Affichage des articles dont le libellé est 2017. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est 2017. Afficher tous les articles

mardi 26 septembre 2017

Jack Cooper "Sandgrown"

Seul, le visage morne, l'homme s'éloigne avec langueur de la ville et ses lumières. Le portrait de Jack Cooper dépeint en couverture de Sandgrown (2017, Trouble In Mind) est annonciateur : le jeune gouailleur découvert au micro de Mazes en 2009 s'est apaisé et a accordé ses guitares. Derrière lui, Blackpool, la station balnéaire de la Fylne Coast (Lancashire, Angleterre) qui l'a vu grandir.

Résidant désormais à Londres où il incarne aux côtés de James Hoare (Veronica Falls, Proper Ornaments) la seconde moitié de l'épatant projet Ultimate Painting, le musicien a pris une pause cet hiver pour revenir sur ses souvenirs. Equipé d'un simple quatre pistes, il s'est entouré de quelques amis après Noël pour donner vie à ces ballades folk, dans une démarche DIY qui lui est chère depuis ses débuts. Écrites au cours des dernières années, toutes s'inspirent de ses moments passés à Blackpool. Cooper ne convoque pas la vie nocturne réputée, le côté populaire et frivole de la surnommée « Las Vegas du Nord » mais nous propose plutôt une promenade en bord de mer, un instant de répit.

Le minimalisme de l’instrumentation - composée de guitares claires et de percussions aux accents jazz (jeu au balais, maracas) - permet à la voix de se dévoiler entièrement. Il n’hésite pas à explorer toute sa tessiture sur Gynn Square, un deuxième single bien choisi que l’on se surprend vite à fredonner. Comme chez Kevin Morby, les textes sont denses mais les mélodies jamais sacrifiées. Le tempo modéré évoque inévitablement Mac Demarco et tout particulièrement le dernier opus de ce dernier, This Old Dog (A Net , On A Pier In The Wind). Le très mélancolique  Estuary , qui rappelle la fragilité de Christopher Owens période Broken Dreams Club, se détache par la présence d’un clavier qui complète par nappes la formation instrumentale initiale, demeurée jusque là imperturbables.

La cohérence, c’est ce qui caractérise en effet ce cycle de chansons douces et feutrées, dont le sentiment d’harmonie est renforcé par un couple d’interludes instrumentales (Sandgrown Part 1 et Sandgrown Part 2) exposant le même thème. Grâce à ces ponctuations et à son petit format (29:51min), Sandgrown évite l'écueil de la longueur. Si les amateurs de pop à guitares qui constituent habituellement le public du britannique regretteront peut-être le manque d’aspérité de ces ballades, ils en reconnaîtront tout de même sans doute le charme.



mardi 28 mars 2017

Police Control "Sentimental"

Fait exceptionnel je vais reparler d'un EP déjà évoqué ici il y a moins d'un an: le 4 titres de Police Control. Ce qui n'était en effet qu'un fichier numérique posté en catimini sur un bandcamp l'été dernier est devenu par la grâce de nos amis de Gone With The Weed (Marauder, Marbled Eye, Skategang, Sun Sick, Téléphérique...) et des Nantais de Juvenile Deliquent (Cathédrale, Rancune) un 45 Tours. 

Six mois ce sont ainsi écoulés depuis leur découverte un jour d'été. L'hiver loin de nous éloigner a, au contraire, confirmé, l'espoir suscité. Les 4 morceaux de Police Control sont tous des tubes et ils ont un super son. La musique de Police Control exprime ainsi la quintessence du genre powerpop: une subtile balance entre l'énergie foudroyante du punk (voir du hard rock) avec ce goût prononcé pour les mélodies pop fougueuses et enlevées. Le tout (bien) écrit en français s'il vous plaît ! À l'heure où la pop nationale prend parfois des chemins qui m'éloigne d'elle (la variété, la chanson) il est jouissif de voir un groupe arriver avec quatre titres aussi vifs que spontanés. Bloqué sur la touche répétition, pardonnez moi de citer Nick Lowe en guise de conclusion: Pure Pop For Now People.


