le coin mais peu relayés par les journaux. Il y a une forme d'ingérence de la part de certaines personnes qui jouent avec les musiciens comme avec des Playmobil. Après, tu acceptes ou pas de rentrer dans le jeu mais c'est pas ça qui créée une scène. A Rennes, il n'y a pas une scène mais des scènes avec des circuits différents.


Que peut on vous souhaiter de mieux à l'instant précis?

Docteur Love : Du temps et des dates de concerts !

Monsieur Moustache : Des dattes c'est bien, mais égyptiennes alors, ce sont les meilleures. Et puis des figues aussi.

Captain Beat: Nous souhaiter tout, au mieux, et à taux fixe.


Quelle question ai-je oublié de poser?

Docteur Love: T'as pas une clope?

Monsieur Moustache : Si le train pour Quimper quitte Brest à 16h25, combien coûte le sandwich norvégien au wagon restaurant?

Captain Beat: Connaissez vous l'impact de l'amiante sur la discographie des Beatles? Quand est-ce qu'on mange un bœuf bourguignon? Avez vous déjà eu peur de vous réveiller en nain zébré? Plein de questions trop cools que personne ne pose jamais...

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