dimanche 15 mai 2016

Sparks: la ville leur appartient

Longtemps les premiers cycles des années 70 furent ma hantise, un repoussoir à l'amateur de garage et de pop baroque que j'étais (et suis toujours!). J'avais à  n'en pas douter une image faussée de ce qu'est réellement le début de cette décennie. Je n'y voyais que ce rock conquérant et plutôt barbant que représente Led Zep' ou Deep Purple, éventuellement du rock progressif tout aussi lénifiant et prétentieux, idéalement avec une pochette de Roger Dean (Oui je parle de toi Yes)... J'étais jeune, j'avais besoin de me confronter à un ennemi, fut-il un peu trop monté en épingle pour apparaître plus féroce qu'il ne l'est réellement. En effet, j'ai appris à dissocier ces groupes de leur aura, j'ai ainsi pu aimer ce qu'ils étaient (dans une certaine mesure) en me détachant de ce qu'ils représentent aux yeux de beaucoup et qui m'horripile tant: des figures mythologiques vénérées comme le veau d'or, des vaches sacrées sur lesquelles il me tardait de blasphémer. Au fond il était peut-être plus question de guerre de religions que de défendre le libre arbitre: les années soixante peuvent à bien des égards devenir un culte de dévots zélés tout aussi peu ouverts sur le monde extérieur que les amateurs de Led Zep qui ne jurent que par le Jack Daniel's et la Les Paul gold top... Je ne prétends pas être totalement sortie de la chapelle sixties (mais en ai-je réellement envie?) cependant j'ai su, je l'espère, m'ouvrir à d'autres sensibilités...

Je suis ainsi tombé sous le charme d'une certaine pop 70s, loin d'être en rupture avec la précédente décennie, celle continue d'explorer des chemins ouverts quelques années plus tôt. Parmi mes figures favorites (et mon panthéon pop personnel) apparaissent ainsi ELO, Roy Wood (Wizzard), Emitt Rhodes (ex Merry-Go-Round), Big Star, Badfinger, Raspberries et bien sûr Todd. Parlons-en tiens du père Rundgren...Membre éminent des Nazz, l'américain créa une des plus passionnantes discographies des années 70 autour de fantastiques classiques comme "A Wizard A True Star" ou "Something / Anything ?", son label édite également un petit groupe californien (de Los Angeles): Halfnelson. Cette formation est une affaire de frangins, elle comporte ainsi deux fratries: les Mael (Ron et Russell) bien sûr mais aussi les Mankey (Earle et Jim). Devenu Sparks, le groupe sort deux albums pour le label de Todd avant que les frères Mael ne décident d'aller s'installer à Londres, Earle resté à LA produira (parmi d'autres comme 20/20 ou les Paley Brothers) quelques années plus tard, en 1976, "Mondo Deco" l'unique album de The Quick (blog) dont la ressemblance avec Sparks est frappante ! Signés par le label Island, Ron et Russell remontent la formation avec des musiciens du cru. Ils sortent en 1974, leur troisième album et grand classique "Kimono My House". Le disque est produit par Muff Winwood ex-Spencer Davis Group (et frère de Stevie Winwood évidemment), l'intéressé enregistrera l'année suivante un disque culte de powerpop: l'unique album des Milk N Cookies. "This Town Ain't Big Enough For Both Of Us" est LE single extrait de l'album qui permet aux Sparks de percer. Deuxième des charts anglais (quinzième en France), la chanson est un énorme succès mérité tant le morceau est original et imparable. Les frères Mael déboulent en effet avec une pop baroque voir rococo altière et scintillante: le chant de Russell est théâtral et excessif quand la composition de Ron est tout en cassures et crescendos délirants. Sparks est ainsi un lien intangible entre la pop aux inflexions classiques de Left Banke et le rock lyrique de Queen, la formation évoque aussi la pop post-Beatles d'ELO ou le glam rock déviant de Roxy Music. Follement plus vrillé que Michael Brown et ses accolytes, plus élégant que les dégoulinants soli de Brian May: Sparks est cependant unique.

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