mardi 21 février 2017

Once & Future Band "Once & Future Band"

Tame Impala aurait-il ouvert une boîte de pandore avec Lonerism (2012) ? Si nous avions assez vite classé le groupe australien comme figure de proue du renouveau psychédélique, il faut pourtant reconnaître que le classique de Kevin Parker a beaucoup œuvré à la réhabilitation de Todd Rundgren et plus généralement d'une pop voluptueuse et maximaliste typique de la féconde décennie soixante-dix. En 2016 le succès étonnant des Lemon Twigs confirme l'intérêt d'une partie du public pour une musique ambitieuse et une certaine pyrotechnique instrumentale. Autre signe des temps, la proposition artistique d'Aquaserge marquée par la pataphysique, le rock cérébral de Zappa et la virtuosité espiègle de la scène Canterbury rencontre de nombreux échos favorables. Si tous ces groupes ont peu en commun, les ingrédients semblent réunis pour une réhabilitation en grande pompe des maudites seventies ! Celles que l'on a aimé haïr étant plus jeunes pour leur emphase et leur démesure... 

Once & Future Band , un groupe d'Oakland contribue à sa manière, très personnelle, au mouvement. Leur premier album, sans titre, publié par Castle Face, est semblable à une créature hybride génétiquement modifiée réunissant nombre de traits saillants de la musique 70s. Pas la plus présentable: clinquante dans sa débauche de richesse, excessive dans sa virtuosité et sa maîtrise. À leur sujet, il sera possible de citer nombre de genres majeurs de la décennie: jazz-fusion (Mahavishnu Orchestra), rock progressif, pop (ELO, Steely Dan, Todd Rundgren, Sparks)... Pourtant ils ne ressemblent guères à l'un d'entre eux ! Once & Future Band est une pièce montée bourrée de chantilly et de sucre mais paradoxalement assez digeste. La formation californienne arrive en effet à créer un subtil équilibre entre pur plaisir et exigence (instrumental, écriture). Once & Future Band déploie par touche une vulgarité  agissant sur les neurotransmetteurs de plaisir du cerveau. Il écluse les poncifs et les détourne: basse au moog, soli de guitare baveux, accords enrichis ou ponts alambiqués, tout y passe, crème.  Une délectation que l'on accepte sans broncher tant il dégage de l'ensemble une sérénité: l'agréable sensation de laisser le volant à quelqu'un conduisant avec une habilité irréprochable, capable de flirter avec le danger sans jamais perdre son sang froid. 

La formation californienne a pour elle d'écrire des chansons vraiment impressionnantes, aussi évidentes que baroques. Once & Future Band est ainsi rarement pris à défaut, peut-être Hide & Seek marque-t-elle une légère baisse de régime, et encore... Juste un peu moins lumineuse que les autres. Dès l'inaugural How Does It Make You Feel ? nous sommes happés par l'ingéniosité contenue dans ces six minutes dont le lyrisme évoquerait presque Queen. Ultra casse-gueule et pourtant les Californiens arrivent à bâtir une véritable cathédrale sonore jouissive et tape à l’œil. La suite est du même tonneau, la face B étant particulièrement monumentale. S'ouvrant sur la vibrante Rolando aux accents jazz-funk, elle se conclue sur une note plus sombre sur la toute aussi ondulante Standing in the Wake of Violence. L'arpège synthétique vous restera longtemps en tête, il imprègne le cerveau comme la lumière une pellicule photographique. Magnetic Memory est un autre moment mémorable dont l'essence capte l'esprit de la musique soul sans toutefois totalement se conformer à ses canons.  Sept chansons seulement car  Once & Future Band prend son temps pour développer ses idées: entre 4 et 6 minutes. L'ensemble, malgré des durées généreuses, sonne heureusement compact donnant d'autant plus d'impact à ce premier album. 

Dans une interview, le groupe mentionnait l'importance du hip-hop dans leur conception de la musique. Si le genre n'est présent qu'occasionnellement en filigrane sa curiosité pour la musique rayonne largement ici. Il y a ici en effet une démarche proche de ces diggers qui piochent des samples dans d'obscurs disques: les influences sont utilisées littéralement mais détournées du contexte originel.  Elles prennent alors un sens nouveau apportant une couleur particulière à cet ambitieux disque de pop qui va, à n'en pas douter, avoir ses adeptes et ses détracteurs. 


mardi 7 février 2017

Proper Ornaments "Foxhole"

The Proper Ornaments vinrent à nous par l'intermédiaire d'un EP fin 2011 dont nous tombâmes immédiatement amoureux. Depuis nous suivons le groupe avec passion jusqu'à avoir la chance de pouvoir sorti un de leurs morceaux sur un split 7' (avec les français de Beat Mark) en 2015. Si Foxhole (2017 publié conjointement par Tough Love et la fantastique maison Slumberland) ne constitue pas une révolution majeur dans l'approche retenue des britanniques, il dégage une sérénité inédite par rapport à son prédécesseur Wooden Head (2014). Là où le duo constitué par James Hoare (ex-Veronica Falls, actuel Ultimate Painting) et Max Claps (ex-Let's Wrestle, actuel Toy) convoquait le Velvet Underground, le label Flying Nun ou encore les Byrds il s’éprend désormais d'ambiances bucoliques évoquant les projets des anciens Beatles. The Proper Ornaments évolue, James et Max compose désormais d'avantage au piano qu'à la guitare donnant une tonalité feutrée très agréable à Foxhole. La pop de The Proper Ornaments a cependant toujours cette sobriété si caractéristique: le jeu de batterie à l'économie et presque étouffé, les arrangements épurés (quelques arpèges de guitares, des pianos, parfois un orgue bon marché). The Proper Ornaments se refusent à toute ornementation impropre, à la vulgarité, à céder quelques pouces à une modernité vite dépassée. Cet ascétisme magnifie les compositions du duo et valorise leurs superbes harmonies. Chaque chanson semble ainsi être esquissée et réduite à son épure donnant à chaque élément la place qu'il mérite. Foxhole est le genre d'album qu'il est facile d'ignorer tant il est discret et pourtant... il est d'une beauté irradiante et son intemporalité vous accompagnera de nombreuses années. 


mercredi 1 février 2017

Maraudeur "Night 1"

Maraudeur est l'un des nombreux projets cool de la Suissesse Lise Sutter (également dans The Staches et Couteau Latex). Le label parisien Gone With The Weed vient de sortir leur premier vinyle, un flexi 45 tours orange fluo après plusieurs cassettes. Enregistrée avec l'aide de Kelley Stoltz, la production compacte et touffue pare les chansons d'un son qui leur font honneur. Maraudeur semble tirer ses influences des meilleurs groupes post-punk et no wave historiques tels que Kleenex, Delta 5 ou encore ESG. Comme ces formations, le groupe se sert de la basse à la fois rythmiquement et mélodiquement créant une musique à la fois charnelle et distante.  

Bored By Devotion est la plus uptempo des deux. Le tempo est frénétique, la ligne de synthétiseur menaçante. Deux basses se complètent en stéréophonie...Sur le refrain le jeu sur les voix allège quelque peu l'ambiance lourde et poisseuse du couplet sans trahir l'esprit général. Night 1 est la grande réussite de ce 45 tours. Sur un rythme modéré, les deux basses se répondent créant des motifs abstraits et grisants. La voix, joue la carte de la retenue non sans une certaine morgue, créant un état de transition permanent entre calme et tempête. Le temps semble ainsi  suspendu, attendant d'être brusqué par un incident.